Le parrainage au Sénégal, ce couteau à double tranchant

En Afrique, le mode d’arrivée au pouvoir n’est pas toujours démocratique et l’ordre constitutionnel n’est pas toujours respecté. Cependant, au Sénégal, la démocratie est respectée, mais l’ordre constitutionnel ne l’est forcément pas. Le quadripartisme fut aboli par le président Diouf en 1981 et la restauration du multipartisme vit le jour. Il fallait néanmoins réorganiser les règles de la compétition politique. Nous, pays colonisés, avons à l’unanimité adopté le modèle démocratique occidental et nous nous sommes lancés dans la continuité du fait colonial. Dorénavant, pour se porter candidat à une élection présidentielle au Sénégal, il faut être en mesure d’être parrainé par au moins 0,8% des électeurs, répartis dans au moins sept régions différentes du pays.


La bonne gouvernance ?

L’ancien président, Jacques Chirac, disait « L’Afrique ne serait pas prête pour la démocratie ! ». Les problèmes de la société étaient réglés sous les arbres à palabres en Afrique par les chefs de village et les notables. Ils jugeaient, légiféraient et décidaient les affaires de la cité. L’héritage de la colonisation ou du diviser pour mieux régner nous a fait perdre notre civilisation, notre constitution « africaine » pour adopter la constitution occidentale avec ces règles et ces défaillances. La colonisation, qui est responsable des frontières qui ont été très mal découpées, car n’ayant pas pris en compte les limites des royaumes et les ethnies, a créé des guerres ethniques à travers l’Afrique. Après la délimitation des pays et l’indépendance, on a voulu « civiliser » les pays africains et on les a demandés d’adopter la bonne gouvernance en signant des traités régionaux, internationaux et continentaux pour pouvoir s’acculturer au monde des affaires. Cela résultera à la mise en place de la charte africaine de la démocratie et des élections et de la gouvernance, adoptée le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba, Éthiopie. Le protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance nous dit que la modification des constitutions à quelques mois des élections est interdite. Cette notion de « bonne gouvernance » fut formalisée par la Banque mondiale. Au début, la définition était purement économique, faisant juste référence à la manière de gérer les deniers publics. Cette définition changera et deviendra le respect de la démocratie et de l’Etat de droit. La plupart des aides et prêts sont octroyées par la Banque mondiale. « Politico économiquement », la bonne gouvernance devient une condition afin de recevoir l’aide et les prêts de la Banque mondiale. Etant l’entité qui attribue cette aide, ne faisons-nous pas face à une forme arbitraire de faire ? Le problème avec ce modèle est qu’il ne prend pas en compte nos réalités sociales, religieuses, ethniques parmi tant d’autres. Se reposant sur le modèle occidental, est ce que ce modèle est adéquat à nos réalités ? Est-ce qu’une façon pour ces organismes de nous imposer leur politique d’une manière indirecte ?

A double tranchant : Qui peut se retourner contre celui qui l’emploie

« Il se trouve que l’on a eu 300 partis politiques aujourd’hui, et il y en a encore une vingtaine en dépôt, on pourrait aller à 500 voire 600. Si l’on ne rationalise pas les candidatures, il arrivera un moment où nous serons bloqués dans l’élection. Imaginez l’élection présidentielle avec une cinquantaine de candidats. Le vote ne se passe pas bien. Le président finit son mandat, que se passera-t-il ? Un pays qui est dit stable, démocratique, va se retrouver en crise. Nous devons anticiper cela. Nous devons faire un filtre citoyen. Chaque citoyen est libre de parrainer. On avait dit 1 %, on a finalement baissé à 0,8 % » nous dit le président Macky Sall. Pour son ministre de la Justice et professeur de droit constitutionnel, le président Macky Sall veut « assainir la démocratie » et anticiper une éventuelle augmentation du nombre de candidats à la présidentielle. Les candidats indépendants ont eu à fournir 10 000 signatures dans le passé.

En 1988, pendant que la dette du pays est estimée à 800 milliards FCFA, soit plus de 60 % de notre PIB et le service de notre dette représentait 50 % des recettes budgétaires, ces partis y avaient pris part, le PS, le PDS, la LD/MPT et le PIT. En 1993, on avait Abdou Diouf (PS), Abdoulaye Wade (PDS), Landing Savané (AJ/PADS), Abdoulaye Bathily (LD/MPT), Iba Der Thiam (CDP /Garab-Gui), Madior Diouf (RND), Mamadou Lô  et  Babacar Niang (PLP). En 2000, on avait Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Moustapha Niasse, Djibo Kâ, Iba der Thiam, Ousseynou Fall, Cheikh Abdoulaye Dièye et Mademba Sock. En 2012, on avait 14 candidats et « le 27 janvier 2012, malgré l’opposition populaire, le Conseil constitutionnel, considérant que Abdoulaye Wade n’a pas effectué deux mandats car la limite n’existait pas au moment de sa première élection en 2000, valide sa candidature, tandis que celles de Youssou N’Dour, Kéba Keinde et Abdourahmane Sarr sont refusées. (Walfadjri du 28/01/2012). »

Disons que 25 candidats aient déposé leur parrainage et que chacun aient 65 000 parrains. Cela donne 1 625 000 parrains. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils voteront pour les candidats qu’ils ont parrainés. Néanmoins, cela suscite un autre débat, le président Macky Sall, est-il tombé dans son propre piège avec le parrainage ? Même si à la fin, on se retrouve avec cinq candidats, ou un peu plus, le fait ne change pas, le second tour semblera inévitable. Les Sénégalais n’aiment pas quand on les défie, et le parrainage a été un défi envers le peuple Sénégalais. Est-ce le début de la fin pour le président Macky et son PSE ?

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