Pour le chercheur allemand Wolfram Lacher, le gouvernement d’unité nationale de Faïez Sarraj a échoué sur tous les fronts. L’heure est à l’escalade entre l’ex-général Haftar et les milices de la puissante « cité-Etat » de Misrata.
Wolfram Lacher est chercheur à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (Stiftung Wissenschaft und Politik, SWP), basé à Berlin. Spécialiste de la Libye contemporaine, il est l’un des coauteurs de Libyan Revolution and its Aftermath (Hurst, 2015, non traduit).
Depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011, la crise libyenne n’en finit pas. L’impasse se nourrit d’un processus de fragmentation politique et territorial. A quoi peut-on l’attribuer ?
Wolfram Lacher A la faveur de la révolution anti-Kadhafi de 2011, les identités tribales et locales se sont imposées avec beaucoup de force. Cela a d’abord créé une unité assez remarquable dans les villes qui étaient les fiefs révolutionnaires. Mais, une fois la menace du régime disparue après la chute de Kadhafi, la grande question est devenue celle de l’accès aux ressources de l’Etat. Et là, on a vu s’affirmer des divisions, non seulement entre les groupes locaux mais au sein même de ces groupes. La fragmentation s’est donc produite autour de la répartition des ressources. Sous Kadhafi, il y avait un canal bien défini de la redistribution, même s’il était contesté. Aujourd’hui, ce cadre a éclaté.
N’est-ce pas l’existence de la Libye en tant que nation qui est en jeu ?
Non, l’identité nationale n’est pas en question. Quasiment personne, en dehors de quelques séparatistes en Cyrénaïque [la Libye orientale, siège de la majeure partie des réserves d’hydrocarbures], ne la remet en question. Quant aux différents groupes ethniques exprimant des revendications linguistiques et culturelles – Amazigh, Touareg –, il s’agit plutôt de demandes de reconnaissance dans le cadre de l’identité nationale libyenne
source:lemonde.fr