En s’en prenant à l’Allemagne, l’administration Trump prend à nouveau pour cible un pays avec lequel les États-Unis souffrent d’un imposant déficit commercial, tout en continuant son travail de sape engagé contre l’Union européenne.
Fait très inhabituel dans la politique américaine, la charge est venue d’un simple conseiller de Donald Trump et a trouvé pour terrain d’expression les colonnes d’un quotidien, au mépris des usages diplomatiques.
Dans son entretien au Financial Times, Peter Navarro n’a pas hésité à accuser Berlin « d’exploiter » d’autres pays de l’Union européenne et les États-Unis avec un euro qui serait « grossièrement sous-évalué » et permettrait ainsi de rendre ses exportations plus compétitives.
Selon le dirigeant du tout nouveau Conseil du commerce à la Maison Blanche, l’Allemagne utilise la devise européenne comme « Deutsche Mark implicite », du nom de son ancienne monnaie, pour faire gonfler ses excédents commerciaux avec ses partenaires.
La chancelière allemande a aussitôt rejeté ces accusations, en s’abritant derrière la Banque centrale européenne qui est seule habilitée à gérer la politique monétaire de la zone euro.
« Concernant la question de l’euro et de sa valeur, l’Allemagne est un pays qui a toujours plaidé pour que la Banque centrale européenne mène une politique indépendante », a rétorqué Angela Merkel.
– Critiques anciennes –
Le fait est pourtant là: le déficit commercial américain vis-à-vis de l’Allemagne n’a cessé de se creuser et a vu sa valeur multipliée par cinq en vingt ans, passant de 14,4 milliards de dollars en 1995 à 74,8 milliards en 2015 sur les seuls échanges de marchandises
Et même sous l’administration Obama, la politique commerciale allemande faisait déjà tiquer Washington.
En 2013, le Trésor américain avait ainsi fustigé « la croissance anémique de la demande intérieure » allemande, alimentée par une politique de bas salaires, et « sa dépendance envers les exportations » qui créerait un « déséquilibre » surtout en Europe.
Le diagnostic avait heurté les autorités allemandes qui avaient alors dénoncé une critique « incompréhensible ».
Cela n’avait pas empêché les États-Unis de poursuivre leur offensive. Depuis 2016, l’Allemagne figure ainsi sur une liste de 5 pays placés sous la surveillance américaine pour s’assurer que leurs politiques commerciales et monétaires ne leur fournissent pas d' »avantage concurrentiel déloyal ».
L’offensive de l’administration Trump semble toutefois reposer avant tout sur l’idée que tout déficit commercial serait par nature néfaste et doit être âprement combattu
Ses deux cibles privilégiées, le Mexique et la Chine, exportent ainsi beaucoup plus de marchandises aux Etats-Unis qu’ils n’en importent.
« Ils ont une vision très mécanique du déficit commercial qui serait, par définition, un poids pour la croissance », affirme à l’AFP Edward Alden, du Center on Foreign Relations de Washington.
Sur le papier, le déficit commercial grève certes le produit intérieur brut d’un pays mais il peut également refléter un surcroît d’activité ou l’appréciation d’une monnaie reflétant le regain de confiance des investisseurs.
– L’UE dans le viseur –
L’offensive de l’administration Trump n’est toutefois pas qu’économique. Les déclarations de M. Navarro tentent ainsi de semer la division au sein d’une Union européenne pour laquelle le président américain n’a jamais caché son hostilité.
« En clair, (l’UE) est un instrument au service de l’Allemagne », avait-il lancé à la mi-janvier, qualifiant par ailleurs de « merveilleux » le vote en faveur du Brexit et prédisant de prochaines défections au sein de l’UE.
« Ils vont avoir beaucoup de mal à maintenir cette union parce que les gens sont en colère », a-t-il récemment affirmé.
La nouvelle administration américaine place « l’Union européenne dans une situation difficile », a d’ailleurs reconnu mardi le président du Conseil européen Donald Tusk.
Derrière ces déclarations transparaît ainsi une profonde aversion pour l’idée même de multilatéralisme, qui s’est déjà manifestée dans les critiques de l’OMC ou le rejet des grands accords de libre-échange (TPP et TTIP).
« Il est temps de prendre l’administration Trump au mot », estime M. Alden. « C’est un gouvernement hautement nationaliste qui est opposé à tout ce qui renvoie à un quelconque internationalisme et dont l’UE est un des symboles ».