L’Afrique, cadet des soucis de Donald Trump

À peine arrivé à la Maison Blanche, Donald Trump commence à dévoiler les grandes lignes de sa politique étrangère. Et l’avenir du continent africain semble bien loin de ses priorités, sauf pour y faire du « business » et combattre le terrorisme.

Tout au long de la campagne qui a précédé son arrivée à la Maison Blanche, vendredi 20 janvier, Donald Trump n’a presque jamais fait allusion à l’Afrique. Si les États-Unis négligent traditionnellement le continent dans leur politique extérieure, l’arrivée de Donald Trump, qui a promis que son pays passerait « en premier », augure d’un intérêt encore plus restreint.

Dans un mémorandum de quatre pages que le New York Times s’est procuré, l’équipe du milliardaire a posé une série de questions au département d’État américain sur les relations entre l’Afrique et la première puissance mondiale. « La formulation de certaines questions suggère une définition plus restreinte des intérêts américains en Afrique, et une approche (…) à court terme de l’engagement avec les pays africains », relève pour le quotidien new-yorkais la directrice du programme africain de l’institut Woodrow Wilson, Monde Muyangwa.

Populaire auprès de certains dictateurs

« Donald Trump devrait être plus isolationniste que son prédécesseur. Il sera assez peu actif là où les intérêts directs américains ne sont pas menacés. Plusieurs présidents africains, au pouvoir depuis longtemps comme Denis Sassou N’Guesso (Congo), José Eduardo Dos Santos (Angola) ou Teodoro Obiang (Guinée équatoriale) se réjouissent et préfèrent le nouveau président à une personnalité plus volontiers interventionniste comme Barack Obama ou Hillary Clinton », analyse Benjamin Augé, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales. De nombreux chefs d’État africains avaient d’ailleurs salué l’élection de Donald Trump.

L’administration Trump n’a toujours pas désigné celui ou celle qui succèdera à Linda Thomas-Greenfield à la tête du Bureau des affaires africaines du département d’État, mais le spécialiste du continent John Peter Pham est pressenti. Directeur des études africaines au think tank Atlantic Council, il pourrait pousser le président américain à revoir ses ambitions africaines à la hausse. John Peter Pham recommandait en novembre 2016 à la future administration américaine de faire de l’Afrique « une priorité ». Il évoque un continent hébergeant « certaines des économies mondiales au plus fort taux de croissance », qui contrastent avec des « défis réels en matière humanitaire, de sécurité et de développement », que Donald Trump ne peut ignorer dans sa politique étrangère.

Des relations basées sur le « business »

Le nouveau visage de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, connaît bien une partie de l’Afrique en sa qualité d’ex-PDG de la compagnie pétrolière ExxonMobil. Il entretient, ou a entretenu, des relations avec les chefs d’État de grands pays exportateurs comme le Nigeria, l’Angola, le Tchad ou le Mozambique, et a rencontré l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi en 2007. « La plupart du temps, les secrétaires d’État américains ne sont pas directement spécialistes de l’Afrique. Ce n’est pas le cas de Rex Tillerson qui est très au courant, et ce depuis longtemps, du contexte politique et sécuritaire de la dizaine de pays où Exxon est implanté », explique Benjamin Augé, qui ajoute que « tous (ces pays) sont importants pour la diplomatie américaine. »

« Les investissements américains vont s’accroître en Afrique, avec quantité de sociétés qui viennent conquérir des marchés avec d’importants moyens », continue le chercheur. Des entreprises comme Exxon continuent d’ailleurs largement d’y prospecter, indépendamment des besoins énergétiques américains.

« Comment les affaires américaines entrent-elles en concurrence avec les autres nations en Afrique ? Sommes-nous perdants face aux Chinois ? », interroge le mémo, confirmant la volonté, pour l’administration Trump, d’aller de l’avant dans les investissements sur place en faveur des sociétés américaines.

Lutte contre le terrorisme

C’est sur le plan sécuritaire que Donald Trump, qui a déclaré que la lutte contre le « terrorisme islamique radical » serait l’un des axes principaux de sa politique à l’étranger, compte certainement agir en Afrique. L’armée américaine y intervient régulièrement et possède une base permanente à Djibouti. Depuis quelques mois, les États-Unis construisent une importante base aérienne au Niger, afin de pouvoir surveiller les mouvements de jihadistes dans le Sahel et d’y conduire des frappes de drones. Les islamistes, autant que les Shebab de Somalie ou Boko Haram dans le nord du Nigéria, « menacent non seulement les pays où ils sont implantés mais aussi la sécurité des États-Unis et de ses alliés européens », écrit John Peter Pham. D’autant que l’instabilité de certaines régions met en péril les intérêts commerciaux américains, si chers au nouveau président.

Mais l’une des questions posées par son équipe dans le mémo envoyé au département d’État interroge sur l’orientation de cette lutte : « Nous combattons les Shebab depuis une décennie, pourquoi n’avons-nous toujours pas gagné ? », peut-on lire, avec des interrogations sur la pertinence de la lutte contre Boko Haram ou sur l’existence, aux États-Unis, d’agents africains d’Al-Qaïda.

L’équipe du milliardaire se questionne aussi sur l’intérêt de la traque par l’armée américaine de Joseph Kony, seigneur de guerre ougandais dirigeant l’Armée de résistance du seigneur (LRA) : « La LRA n’a jamais attaqué les intérêts américains, alors pourquoi nous importe-t-elle ? Mérite-t-elle de telles dépenses ? »

Une réorganisation des opérations militaires sur le théâtre africain sous Donald Trump, qui a récemment qualifié l’Otan d’ »obsolète » et entend « renforcer les frontières » de son pays, ne serait pas surprenante.

L’aide au développement, la grande oubliée ?

Alors que Barack Obama entendait soutenir une « croissance durable » du continent et avait lancé en 2013 Power Africa, visant à améliorer l’accès à l’électricité à près de 60 millions de foyers, Donald Trump semble être plus frileux sur l’aide au développement (1 % du budget fédéral). Pourtant, le New York Times précise que les États-Unis n’ont dépensé que 8 milliards de dollars pour l’Afrique sub-saharienne en 2015. « Avec autant de corruption en Afrique, quelle quantité de notre financement est-elle volée ? Pourquoi devrions-nous dépenser ces fonds en Afrique quand nous souffrons, ici, aux États-Unis ? », surenchérit le mémo. Le nouveau président américain n’a pas dit autre chose lors de son discours d’intronisation, vendredi : « Nous avons enrichi d’autres pays alors que la richesse, la force, la confiance du nôtre s’est dissipée à l’horizon. »

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