Ses prédictions ont propulsé Selbé Ndom sur le devant de la scène médiatique. Sportifs, artistes ou politiques, beaucoup veulent la consulter. Ses tarifs ? Ils sont à la tête du client.
En rupture de ban avec le président Abdoulaye Wade, Macky Sall était alors un homme politique au creux de la vague. Un jour de juillet 2009, Selbé Ndom le croise à un enterrement. S’approchant de lui, elle lui prédit qu’il sera le quatrième président du Sénégal. « En rêve, je t’ai vu défoncer la porte de Wade », lance-t-elle à celui qui n’est pas encore candidat. « Il m’a fixée du regard, raconte-t-elle, a pris mes mains dans les siennes et m’a demandé comment je m’appelais. »
Depuis, l’anecdote a fait le tour du pays, mais c’est à la lutte sénégalaise que Selbé Ndom doit sa notoriété. Ses prédictions sur l’issue de plusieurs combats se sont révélées d’une fiabilité troublante. En avril 2012, à la veille d’une rencontre très attendue entre le tout-puissant Yekini et son challenger, Balla Gaye 2, elle annonce que le lutteur mythique « va tomber du côté droit » et qu’il sera vaincu. Il en sera ainsi. Elle n’est pas démentie non plus quand elle annonce, pour Bombardier contre Tapha Tine, que « le sang va couler et [qu’]il y aura KO » Thierno Kâ, du Comité national de gestion de la lutte sénégalaise, veut relativiser et explique que « la lutte et le mysticisme se conjuguent depuis la nuit des temps. Tous les lutteurs vont voir un marabout. » Mais la légende Selbé Ndom est lancée.
À 40 ans passés, elle loue toujours un appartement dans un petit immeuble sans âge de Yeumbeul, une commune de la banlieue dakaroise. Sur la coursive du premier étage, la file d’attente ne faiblit pas. Pour plus de discrétion, les VIP (sportifs, artistes ou politiques) lui rendent visite à la nuit tombée. « Elle s’appuie sur le Coran et sur les cauris, confie un proche. Mais je pense que c’est en rêves qu’elle a ses visions. » Ses tarifs, elle dit les adapter à ses clients : de 7 euros pour les plus modestes à plus de 300 euros pour les plus fortunés.
Catastrophiste
Faut-il mettre sur le compte de la jalousie les prédictions apocryphes qui lui sont attribuées depuis un an et qu’elle conteste avec énergie ? En juillet 2012, un journal lui impute une annonce catastrophiste selon laquelle un avion s’écrasera sur le campus de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar le 18 juillet. Devant sa porte, des grappes d’étudiants inquiets font le pied de grue dans l’attente d’une confirmation. Quelques semaines plus tard, un nouveau présage lui est imputé (là encore, elle nie en être la source) : elle aurait alerté Yahya Jammeh, le président gambien (fervent adepte du mysticisme), d’une menace de coup d’État. Elle aurait même préconisé, pour conjurer le mauvais sort, de faire couler le sang. En août 2012, lorsque plusieurs condamnés à mort sont exécutés en Gambie, divers médias sénégalais y voient une relation de cause à effet. « J’ai vu l’ex-épouse de Jammeh, admet la voyante. Je lui ai recommandé de faire des offrandes, mais je n’ai jamais rencontré le président ni auguré de sa chute. »
Malgré ces péripéties, la pieuse Selbé poursuit son bonhomme de chemin, se mêlant de politique ou de lutte au gré de ses visions. Elle dit avoir vu en rêve, avant qu’ils ne surviennent, les troubles du 23 juin 2011, lorsqu’un projet de réforme constitutionnelle avait fait descendre dans la rue des milliers de Dakarois ulcérés. L’année suivante, elle aurait anticipé « la chute de Sarkozy ». Et mi-mars, trois jours avant la convocation de Karim Wade devant le procureur qui le soupçonne d’enrichissement illicite, Selbé Ndom nous livrait à mots couverts cette prédiction : « En accablant Karim, il va le mettre dans la lumière ! »
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