[Notes de lecture] Le courage d’agir d’Aliou Sow : un condensé de règlements de comptes personnels
Depuis la création de son Mouvement politique et la sortie de son livre Le courage d’agir, le Dr Aliou Sow fait de plus en plus d’apparitions publiques pour se prononcer sur l’actualité politique nationale. Dans toutes les tribunes médiatiques qui lui sont offertes, il ne cesse de déclarer ouvertement que son seul objectif politique est d’être à la tête du Sénégal et de diriger les Sénégalais. Objectif louable et fort ambitieux. Il a parfaitement le droit d’afficher des ambitions présidentielles et de se battre pour les atteindre. S’il est également établi dans les cieux qu’il sera un jour le président de tous les Sénégalais, nul ne pourra s’opposer à ce possible décret divin. Mais en attendant que cela arrive et à force de l’entendre marteler continuellement cette volonté individuelle, nous avons succombé à la curiosité de parcourir son ouvrage Le courage d’agir. Une autobiographie qui permet de mieux saisir les contours du personnage qui, apparemment, se pointe chaque matin devant son miroir pour contempler son visage de futur président de la République du Sénégal. Au terme de la lecture de son livre, on ne peut s’empêcher d’ailleurs de souhaiter lire les écrits personnels d’autres leaders politiques qui aspirent gouverner leur peuple. Cela donne un aperçu intéressant sur leurs caractéristiques psychologiques et permet au lecteur de se faire une idée plus nette sur les forces et les limites de l’aspirant au pouvoir, loin des programmes électoraux souvent concoctés par des experts venant d’horizons divers. Écrire c’est aussi se révéler. Et à l’instar d’un tableau d’art que le visiteur se permet d’apprécier et d’interpréter à sa guise lors d’une exposition artistique, les livres n’appartiennent plus à leurs auteurs une fois qu’ils sont publiés et chacun peut en faire sa propre critique. C’est le cas du livre Le courage d’agir qui nous en apprend beaucoup sur Aliou Sow.
Un homme hanté par ses ennemis
Aliou Sow voit des ennemis partout, prêts à lui barrer la route et à lui mettre les bâtons dans les roues. De son village natal où, très jeune, il faillit être assassiné jusqu’à l’université, en passant par sa propre formation politique, le conseil des ministres et l’Assemblée nationale, il révèle, au fil des pages, avoir fait l’objet de trahisons, de jalousie gratuite et de tentatives mesquines de liquidation politique. Si certains comme Idrissa Seck, Abdou khafor Touré, Doudou Wade, Babacar Gaye et Modou Diagne Fada n’ont pas échappé à ses attaques virulentes et parfois insultantes, d’autres se font trainer tristement dans la boue sans être nommés. Ces derniers sont décrits par des indices physiques peu flatteurs ou par des allusions dévalorisantes sur leur manque de vertus morales. Ce livre aux allures pamphlétaires sonne à bien des égards comme une tentative de règlement de comptes personnels envers ceux qui , à un moment ou à un autre de son parcours politique, ont croisé son chemin avant de lui laisser de très amers souvenirs. Des «êtres humains dont la bestialité et l’immoralité n’ont de place que dans une porcherie et non dans une société de normes, de foi et de valeurs», lance-t-il à l’endroit de ses «ennemis» non identifiés. À des personnes comme Modou Diagne Fada, il a consacré un chapitre entier sur les péripéties de leur relation d’abord quasi fraternelles avant de devenir conflictuelle. L’«Ange» s’est métamorphosé en «Satan». Même les soubresauts qui ont émaillé son premier ménage ne sont pas épargnés dans ses confessions. Après avoir couvert sa nouvelle femme, Marie Lô, de toutes les marques d’amour, d’affection et surtout de gratitude, le lecteur informé des péripéties conjugales du premier mariage d’Aliou Sow peut deviner aisément la destinataire de ces propos : «Une femme mariée capable d’adultère est capable d’empoisonner son mari pour les raisons qui l’ont poussée à commettre une si odieuse forfaiture. Une femme mariée adultérine est une souillure en mouvement dont il faut se débarrasser si on est porteur d’une ambition noble ou au service d’une cause noble.»
La politique pour atterrir au palais
Pour Aliou Sow, choisir le terrain politique c’est suivre son étoile et aller à la poursuite de sa légende personnelle à l’image de Santiago, le personnage principal du célèbre roman L’Alchimiste de Paolo Coelho, un auteur qu’il n’hésite pas à citer à plusieurs reprises dans son livre. Un destin qui devrait le mener inéluctablement à être un jour à la tête du Sénégal, habitué qu’il est depuis tout petit à être un premier de classe et à toujours jouer les premiers rôles mais aussi parce qu’il a «toujours voulu avoir le pouvoir de décider, de nommer et de faire nommer.» À la description du monde politique tel que les acteurs s’y affrontent, Il donne sa perception de cet univers à la lumière de ce qu’il y a vécu. Au futur politicien et probable leader, il l’avertit et le prévient de s’attendre parfois à un «jeu de bandits» où les coups volent souvent très bas. Un univers démoniaque fait d’intrigues, de complot, de ruse, de combines et de destruction mutuelle permanente. L’auteur dresse un tableau très éloigné de l’image reluisante que renvoie la politique sous nos cieux où le spectateur s’attend à empocher des milliards d’un claquement des doigts ou de découvrir facilement une quelconque mine d’or cachée et des richesses illimitées. Mais la peur de se jeter dans «la marre à crocodiles ou le panier de crabes» n’ont jamais freiné son désir de s’engager en politique. L’activité politique est certainement pour une lui une façon de « transcender la grande brièveté de l’existence» dont parlait l’écrivain Milan Kundera pour atteindre «la grande immortalité». En apportant sa brique dans l’édification continue de la cité, il s’assure d’immortaliser son passage sur terre et de marquer de ses empreintes une vie qui pourrait être très éphémère à l’instar de celle des autres membres de sa famille, comme il nous l’apprend lui-même. S’engager en politique pour l’auteur, c’est aussi perpétuer l’œuvre et la pensée de celui qu’il déifie à la limite, tant les superlatifs à son endroit s’égrènent comme les perles d’un chapelet au fil des pages dans le chapitre consacré à son engagement politique et au Wadisme, une idéologique ancrée dans le libéralisme et s’appuyant sur les enseignements et la vision politique et économique d’Abdoulaye Wade. À l’opposé des nombreux pourfendeurs de l’ancien président, l’auteur prend la défense du «maitre des maitres» et l’habille de ses beaux atours du «meilleur de la classe politique» au Sénégal.
La revanche des diplômes
Aliou Sow nourrit certainement un complexe sur ses origines sociales même s’il tente de bien le cacher et de l’utiliser à son avantage comme celui qui est parti de rien pour devenir un homme respectable et distingué dans la société sénégalaise. Les nombreuses références directes ou indirectes à son statut d’origine l’illustrent bien. D’ailleurs, il en fait une belle réappropriation : «Apparemment, Aliboron n’a d’oreilles que pour Malao. Heureusement, j’en suis un. N’en déplaise à ceux qui, faute d’arguments valables et convaincants, faute d’échos favorables et de répondants crédibles, ont cherché à m’atteindre en s’attaquant à mes origines pour malheureusement finir par se heurter à ma fière appropriation, comme un atout, de ce que je suis par décision divine.» La sublimation des diplômes et du niveau intellectuel semble s’inscrire dans la logique d’une revanche sur l’histoire et une arme fatale qu’il n’hésite pas à brandir contre ses adversaires politiques. C’est à croire que l’accession au titre de Docteur est une finalité en soi pour mériter le respect et surtout l’estime des Sénégalais dans son ambition affichée de les diriger. Cela se reflète bien dans sa façon condescendante et humiliante de mépriser des hommes politiques de sa génération qu’il juge par leur ignorance. De son ancien ami et compagnon libéral Modou Diagne Fada, il dira ceci : «Fada est un esprit politiquement brillant, endurant et battant, mais intellectuellement très limité. Une courte visite dans son champ lexical et sémantique vous fera vite découvrir l’étroitesse de la superficie et de la densité de sa culture générale.» Même lorsqu’il tente d’être doux, Aliou Sow finit par succomber dans sa tare intellectuelle. «Wilane parle trop et parfois même inutilement et avec beaucoup d’impertinence, faute de niveau intellectuel, mais il est valeureux» pour qualifier Abdoulaye Wilane, le porte-parole des Socialistes.
Certes, il est imprudent, voire dangereux de confier les rênes du pouvoir à un homme dont les capacités intellectuelles et académiques sont discutables, mais Dr Aliou Sow n’est pas sans savoir que le nombre des diplômes ne fait pas nécessairement un bon président de la République. Dans l’histoire récente africaine, l’exemple de piètres présidents de la République et pourtant très diplômés ne manque pas. À l’opposé, des modèles de bonne gouvernance et de gestion vertueuse alors que ces derniers ont à peine connu le chemin des universités sont encore vivants dans nos esprits.
L’inspiration d’Obama
L’auteur aime donner l’exemple de Barack Obama comme source d’inspiration dans sa persévérance, sa ténacité et sa grande ambition alors que, ni les origines sociales de celui-ci encore moins la couleur de sa peau ne le prédestinait à devenir le 44e président des États-Unis d’Amérique. S’il est vrai que le parcours de Barack Obama avant d’accéder à la présidence du plus puissant pays au monde est atypique et inspire encore des millions de jeunes noirs dans le monde, ce que Aliou Sow oublie ou feint d’ignorer c’est qu’Obama n’a jamais reçu le coup de main d’un président de la République qui l’a sorti du néant en le révélant au grand public alors qu’il n’était qu’un simple étudiant finissant du CESTI avant de lui confier de grandes responsabilités étatiques. Obama ne s’est pas hissé à la tête des États-Unis parce qu’il dirigeait un bruyant mouvement estudiantin. C’est plutôt le choix de se mettre au service des plus démunis et des exclus de la société avant et après l’obtention de son diplôme à Harvard, l’une des plus prestigieuses universités américaines. Hormis ses performances académiques indiscutables, c’est par le don de soi et le sacrifice au profit des pauvres et des nécessiteux qu’Obama a gagné plus tard la sympathie et l’amour des millions d’Américains. Il n’a pas choisi les raccourcis faciles ou reçu le coup de main d’un quelconque bienfaiteur. Comme beaucoup d’autres lecteurs, Dr Aliou Sow a bien lu l’autobiographie Les rêves de mon père. L’histoire d’un héritage en noir et blanc de Barack Obama. Il ne niera pas y avoir découvert les nombreuses réalisations sociales et communautaires que le futur président américain a pu effectuer sans budget d’un gouvernement ou sans l’appui d’un programme ministériel. Qu’Obama inspire d’autres leaders politiques par ses origines sociales modestes est une chose, mais il ne faut pas occulter que la présidence n’a été que la dernière marche d’un escalier fabriqué pour servir son pays et non pour se servir.
S’élever dans l’humilité et la sagesse
Aliou Sow est certainement un brillant intellectuel dans la maitrise du maniement de la langue tant à l’oral qu’à l’écrit; dans la structuration et la manipulation des idées et des concepts, et dans la démarche dialectique et rhétorique. Personne ne peut lui enlever ce statut. Il pourrait également être un bon universitaire au vu de l’importance qu’il accorde aux diplômes. Toutefois, cela est loin d’en faire un homme d’État ou mieux, un candidat sérieux et méritant au futur poste de chef suprême de la nation sénégalaise. Il lui manque de façon criarde, à la lumière de ses nombreuses confessions dans Le courage d’agir, cette dose de fine sagesse et de grandeur d’âme qui fait la particularité des grands HOMMES. Cette percutante lumière et de transcendance qui confère l’humilité dans la connaissance et l’empathie envers ses semblables même auprès de ceux qui nous causé les pires torts. Aliou Sow reste dans l’adversité primaire et parfois sauvage. Il a du mal à cacher sa rancune et ses violents états d’âme. Il renvoie l’image d’un revanchard qui n’hésiterait pas écraser ses pires ennemis et à leur faire payer leur dette le jour où l’État et les Sénégalais lui en attribueront les moyens. Et pourtant, sans s’en rendre compte c’est ce qu’il dit d’Idrissa Seck : «Il est prouvé cependant par des faits et des dires, que beaucoup de ses adversaires ont connu des dégringolades, des humiliations et des sanctions lourdes, parfois injustes, sous son instigation,…»
En espérant que Dr Sow change et rassure avant le jour de la consécration…
Lamine Niang
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Xalima