Lâcher le CFA pour mieux contrôler l’ECO ? (Par Mamoudou Ibra Kane)

AUDIO. Le monde se dé-confine. La vie reprend. Lentement mais sûrement. Heureux ceux qui sont proactifs. Malheur à ceux qui sont réactifs. Proactivité ? La France manœuvre ferme envers l’Afrique. Sa proie facile. Après tout il faut songer à l’après-covid ! D’où la dernière trouvaille de l’ancienne puissance colonisatrice : la fin de la monnaie coloniale chère aux pays anciennement colonisés. Il ne fallait surtout pas que le franc CFA survive au virus. Faut-il en vouloir à Paris de se projeter dans la post-crise ? Évidemment non. La France est logique avec elle-même. Après avoir pris les devants, le 21 décembre dernier à Abidjan, en annonçant avec le président ivoirien Alassane Ouattara à ses côtés, la mort prochaine du franc CFA, il ne restait plus au président Emmanuel Macron qu’à signer l’acte de décès, en conseil des ministres à l’Elysée. Alliant ruse, opportunisme et réalisme, en un mot machiavélisme, l’Etat-stratège français fait semblant de renoncer à tout. Mais, au fond, il garde l’essentiel. Disons tout. En tout cas, tout est dans le symbole. En effet, la France sera et restera le « garant financier » du futur ECO comme elle le fut du CFA. Ceux qui rêvaient d’une coupure sèche du cordon ombilical entre l’ancien colonisateur et ses anciens colonisés devront encore patienter. Comme si, hélas, le processus de décolonisation n’était pas encore achevé.
Symbole pour symbole, on aurait assurément apprécié que la fin du CFA et son remplacement par le vieux projet de monnaie unique de la CEDEAO qu’est l’ECO, soient actés lors d’un conseil des ministres à Dakar, Abidjan ou Bamako. Imaginons que le projet de loi mettant fin au franc CFA ait été adopté de manière synchronisée par l’ensemble Etats membres de l’UEMOA et de la CEMAC. Parallélisme des formes et question de souveraineté, chaque président africain aurait pu s’entourer de son gouvernement au complet pour faire de la rupture un acte solennel. Encore, hélas un rendez-vous manqué. Il ne faut surtout pas jeter la pierre à la France. De Gaulle avait déjà prévenu avec sa formule choc : les Etats n’ont pas d’amis ; ils n’ont que des intérêts. Avant lui, un baron anglais avait dit la même chose : « L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents ; elle n’a que des intérêts permanents. » Rapporté à la question de la monnaie, les dirigeants de l’UEMOA d’abord et de la CEDEAO ensuite, tiennent là toutes les bonnes raisons de s’affranchir enfin de toutes les tutelles. Un changement de discours s’impose également aux activistes anti-CFA. En l’état actuel des choses, tout sentiment anti-français devient une fuite de responsabilité. La monnaie pour ne pas dire la balle est plutôt dans notre camp.
Situation paradoxale. Au moment où le CFA se meurt et que l’ÉCO tente ou tarde à voir le jour, la gendarmerie sénégalaise réalise la prise du siècle : 1 950 000 000 d’euros en billets noirs, environ 1 300 milliards de francs CFA. Presque le tiers du budget du Sénégal. De quoi s’inquiéter dans une perspective de planche à billets réclamée par certains. Faux billets. Faux médecins. Faux policiers. Faux gendarmes. Faux douaniers. Faux journalistes. Faux décrets. A ce rythme il ne nous reste plus qu’à avoir… des faux présidents. Serions-nous donc des faussaires voire des fossoyeurs de nos propres pays ? Les faits ne plaident pas en notre faveur. Et dire que nous devrions demain battre notre propre monnaie ! Légitime, me diriez-vous certainement ! Mais, le pire ennemi de la monnaie n’est-il pas cette culture du faux ?

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