Le ministre doit confondre la CEDEAO et son ami, le procureur de la république, qui s’est permis, de solliciter la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, alors même qu’il a toujours affirmé, haut et fort que ce dernier n’en bénéficiait pas.
Lire et écouter ses commentaires sur la décision de la CEDEAO, rendue dans l’affaire Khalifa Sall, on peut en douter!
Que dit la CEDEAO ?
« Le droit à l’assistance d’un conseil, le droit à la présomption d’innocence, et le droit à un procès équitable ont été violés. »
Ce sont des conditions essentielles, contenues dans le code de Procédure Pénale, qui, si elles ne sont pas respectées, entrainent la nullité de la procédure.
Que répond le ministre FALL: « la cour (Cedeao) ne remet nullement en cause la détention en cours de Khalifa Sall, la cour (Cedeao) n’a pas accédé aux demandes faites par les conseils sur le fond (libération immédiate, ect…) »
Par respect, permettez-moi de modérer mon jugement, et qualifier ces affirmations ministérielles de stupides.
Comment se déroule un procès ?
D’entrée, les avocats, de quelque bord qu’ils soient, soulèvent ce que l’on appelle des nullités, c’est à dire des manquements graves au Code de Procédure Pénale, qui s’imposent à tous: un débat contradictoire s’impose, et le juge, présidant l’audience et ayant seul la responsabilité de l’audience, peut décider: soit de joindre les incidents au fond, c’est à dire que les magistrats composant la chambre correctionnelle délibéreront en même temps qu’ils statueront sur le fond, soit, cas assez rares maintenant, et on peut le regretter, ils statuent immédiatement sur les nullités soulevées, avant même d’aborder le fond.
Ce qui est d’ailleurs assez logique, car si les nullités soulevées sont retenues, c’est à dire conformes au code de Procédure civile, et peuvent – on devrait dire, doivent – entrainer la nullité de la procédure, il n’y a pas besoin de perdre son temps à subir l’examen du fond, puisque par définition, la procédure est nulle! Malheureusement, beaucoup de magistrats – et pas seulement au Sénégal – balaient d’un revers de manche les nullités que les avocats s’efforcent de soulever, et ils ont tort: l’excellence des professionnels du droit ne s’en porterait que mieux, et la justice y gagnerait en crédibilité, et non pas en médiocrité.
Or, notre vaillant et bouillonnant ministre, ci dessus nommé, se glorifie de ce que la CEDEAO a rejeté toutes les demandes des avocats de la défense, concernant le fond, à savoir, libération immédiate, peine prononcée, ect!!! Mais prenant acte des décisions concernant la forme (sic) et que, bien sur, il respectera (à ce stade, on peut pouffer de rire…)
Monsieur le Ministre doit confondre la CEDEAO et son ami, le Procureur de la république, qui s’est permis, véritable exercice de cirque, de solliciter la levée de l’immunité parlementaire de K. Sall, fraichement élu, alors même qu’il a toujours affirmé, haut et fort, que K. Sall ne bénéficiait pas de l’immunité parlementaire !!!
Non, heureusement, les magistrats de la CEDEAO sont des gens sérieux, affidés à personne, et (relativement) insensibles aux pressions d’où qu’elles viennent: ils disent le droit, point barre.
Et bien évidemment qu’ils ne vont pas se prononcer sur des demandes concernant le fond de l’affaire, puisque pour eux, le fond de l’affaire n’existe pas, étant donné que les règles de procédures ont été violées, et que ces règles sont suffisamment graves pour entrainer la nullité de la procédure. Donc sauf à ce que ces hauts magistrats viennent faire des stages à Dakar, comment pourraient-ils se prononcer, dans un sens ou dans un autre, sur une procédure dont ils soulèvent et pointent du doigt, eux mêmes, la nullité !!!! C’est un peu comme au baccalauréat (enfin, de mon temps) : si vous ne réussissiez pas l’écrit, vous ne pouviez pas vous présenter à l’oral! Ou au permis de conduire (toujours de mon temps !) si vous échouiez le code, vous ne pouviez pas passer la conduite!
Mais la situation devient très intéressante, sur deux points :
Dans quelques jours, la cour d’appel doit rendre son arrêt sur cette affaire. Les magistrats de la cour d’appel doivent se prononcer essentiellement sur le droit; ils ne sont pas tenus par l’arrêt de la CEDEAO, mais quand même, le code de procédure pénale est là, et il s’impose à tous. Et les véritables garants du respect de ce code, auquel, qu’on le veuille ou non, il doit être impossible de déroger, sous peine de collusion et de complicité, est très clair, et la CEDEAO n’a fait que rappeler les principes du code de procédure pénale, et les sanctions qui vont avec.
Il est difficilement imaginable que la cour d’appel, non pas par rapport à l’arrêt de la CEDEAO, mais par rapport à son honnêteté intellectuelle, à l’étique de chaque magistrat, puisse donner un avis contraire, et balayer d’un revers de manche, les nullités soulevées, qui sont écrites dans le CPP ! Ou alors, oui, c’est à désespérer de la justice et du système judiciaire de notre pays !
Enfin, la sanction pécuniaire infligée au gouvernement du Sénégal: il s’agit de dommages et intérêts, pour préjudice subis. Or, il va être tentant d’appliquer la confusion des sommes: K. Sall doit tant, nous devons tant, on fait la différence et le tour est joué! Sauf que les dommages et intérêts, attachés à la personne, sont insaisissables, et ne peuvent donner lieu à confusion, laquelle confusion ne s’applique pas d’office, elle doit être ordonnée, ce qui n’a pas été le cas. Et comment cela pourrait-il être le cas, puisque pour la CEDEAO, il n’y a pas de procès puisque la procédure est nulle!
Il n’y a pas longtemps, le ministre de la Justice avait hérité du titre de « TAILLEUR »… Gageons que dans quelques jours, celui de « TRAPEZISTE » lui ira comme un gant…
Au delà de cette appréciation humoristique, c’est tout l’avenir de la crédibilité de la justice sénégalaise qui est en jeu. Il est plus qu’évident que ce procès a été voulu, ordonné, piloté depuis le château et par un seul homme, qui ne supporte pas la contradiction, et qui sait ce qu’il risque si par malheur pour lui, il n’est pas ré-élu encore deux fois.
Il est regrettable qu’un procureur de la république, dont le rôle est de défendre la société, c’est à dire le peuple sénégalais, cède aux pressions, fussent-elles présidentielles, et mettent son éthique et son honneur sous la table, pour des arrangements que nous ne connaitrons peut-être jamais, mais qui, en tout cas, n’honorent pas les protagonistes.
Je ne critiquerai pas le juge Malick LAMOTTE : c’est un bon magistrat, j’ai eu l’occasion de le voir dans ses œuvres. C’est un bon juriste, qui maitrise bien ses audiences, sait se faire respecter, et est empreint d’une certaine justice et d’une certaine éthique, qui est tout à son honneur. Il est tenu par sa saisine, il le sait, et son jugement rendu est tout à fait conforme au droit, puisqu’il a condamné sur les faits dont il avait été saisi. Il n’a pas retenu les nullités soulevées et qui, maintenant sont pointées du doigt par la CEDEAO. C’est son pouvoir discrétionnaire, et si on peut le regretter, on n’a pas à juger.
Si les magistrats de la cour d’appel ont le courage de ne pas céder aux pressions, et de faire valoir le droit avant tout autre considération, alors, oui, on pourra dire qu’il y a une vraie justice au Sénégal, et que les Sénégalais pourront être fiers de leur justice et de leurs magistrats.
Dans le cas contraire, la démonstration aura été faite que, comme tout le monde le pense aujourd’hui (même les apéristes les plus chevronnés), qu’il s’agissait bien d’un procès politique, voulu et orchestré par un seul homme, dont le seul but et d’instaurer une dictature pour ses besoins personnels et ceux de sa famille et de son clan.
Alors oui, dans ce cas, le pire est à craindre pour l’avenir du Sénégal, lequel avenir ne se résume pas en un petit train électrique et un aéroport…
Wait and see…