C’est devenu comme un fléau. Les couples ne tiennent plus. Et les chiffres sont assez révélateurs. A Dakar, durant l’année 2015, le tribunal départemental a ainsi eu à prononcer 1775 divorces. Nous sommes allés en profondeur pour en savoir davantage sur les causes de ces divorces. Les hommes, les femmes se sont penchés sur le sujet. Un juriste a apporté un éclairage, un sociologue a analysé le fléau qu’un imam et un prêtre ont cerné.
Dans la société sénégalaise, on a tendance à entendre à un certain âge chez les jeunes filles l’expression : «Yalna la yalla may jëkër ju baax» (Que Dieu fasse que tu aies un bon mari). Et aux jeunes hommes de la trentaine, on balance : «Loy xaar pour takk» (Qu’attends-tu pour prendre femme). Sauf que souvent, les couples ne durent pas longtemps. En effet, au niveau du Tribunal départemental hors classe de Dakar, les statistiques ont révélé que 1775 cas de divorces par consentement mutuel (Dcm) ont été répertoriés en 2015.
INCOMPATIBILITE D’HUMEUR, JALOUSIE, MATERIALISME…
Mais que se cache-t-il véritablement derrière ces divorces ? En réponse à cette question, dans les dossiers de divorces du tribunal de Dakar, il ressort que beaucoup de «victimes» du mariage ont été perdues par «l’incompatibilité d’humeur, l’impréparation psychologique, l’absence d’intimité, le ‘doxaan’, le ‘matérialisme’, le ‘daan ma takaal wudj’, mais également la belle-famille, le ‘faru raab’, le maraboutage, la jalousie, l’orgueil, l’absence de communication et le fameux proverbe ‘qui cherche trouve’», entre autres, qui sont les causes premières de divorces.
Selon cette cinquantenaire appelée par ses proches Diaga, la chose n’est pas compliquée. «J’ai subi le divorce et cela fait presque trois ans que je suis seule. Et pourtant, je suis restée 27 années à attendre mon mari chez ma belle-famille».
Poursuivant cette mère de trois enfants confie : «J’ai été mariée à l’âge de 17 ans. Et j’ai vécu avec mon mari pendant 6 à 7 années. Après, il est parti aux Etats-Unis pour se trouver un boulot et je suis restée chez ma belle-famille à l’attendre. Cela a duré plus de 20 ans. Mais lorsque l’une de mes belles sœurs est allée aux Etats-Unis pour s’y installer, mon mariage a commencé à connaître des problèmes. Et finalement, c’est mon propre époux qui m’a appelée pour demander de retourner chez mes parents. Malgré tout ce que j’ai supporté, lolou laci am (c’est ça que j’ai récolté)».
BELLES-MERES ET BELLES SŒURS «BRISEUSES DE MARIAGES»
«C’est par la suite que j’ai appris que ma belle-sœur me faisait des coups bas. Car elle voulait soutirer de l’argent à mon mari. Et du coup, elle racontait des contrevérités à mon égard. Et pourtant, mes parents m’ont demandé depuis longtemps de casser le mariage pour revenir à la maison familiale. Mais ça, de son vivant, mon beau-père ne l’a jamais voulu», informe Diaga.
Pour sa part, Keysha (27 ans) souligne que son premier mariage n’a pas marché et n’a duré que 2 ans et demi. «Mon homme vivait en Europe, mais il n’avait pas de papiers. Seulement, il m’avait menti auparavant en me disant qu’il avait des papiers. C’est bien après que j’ai appris qu’il ne me disait pas la vérité, lui qui m’avait demandé de sacrifier mes études pour aller appendre la coiffure pour rester son épouse. Car, il voulait m’emmener à ses côtés, en Italie. Et finalement, quand la vérité a éclaté, étant donné que je n’avais plus confiance en lui, j’ai demandé le divorce», justifie-t-elle.
Keysha a fini cependant par retrouver l’âme sœur. «Je me suis remariée et j’ai deux enfants : une petite fille et un garçon. Mais j’avoue que l’orgueil me pousse parfois à ne pas demander pardon à mon époux. Car c’est la curiosité qui m’a amené à découvrir la situation réelle de mon ex-mari. Cela, en fouillant dans ses affaires», avoue-t-elle, faisant ainsi référence au proverbe «celui qui cherche trouve». «Une femme ne doit jamais fouiller le portable de son époux. Car, si je ne l’avais pas fait, peut-être que je n’aurais jamais découvert ce que j’ai trouvé et qui a été la cause de mon divorce».
MARIAGE VIA FACEBOOK ET LES RESEAUX SOCIAUX
Mballo, teint clair, taille moyenne, est un homme qui a subi le divorce. Il explique : «Mon divorce a été causé par plusieurs facteurs, notamment avec des problèmes liés à la belle-famille, au matérialisme. Avec mon ex-femme, on a fait 8 ans de mariage et on a eu deux gosses. Je travaillais journalièrement et elle était au courant de ma situation. Quand elle a commencé à travailler, elle a commencé à avoir un comportement différent. Elle avait de l’argent et tantôt quand je rentrais à la maison, je la voyais assise à droite, ma famille à gauche. Elle ne leur parlait plus. Et cette situation, ne me plaisait pas du tout. Finalement, de problème à problème, le mariage a cassé».
Interpellée sur le sujet, cette mamie âgée de 65 ans explique avoir fait «presque 48 ans de mariage. Et je vous dis qu’il y a une grande différence entre les mariages de maintenant et les mariages d’hier. Et vous savez pourquoi ? C’est parce que les filles d’aujourd’hui sont très matérialistes et sont impatientes. A notre époque, ce sont nos parents qui faisaient une visite de terrain pour connaître les origines de la belle famille, enquêter sur notre futur époux. Mais cette méthode n’existe plus de nos jours. Les filles scellent leur mariage à travers par exemple facebook et les réseaux sociaux et cela est très dangereux. Et si vous voyez bien le fond des choses, il y a de forte chance que ce genre de mariage soit solide».
«LE MARIAGE, CE N’EST PAS UNE COURSE»
Toujours dans ses explications, la dame renchérit : «Il y a également d’autres facteurs. Par exemple, et ça c’est la mentalité sénégalaise, c’est de faire le ‘dakkanté’ (faire la course). Car, à un certain âge chez la jeune fille, elle est incitée à se précipiter pour se trouver un époux, tout simplement parce qu’on lui met dans la tête, ou alors elle-même se met dans la tête, qu’elle doit se marier impérativement. Juste parce que toutes ses amies se sont mariées. Là, c’est la course et généralement ce type de mariage ne tient pas longtemps».
«Le mariage, il faut savoir que ce n’est pas une course. C’est pour la vie. Ce sont des sentiments. C’est un vouloir vivre ensemble dans la peine et le bonheur, dans la compréhension et la complémentaire. Dans les difficultés et la joie et j’en passe», clame la mamie.
LE POIDS DU MARABOUTAGE
Au Sénégal, le maraboutage reste un sérieux frein au mariage. De nombreux couples se sont disloqués à cause de ce fléau. Et sur cette question du maraboutage, cette fille du nom de Arame témoigne sur des faits. «Il s’agit d’une fille qui vivait avec sa belle famille. Et un beau jour, pour remplir sa mission mystique, elle a préféré aller séjourner chez ses parents un moment, avant de rentrer dans son foyer. Mais il se trouve qu’elle avait ramené quelque chose. Ainsi, son mari tombait tout le temps malade. Alors, vu que les médecins ne trouvaient rien, la belle famille de la fille est allée voir un marabout. Et c’est ce dernier qui a révélé qu’on l’a marabouté en donnant des indications sur l’auteur et les moyens», explique-t-elle.
Poursuivant, Arame indique: «Quand on a soulevé le lit de la femme, on a trouvé des ‘gris gris’, exactement comme l’avait dit et confié le marabout selon quoi, l’homme avait été marabouté par sa femme qui avait mis ces choses sous le lit. Ce qui a occasionné le divorce du couple. La fille a avoué avoir marabouté son mari afin qu’à chaque fois qu’elle voulait quelque chose de lui, comme par exemple de l’argent, son époux le lui donne sans piper mot. Sauf que cela a rendu aussi son mari malade», narre-t-elle.