Hier soir et ce dimanche, très longuement, intensément, mes pensées sont allées à mon défunt très cher et regretté grand-frère Ousmane Tanor Dieng. Un être qui a énormément contribué à me façonner.
Cette vive émotion est née d’un long appel téléphonique de son frère cadet, mon frère et ami Amadou Dieng, depuis les États-Unis. Il y a vingt-neuf ans, Ousmane Tanor Dieng et son meilleur ami, mon frère aîné, Papa Yama Mbaye, avaient décidé de nous expédier en France, à Reims, pour que nous y entamions des études universitaires. Près de trente ans après, nos liens fraternels, familiaux sont restés intacts. Aujourd’hui encore, je ressens ma douleur voyant Ahmadou déambuler derrière le cercueil de notre très cher grand-frère à AIBD.
Samedi, nous avons reparlé de tout cela. En cette occasion, Amadou et moi avons revisité notre défunt grand-frère. De son vivant, nous avions l’habitude de disserter, en cachette évidemment, sur son caractère impénétrable, ce parfum de mystère qui imbibe nombre de ses faits et actes, de son sens inégalé de la réserve, son goût pour la courtoisie. Mais aussi, soyons honnêtes, de ce que nous ressentions comme cette « distance » et cette « froideur » qui caractérisent les grands commis.
Ceci dit, au-dessus de toutes les vertus de Ousmane Tanor Dieng, nous avons relevé le charme de sa politesse exquise pour les grands et les petits. De son souci de la famille. En somme, Amadou et moi avons revisité les diversités d’un homme hors du commun, qui fondent cette admirable unicité qui lui a valu tant d’éloges à l’heure de se retirer sur sa terre chérie de Nguéniène. Que Dieu ait pitié de l’âme de cet aîné dont la perte nous plonge dans un tourment indicible.
Et au réveil, ce dimanche, mes larmes pas encore asséchées, j’étais encore saisi par la tonalité de cette longue discussion avec Amadou.
Soudain, en naviguant sur Facebook, je vis des propos relatifs à Guy Marius Sagna. Alors, j’ai eu souvenance du propos injurieux proféré à son encontre, le jour du rappel à Dieu de mon grand-frère. Après réflexion, ma conscience et la connaissance intime et particulière que j’ai eues de feu Ousmane Tanor Dieng m’ont imposé un questionnement : est-ce que Ousmane Tanor Dieng aurait aimé mes propos à l’endroit de Guy Marius Sagna que j’ai injurié le jour de son rappel à Dieu parce qu’à mon sens il avait tenu à son endroit des mots jugés inadéquats ?
La réponse coule de source : non ! Sans nul doute, il m’aurait tancé en ces termes : « Jeune frère, tu as été excessif. Il faut se méfier des excès. » Et excessif, je l’ai été, à vrai dire !
Dès lors, j’ai interrogé ma conscience et me suis posé une autre question : qu’est-ce qu’il me reste à faire ?
J’ai pris mon courage à deux mains, décidé à contacter Guy Marius Sagna aux fins de lui demander pardon pour l’avoir injurié. Je m’en suis ouvert à Soya Diagne (mon ami et un autre grand détracteur du régime auquel j’appartiens). Il m’a facilité la tâche et permis que je m’entretienne au téléphone avec Guy Marius Sagna. Longuement.
Un échange enrichissant au cours duquel j’ai demandé pardon à Guy Marius Sagna. Et il m’a accordé son pardon avec des mots empreints d’un rare humanisme. À mon sens, ce fut une occasion noble donnée à deux extrêmes (assurément croyants, je ne saurais dire pratiquants) de se comprendre en parlant de celui qui les a occasionnellement opposé : feu Ousmane Tanor Dieng. De celui qui les oppose en permanence : Macky Sall. Et surtout du plus important : le Sénégal. Nous avons discuté sans compromissions.
Ici et maintenant, je le dis sans détour, et sur l’honneur : le Guy Marius Sagna avec qui je me suis entretenu, m’a donné l’agréable impression qu’il est un homme sans haine ; je n’ai nul doute qu’il est un patriote, si cela s’entend par aimer son pays.
Mais, à mes yeux, je demeure convaincu que ses jugements sur la gouvernance de l’homme en qui je crois, Macky Sall, sont erronés. J’ai senti qu’il serait plus aisé de déplacer le Kilimandjaro que de le convaincre qu’il a tort en ce qui concerne Macky Sall.
Mais, la confrontation des idées n’est-elle pas le charme de cette démocratie que nous chérissons ?
Merci Soya.
Yakham Mbaye