Kafountine, dans le département de Bignona, est une sous-région en miniature. La localité abrite une importante communauté de Ghanéens, de Sierra-Léonais, de Gambiens, d’Européens, de Nigérians et de Guinéens. « Quatre-vingt-onze pour cent de la superficie est partagée entre les bolongs et les bras du fleuve. Il n’y a quasiment jamais de contrôle, c’est des zones difficiles d’accès. Une diversité de la population avec une forte présence de Sénégalais des autres régions et d’étrangers.
Kafountine est une zone de pêche. L’activité économique y est très forte. Dans les îles, on y parle de culture de cannabis. C’est presque une tradition. « Je suis insulaire. J’ai moi-même mangé l’argent du cannabis. Cela, le maire de Kafountine affirme l’avoir dit jusqu’au ministère de l’Intérieur. Je l’ai dit devant les autorités. N’importe qui d’entre eux qui étaient dans les mêmes conditions que ces populations allait vivre de la même manière », tente de se justifier le maire David Diatta qui a reçu une délégation de Minority Rights Group. Mieux, il prône la légalisation.
Selon l’édile, le code de la drogue au Sénégal est bien encadré, en donnant les conditions dans lesquelles on peut utiliser du cannabis. Il ne s’agit, pour le moment, que d’usage médical à travers les médicaments. Le maire souligne que la tendance internationale est à la légalisation, au moment où le Sénégal parle de criminalisation.
« Je suis heureux d’apprendre que le Maroc et d’autres pays ont légalisé. Le Sénégal devrait suivre. Malgré la clandestinité, des hommes et des femmes produisent, mais se heurtent souvent aux problèmes de l’écoulement. Quand on fait l’économie de la drogue, on se rend compte que la production estimée dans les îles n’est pas vraiment ça. Le Sénégal devrait penser à légaliser, parce que si c’est bien encadré, la culture du cannabis fera plus de bien que de mal ».
Et de préciser : « Tout excès est nuisible. Je n’ose donc pas dire qu’il faut légaliser, mais je suis pour la légalisation. Malheureusement, le Sénégal emprisonne ceux qui sont dans la culture, la vente et la consommation. »
Pour David Diatta, « la répression est une manière pour les autorités de ne pas toucher le fond du problème. La démarche, estime M. Diatta, est la substitution de cultures. L’État est en train de développer un programme dans ce sens. Par rapport à la légalisation ou pas, si j’avais les arguments scientifiques et les moyens légaux, je vais prôner la légalisation du cannabis et sa culture », dit-il.
« Mon intime conviction est que les Etats de la sous-région sont en train d’échouer par rapport à la politique de l’emploi des jeunes. Si je fais l’alignement avec la culture du cannabis, l’État a adopté la répression qui n’a jamais véritablement changé le phénomène. Par rapport aux îles, la production du cannabis qui y est fait est minime par rapport à ce qui se fait ailleurs, en tout cas par rapport à la production mécanique où les gens emploient d’autres bras. Dans les îles, on pratique une culture de subsistance. Il n’est pas impossible pour une personne d’exploiter un demi-hectare, compte tenu des conditions de travail ».
D’ailleurs Kafountine n’est pas le seul endroit où on cultive cette herbe nocive. Djibidione, par exemple, est connu pour abriter des champs de cannabis, renseigne-t-on. Les jeunes qui travaillent dans ces plantations l’appellent « Espagne ». D’ailleurs en y allant, ils disent partir en Espagne. Dans ces vastes champs, ils assurent le défrichage et l’arrosage. Ils sont payés entre 400 000 et 500 000 F CFA. Ces activités, renseigne une source, avaient réduit le phénomène de la migration irrégulière dans la zone.
« La proximité avec la Gambie fait que l’écoulement du produit se faisait très facilement. Seulement, les récentes opérations de l’armée dans cette zone ont détruit tous ces champs et les surfaces ont été récupérées. Le business entretenu autour de ce circuit qui n’existe plus serait à l’origine de la recrudescence de la migration irrégulière », note notre interlocuteur.