Le tribunal départemental de Dakar a, hier lundi, condamné le receveur de la ligne 39 des bus Tata. Pour avoir violemment bastonné Ndèye Coumba Bèye, une passagère de sept (ans) son aînée, Cheikh Abo Sène a été envoyé à Rebeuss.
Le prévenu et sa mauvaise foi. C’est une jolie dame au teint caramel et à la taille moyenne qui fait ressortir son côté adorable, si attractif. Ses traits, d’une finesse accrocheuse, font de son visage, embelli d’yeux bridés, un ravissant tableau qui séduirait n’importe quel peintre. A la barre, dans son ensemble Wax coloré, elle dégage une certaine timidité, reflet de sa personnalité ou d’un masque arboré le temps d’un procès. Dans cette salle d’audience où le calme et la discipline sont de rigueur et où il est difficile de voir deux personnes échanger, de peur de se faire gronder ou expulser, Ndèye Coumba Bèye s’est voulu sage. Sac à main noir accroché à l’épaule gauche, la sérénité en bandoulière, elle a, une fois de plus, fait face à l’homme qui, devant tout le monde, l’a bastonnée comme s’il corrigeait sa propre fille. Cet homme, ni son père ni son frère encore moins son mari, est un receveur de bus qui a poussé l’indélicatesse à sa plus basse application, au point de lui occasionner une Incapacité temporaire de travail (Itt) de 12 jours. «Il m’a suivie à ma descente, m’a donné un coup de poing, m’a fait tomber d’un crochet, s’est mis sur moi et m’a assené de violents coups de poings», murmure-t-elle. Humiliée comme jamais, Ndèye Coumba Bèye a, cependant, su pardonner son bourreau, Cheikh Abo Sène. Qui, devant le juge du tribunal départemental (Td) de Dakar, a joué la mauvaise foi. Une carte qui lui a fait perdre la partie car, malgré ses dénégations, il a fini par battre sa coulpe et reconnaître son erreur.
La victime porte des fers à la jambe
Arrêt dépassé, échange d’insultes et bastonnade. Une erreur qu’il a commise, quand la victime, une couturière de 38 ans, en provenance de la Médina, est montée dans le bus dont le prévenu, de sept (7) ans son cadet, est le receveur. C’était le 25 mars 2016. Se souvenant de sa mésaventure, Coumba confie au juge : «Le voyage se faisait dans le calme, sans incident, jusqu’à ce que j’arrive aux abords de la Cité Soprim. C’est ainsi que j’ai dit au receveur que je descendais au prochain arrêt. Mais, le conducteur a dépassé l’arrêt en question et j’ai réitéré ma demande. Le receveur m’a répondu, d’un ton indiscipliné, en m’injuriant. J’ai, à mon tour, répliqué, avant de descendre à l’arrêt suivant. Même étant descendue loin de mon arrêt, je suivais tranquillement mon chemin, quand tout à coup, j’ai senti une présence derrière moi. Je n’avais pas fini de me retourner qu’un coup m’a été donné à la figure. Tombée à terre, j’ai reconnu le receveur avec qui j’ai eu un échange aigre-doux. Il a continué à me donner des coups de pieds et de poings sur tout mon corps.» Et la dame qui porte des fers à la jambe, suite à un accident, n’a dû son salut qu’à l’intervention de personnes, en ce moment, à l’arrêt 22 des Parcelles assainies. Un témoin des faits : «Il l’a bastonnée comme s’il corrigeait sa fille.»
Le Procureur : «Même ton avocat, Me Bamba Cissé, a eu peur, après ta déclaration»
3 mois avec sursis. Du mensonge à la vérité. Le prévenu qui avait reconnu avoir tapé la dame, en colère après qu’elle l’a insulté, niera tout à la barre. «Je ne l’ai jamais tapée. Je ne lui ai rien fait. Au contraire, elle a attendu que l’arrêt soit dépassé pour faire sa demande. Le chauffeur ne s’est pas arrêté et elle m’a lancé des insultes. Et lorsque je suis descendu du bus pour payer du carburant, elle m’a suivi pour me frapper. Je l’ai empoignée, mais ne l’ai pas frappé.» Déclaration qui fit sourire madame le Procureur, Mame Madior Sow. Connue pour sa pertinence, elle lui dit : «Tu sais, les prisonniers que tu as rencontrés en prison, ne peuvent pas être plus pertinents que ton avocat, Me Bamba Cissé. Vous reconnaissez vos faits devant les enquêteurs et le Procureur, mais une fois en prison, vos suivez les conseils que l’on vous donne de l’autre côté et venir ici raconter n’importe quoi. Pour porter cette robe d’avocat, il faut faire de grandes études et passer un examen très difficile… Même votre avocat, Me Bamba Cisse, a eu peur lorsque vous avez dit ne lui avoir rien fait.» Une remarque qui fait rire tout le monde, tout en arrachant au prévenu des aveux mimés. Requérant l’application de la loi, le Pr Sow a laissé à Me Cissé le soin de demander la clémence pour son client : «Il a retenu la leçon et même si, dans le futur, il est insulté, il saura se contrôler.» Le président, lui tendant la perche, l’a condamné à une peine de 3 mois avec sursis plus une amende de cent (100) mille francs Cfa.