Kédougou: Au coeur du trafic des migrants et traite des personnes

Le village de Kharakhéna connait sa prospérité grâce à l’exploitation artisanale de l’or. C’est l’un des sites d’orpaillage de la région de Kédougou où le flux migratoire est très important grâce au développement fulgurant de l’activité du métal précieux. Cela a engendré la monté en puissance de la migration de plus de 10 communautés de la sous-région et le développement de la traite des mineurs par l’implantation de réseaux de proxénètes. Pour faire face à la situation, les tomboulmans (régulateurs sociaux et veilleurs au niveau des sites d’orpaillage) sollicitent une formation adéquate et le renforcement de leurs moyens.

Sexe et or ne font qu’un dans les sites d’orpaillage traditionnels. Il est difficile voire impossible de dissocier les deux. Cela donne libre court au développement d’activité connexe tels que le proxénétisme, le trafic des migrants ou encore la traites de personnes notamment des mineurs. Comme tout site d’orpaillage, Kharakhéna où cohabitent douze nationalités de la sous-région n’échappe pas à cette réalité.

Situé à 90 Kilomètres de la commune de Kédougou et à 30 kilomètres de la commune de Saraya, dans l’arrondissement de Bembou, Kharakhéna est l’un des villages de la région de Kédougou qui connait sa prospérité grâce à l’exploitation artisanale de l’or. Le village abrite un site d’orpaillage de renom et constitue une attraction pour populations de tout genre et de toute nationalité. Niché à 30 kilomètres de la frontière entre

Le Sénégal et le Mali, le village de Kharakhéna grouille d’ambiance et de monde.

Ici, l’étranger ou le nouveau arrivé est vite reconnu. Chacun vaque à ses besoins. Balla Danfakha secrétaire général des tomboulmans de Kharakhéna explique«c’est un village sénégalais. Mais il y’a d’autres communautés qui sont venues se greffer à nous pour les activités d’orpaillage». Parmi ces communautés, il y’a les burkinabés, les maliens, les togolais, les ghanéens, les nigérians, les ivoiriens, les guinéens entre autres. Et Balla Danfakha de préciser«on n’a plus de 12 nationalités présentes ici hormis les sénégalais». Ces derniers sont organisés avec un responsable à la tête de chaque communauté.

Sur la question du trafic des migrants et sur la traite des personnes, notre interlocuteur lance«nous avons vécu le phénomène en 2014 avec les nigérianes». Et de poursuivre« tu peux voir un nigérian qui va à Djidian, Abidjan et ramener avec lui une dizaine de filles mineurs. Sur place, il construit des huttes de fortune appelé Niaffa et les font travailler nuitamment». Et cela dira notre interlocuteura été «décelé» grâce au travail des tomboulmans. Ces derniers sont les premiers régulateurs des conflits en dehors du chef de village.

Pour contribuer efficacement à la lutte contre la traite des migrants vulnérables et le trafic, les tomboulmans de Kharakhéna sont décidés à accompagner la dynamique. Pour se faire dira leur secrétaire général Balla Danfakha«nous avons besoin de formation et de renforcement de capacité pour mieux agir». Aussi ont-ils interpellé l’état sur la question foncière. Car à en croire le sieur Danfakha«les femmes et même certains migrants veulent se reconvertir en développant des activités génératrices de revenue. Mais on n’a pas terres. Nous demandons que l’état nous aide avec des terres cultivables et du matériels pour développer notre localité».

Les activités des tomboulmans ont permis de mettre la main sur deux proxénètes (2) nigérians qui faisaient travailler nuitamment des jeunes filles mineurs. Sur cette histoire, le sieur Danfakha informe qu’après l’arrestation des délinquants, les filles ont été soumises à une série d’interrogation. Selon le secrétaire général des tomboulmans de Kharakhéna, les filles ont laissé entendre qu’elles devaient travailler en vendant leur corps pour «rembourser la somme variante de 1000000 à 2000000f Cfa à leur maître».

D’ailleurs, ce n’est pas le président du tribunal d’instance de Kédougou, Aliou Diallo qui dira le contraire. A l’en croire, le trafic se fait de manière organisée. D’après ses informations dit-il, ces derniers«quittent le Nigéria en passant par le Bénin, le Togo ensuite le Mali avant d’atterrir à Kédougou au Sénégal». Souvent explique le président d’instance«on fait miroiter à ces jeunes filles des choses qui n’existent pas en réalité». Il s’agit de promesses d’emploi, de travail comme le mannequina, la coiffure, la restauration entre autres. Selon lui la plupart des nigérianes pour ne pas dire toutes«se livrent à la prostitution une fois sur place».

Cependant, ces activités illicites qui bafouent la dignité humaine ne sont pas sans conséquence pour la loi. Elles sont lourdement sanctionnées par la justice. Et le président d’instance de Kédougou Aliou Diallo de dire que«le Sénégal a voté depuis 2005 une loi. C’est la loi 2005 du 10 Mai 2005 relative à la traite des personnes et pratiques assimilées et la protection des victimes. La loi prévoit une peine de 5 à 10 ans à l’encontre des personnes qui commettent ces infractions.» Cette loi puni la traite des personnes en même tant que le trafic des migrants.

Des conséquences désastreuses

La pratique de la traite des personnes et le trafic de migrants n’est pas sans conséquence sur les populations mais aussi pour la sécurité intérieure du pays.«Il y a des conséquences désastreuses» qui peuvent découler de ces phénomènes a laissé entendre le président du tribunal d’instance de Kédougou. Toujours poursuit notre interlocuteur«on m’a récemment informé de prés de 800 personnes qui viennent d’entrer à Kédougou via le département de Saraya. C’est menaçant pour la sécurité même de la région.» C’est dire qu’il y’a urgence d’agir ou de revoir la situation au niveau des sites d’orpaillage pour éviter le pire. Comme dit le sieur Diallo«quand il y’a une forte concentration des populations d’origines diverses bonjour les dégâts et c’est des infractions à ne plus finir. Car dit-il «les gens se livrent au banditisme, au proxénétisme, à des agressions».

Un réseau organisé

D’après le recoupement des informations reçues et de certaines sources proches des sites d’orpaillage traditionnels, la traite des personnes et le trafic des migrants qui s’opèrent au niveau des sites d’orpaillage dans la région de Kédougou sont le fait d’un long filon. Il s’agit de bandes organisées depuis l’extérieur du pays avec des ramifications au niveau de chaque zone ou lieu de transit avant d’aboutir à la destination finale: Kédougou. Ce n’est pas le président de tribunal d’instance de Kédougou, Aliou Diallo qui dira le contraire.

Il lance «il y’a des sergents recruteurs établis au Nigéria et un comité d’accueil basé à Kédougou». C’est dire que c’est tout un système qui est mis en place pour opérer». Et le sieur Diallo de poursuivreen précisant comme le dit le texte«lorsque le délit est commis en réunion, on prononce le maximum de la peine (10 ans d’emprisonnement). Juguler la question n’est pas chose «facile» a laissé entendre le sieur Diallo. Tout de même notre interlocuteur estime qu’il faut une synergie d’action entre les forces de l’ordre, renforcer la sécurité au niveau des frontières et la collaboration des populations et des chefs de village pour signaler tout comportement ou activité suspect.

Si pour le professeur Sérigne Mor Mbaye psychologue clinicien, la libre circulation des personnes et des biens est «salutaire» pour le continent africain. Dans le sens qu’elle lève tous les goulots d’étranglement pour que nos populations circulent librement. En plus que cela soit une nécessité économique, stratégique et géopolitique. Parce qu’aucun pays ne peut espérer se développer sans un marché plus large. Notamment des pays comme le nôtre et autres. Il n’en demeure pas moins que cela engendre des dégâts collatéraux qui méritent réflexion.

A cet effet, dit le président d’instance de Kédougou«la libre circulation des personnes et des biens en espace CEDEAO ne doit pas porter atteinte à la sécurité intérieure des Etats». Il est impérieux voire nécessaire d’accompagner l’intégration des peuples africains tout en jetant les bases d’une bonne prise en compte du respect des droits humains des uns et des autres; notamment celui des migrants. Car la situation fait que nous sommes dans un contexte au plan géopolitique ou nous sommes assaillis par des forces nébuleuses. C’est le cas des réseaux de trafic et de grand banditisme.

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