Comme un serpent de mer, la rumeur de la commercialisation d’un riz en plastique refait surface en Afrique de l’Ouest. Théorie du complot ou réelle conspiration d’industriels sans scrupules ?
Dans les années 70, le plastique était la matière miracle, les polymères étant malléables et « colorables » à l’envi. Trois décennies plus tard, le vortex de déchets du Pacifique nord constitue une bien gênante « soupe plastique » que l’on qualifie de nouveau continent. Bien involontaires cobayes, quelques ruminants victimes d’occlusions intestinales ont fait les frais de la prolifération des plastiques non-recyclés dans leur alimentation désordonnée. Hommage, donc, à ces vaches qui ont donné leur vie pour que les humains pensent à limiter l’usage agro-alimentaire des polymères au packaging. Et ceci même si certaines gelées britanniques ou certains bonbons aux formes de crocodiles ont des allures plastiques…
Mais voilà que des rumeurs de riz en plastique surgissent dès 2016. Origine de l’aliment ? L’Asie. Destination ? L’Afrique de l’Ouest, bonne poire toujours supposée avaler n’importe quoi, du Nigeria au Sénégal, en passant par le Burkina Faso. Il y a six mois, une publication Facebook hurle à la conspiration bridée en expliquant que des Chinois élaborent du faux riz avec des polymères. La théorie du complot atteint son paroxysme lorsqu’est mise en ligne une vidéo intitulée « C’est grave, ces bandits vont nous tuer ! » On y voit des hommes mettre du plastique dans une machine, laquelle machine vomit plus loin ce qui ressemble autant à des grains de riz qu’à ces granulés recyclés qui servent de matière première à des bassines ou des chaises de jardin. À quand, sur les menus des gargotes dakaroises, le « thieboudiène sauce plastoque » ? Le thiof du plat ayant lui-même l’estomac truffé de déchets polymères, la boucle serait bouclée…
Invitations à la prudence
Prudentes, les autorités démentent, dans les limites de leurs connaissances. Il y a quelques jours, le ministre sénégalais du commerce, du Secteur informel, de la Consommation, de la Promotion des produits locaux et des Pme, Alioune Sarr, affirmait qu’aucun riz en plastique n’était entré dans son pays par la voie normale. Même incrédulité officielle du gouvernement burkinabè, pays où la psychose a refait surface récemment. La direction de la communication du ministère du commerce indique que « le Gouvernement burkinabè a accentué les contrôles sur la qualité des céréales et particulièrement celle du riz vendu au Burkina ». Tout de même prudente et pédagogique, elle invite les populations à rester vigilantes dans tout ce qu’elles consomment…
Plus pédagogiques sont les avis des experts. Interrogé par le site Senego, le 3 mai, le docteur Ngom rappelle que « le plastique est une matière qui ne se digère pas » et que la présence réelle de polymères dans du riz aurait conduit à un nombre significatif d’hospitalisations. Les experts journalistiques, eux, indiquent, chiffres à l’appui, que le motif du crime – la cupidité – n’est guère démontré, le prix de la tonne métrique de granules de plastique recyclé dépassant celui de la tonne métrique de riz sur les marchés internationaux.
Pour des cuisiniers asiatiques interrogés par des médias européens, le « ressenti plastique » du riz incriminé, même crû et au toucher, ne serait que le signe d’une mauvaise qualité. Comme le médecin sénégalais, les toxicologues affirment que l’ingurgitation de polymère aurait fait tiquer le consommateur dès le contact avec les dents. Des physiciens expliquent même le flottement du grain dans l’eau par son incapacité temporaire « à percer la tension de surface de l’eau »…
Encore une théorie du complot dissoute dans l’eau de cuisson ? La ligue des consommateurs du Burkina aurait bien détecté quelques traces de déchets plastiques dans une portion de riz, mais la conspiration industrielle n’est pas encore démontrée.
Jeune Afrique