Ancien ministre et ex-porte-parole du Président de la République, Serigne Mbacké Ndiaye était la voix de Me Wade, aux côtés de qui il s’est battu durant l’élection présidentielle de 2012. Dans cette interview accordée à Seneweb, il s’épanche sur les rapports qu’entretiennent Me Abdoulaye Wade et le Président Macky Sall, d’hier à aujourd’hui, dans un discours ponctué de révélations. Il s’est exprimé sur les questions les plus chaudes de l’actualité, de la situation à l’Assemblée nationale à l’affaire Waly Seck, en passant par l’incarcération de Karim, la révision constitutionnelle, l’arrestation d’Omar Sarr etc. Interview.
M. Ndiaye comment voyez-vous ce qui se passe à l’Assemblée Nationale?
C’est dommage que les Sénégalais aient cette Assemblée, où les députés se comportent de cette manière-là. Tout le monde avait constaté que véritablement le niveau de cette Assemblée nationale laissait un peu à désirer. Il y a même des présidents de groupes parlementaires qui ont eu à le dire. Et c’est regrettable qu’on en arrive à une situation telle que celle que nous vivons aujourd’hui. J’ai toujours proposé que le mode d’élection des députés soit revu. Parce qu’aujourd’hui, vous pouvez avoir des députés élus sur une liste, alors que les électeurs ne les connaissent même pas. Les militants de son propre parti ne les connaissent même pas, parce qu’uniquement ils sont élus sur une liste nationale. Je pense que c’est inacceptable. La démocratie sénégalaise a tellement évolué qu’il nous faut revenir à un autre mode d’élection des députés. Aujourd’hui, nous avons 150 députés et j’estime que c’est trop. Je pense qu’entre 80 et 100 députés maximum, ce serait correct pour le pays. Et si nous avons 80 ou 100 députés, le pays serait découpé en 80 aux 120 circonscriptions électorales. Par exemple, le département de Dakar, on peut le découper en 10 circonscriptions électorales. Et dans chaque circonscription électorale, il faudra élire un député et un seul. Par exemple, vous êtes à Sacré-Cœur, il y a un poste qui est en jeu. Tous ceux qui veulent être élus députés n’ont qu’à se présenter. Et on fait une élection uninominale à deux tours comme cela se fait en France. Cela permet aux électeurs sénégalais, au peuple sénégalais de désigner les députés de leur choix. Mais le mode d’élection des députés au Sénégal, des indépendances à nos jours, c’est un mode d’élection qui permet à un secrétaire général de parti ou à un président de la République d’avoir ses députés à l’Assemblée nationale. Mais les populations n’ont pas élu ces députés. Ils ne les connaissent même pas pour la plupart. Donc il faut revoir le mode d’élection des députés.
Et votre leader de parti, Oumar Sarr a été arrêté. Comment analysez-vous ce fait?
Je pense qu’il faut le regretter. Mais, moi je veux toujours être prudent dans le fond. Je ne peux pas dire, en termes juridiques, voilà ce qui est reproché à Oumar Sarr. Quand je ne maitrise pas une situation, je n’en parle pas. Mais ce que je retiens fondamentalement c’est que dans une démocratie telle que le nôtre, avant d’envoyer quelqu’un en prison, à fortiori un représentant du peuple, un député, qui est également secrétaire générale d’un parti politique, je pense qu’il faudrait revoir un peu cette manière de faire. Mais aussi, si vous êtes député, secrétaire général d’un parti, vous êtes dirigeant, vous devez avoir également un comportement honorable, parce que vous êtes un modèle. Ce n’est pas parce que vous êtes couvert par l’immunité parlementaire que vous devez faire tout ce que vous voulez faire. Non. C’est parce que vous êtes couvert par l’immunité parlementaire que vous devez vous dire, « je ne dois pas le faire ». Même si vous ne courrez aucun risque, vous ne le faites pas, parce qu’un député doit être un modèle. Un leader de parti politique doit être un modèle. Tant que nous ne l’aurons pas compris, tant que nous n’aurons pas ce comportement, il y aura toujours des problèmes entre le pouvoir et l’opposition. Souvent d’ailleurs, comme vous le constatez, je suis en contradiction avec mes frères de parti, uniquement parce que moi les positions que je défendais quand j’étais au pouvoir, je défends ces mêmes positions aujourd’hui dans l’opposition. Quand j’étais au pouvoir, je ne pouvais pas accepter qu’un homme politique, quelle que soit la personne concernée, puisse tenir un certain langage, un certain discours adressé au président de la République qui était Me Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, je ne vais pas accepter qu’on le dise de Macky Sall. Demain, je ne l’accepterai pas quand ce sera quelqu’un d’autre le Président de la République. Je pense qu’il nous faut apprendre à être sur des principes, et non sur des positions occasionnelles ou spontanées. Moi je ne suis pas sur des raisonnements de personne, je suis sur des raisonnements de principes. Il faudrait que les députés, à cause justement de leur immunité parlementaire, à cause du respect qu’on leur doit, il faut qu’ils comprennent qu’eux-mêmes ils doivent êtres des modèles. Mais je pense qu’il y a certains comportements, certains discours que nous nous tenons en tant qu’hommes politiques, qui font que nous ne servons pas de modèle au reste des Sénégalais.
Doudou Wade, lui, vous a comparé à « une feuille morte ». Que vous inspirent ces propos?
Je ne réponds pas à Doudou Wade, je ne lui réponds jamais. Nous ne boxons pas dans la même catégorie. Moi je ne réponds pas à ces gens-là, ils ne savent pas de quoi je parle. Eux, ils ne savent même pas de quoi ils parlent. Un jour viendra peut-être, nous on aura l’occasion de faire l’historique, ce que chacun a apporté à ce pays-là. Quel est le rôle que chacun d’entre nous a eu à jouer au niveau de la station qu’il occupait. Je pense que nous nous connaissons suffisamment bien pour que je me mette à répondre à un Doudou Wade.
Certains membres du Pds à Thiès ont aussi demandé votre exclusion du parti. Que leur répondez-vous?
Quels membres du parti? Moi je suis responsable au niveau fédéral. En ma connaissance, la dernière réunion tenue par une instance du parti c’était au niveau de la fédération départementale. Pourquoi nous avons tenu cette réunion-là? Nous avions constaté que le parti avait mis sur pied le secrétariat national. Ce qu’on pourrait appeler le gouvernement du parti. Je vous rappelle que lors des élections locales, malgré les difficultés que nous avions connues, nous nous sommes battus et nous avons pu gagner quatre collectivités locales dans le département des Thiès. Quand il s’est agi de mettre sur pied un secrétariat national, aucun de ces responsables, qu’ils soient maires, ou qu’ils soient députés ou autre chose, anciens maires, anciens députés, tous les responsables du parti, au niveau départemental, ont été zappés. Et c’est en ce moment que la fédération s’est réunie pour dire « nous n’allons plus participer aux activités au niveau national ». Toutes les activités se mêlent au niveau départemental. Maintenant, il y a une réalité, aujourd’hui au niveau du parti à Thiès, on a l’impression qu’il y a deux fédérations. Quand les uns se réunissent, les autres ne sont pas là-bas. Moi je ne suis pas dans ces histoires. Je pense que, comme l’on dit en wolof, « ’khar day wéssou mbotté »’. Moi je ne suis pas dans des batailles de positionnements. La preuve, moi j’ai été pendant 24 ans élu local, adjoint au maire de Khombol, conseiller municipal, conseiller régional. Et quand il s’était agi d’aller aux élections locales, j’ai dit je fais place aux jeunes. Je me suis battu avec eux. J’ai battu campagne. J’ai fait ce que j’ai pu faire et nous avons gagné les collectivités locales. Je ne suis pas dans des batailles de positionnement. Ce qui est dommage dans ce genre de situation, c’est que ceux qui vous critiquent ou vous insultent en public, ce sont eux qui viennent vous voir après. C’est dommage. Même si c’était la fédération départementale qui avait demandé que je sois exclu, qu’est-ce qu’ils attendent pour le faire? Moi je n’ai commis aucune faute pour être exclu par le parti. Je suis dans mon rôle. Je fais ce que j’ai à faire et j’attends que le secrétaire général du parti lui-même me dise ça il ne faut pas le faire. À ce moment j’apprécierai. Mais ce n’est pas des gens qui ne savent même pas ce qui se passe dans le parti, qui n’ont aucune information par rapport à ce que je fais, qui vont me dire voilà ce qu’il faut faire ou dire. Et pourquoi quelqu’un demanderait-il mon exclusion?
Peut-être parce que vous avez créé une convergence qui milite pour la réélection du Président Macky Sall…
Vous savez, le soir du 25 mars, j’étais seul avec Karim Wade au Palais et il me disait « tu sais Serigne Mbacké, je suis content que Macky soit élu ». J’ai dit ah bon, il me dit oui. Il me dit, « en dehors du Président, il est meilleur que tous les autres ». Et cela, il me l’a répété après un an de détention préventive à la prison. Cela veut dire que c’était une conviction très forte chez lui. Le Président Wade nous a convoqués en réunion de conseil ministériel spécial pour nous demander d’aider Macky Sall. De le soutenir. Mais avant cela, en 2007, après sa réélection et avant sa prestation de serment, il m’a reçu. D’abord il m’a remercié, en me disant « tu étais malade malgré cela tu as quitté l’hôpital pour venir battre campagne ». Puis il me dit, ce qu’il nous reste, c’est de se préparer à soutenir Macky Sall en 2012. Et nous étions en 2007. Et ça, il me l’a dit, il l’a dit à Macky Sall et à d’autres. Si Macky Sall a eu des problèmes avec Abdoulaye Wade, c’est dû à ça. Parce qu’il y avait parmi nous, certains que je ne nommerais pas, qui étaient intéressés par la succession. Et ce sont ceux-là qui ont créé toute la confusion et le conflit qu’il y a eu entre Wade et Macky, entre Macky Sall et Karim Wade, ainsi de suite. Ça, c’était à partir de 2007. J’ai dit à Wade une fois en France : « M. le Président estimez vous heureux, “sa lamigne dafa barkel”. C’est vous qui nous aviez dit que c’est Macky qui va vous succéder. Malgré tout ce qui s’est passé entre temps, il vous a succédé ». Wade a amené Macky Sall chez Serigne Saliou pour lui dire « priez pour lui, je veux qu’il me succède ». Donc son vœu a été exaucé.
Après la réunion avec Karim, le conseil des ministres spécial, il a sorti un document publié d’ailleurs dans le NET, dans lequel il demandait à toute la famille libérale de se retrouver parce qu’il avait fini d’analyser les résultats des élections et il s’est rendu compte que si on a perdu, c’est par ce que nous nous étions divisés. Mais, il est allé au-delà de ça. Et c’est ça que les gens ne savent pas. C’est pourquoi je dis que quand les gens parlent de ce que je fais ou ce que je dis, je ne réponds même pas. Parce qu’ils ne savent pas. Il s’est adressé à Macky Sall pour lui demander de tout faire pour que le Pds, Macky Sall, Pape Diop, Idrissa Seck, Abdoulaye Baldé aient un candidat unique en 2017. Et cela rencontrait ma conviction. Vous m’avez toujours entendu dire que les libéraux doivent aller ensemble. Les socialistes doivent aller ensemble, ainsi de suite. C’est comme ça qu’on peut avoir de la lisibilité dans le champ politique sénégalais. Et il nous a demandé à ce qu’on travaille, en tout cas moi personnellement, à avoir un candidat en 2017. Quand je suis revenu à Dakar, Idrissa Seck a été la première personnalité à qui j’ai rendu visite. Nous en avons discuté. Nous avons trouvé des plages de convergence. J’ai été voir d’autres responsables aussi. Et moi, je continue à travailler dans cette lancée. Entre temps, c’est vrai, il y a eu les difficultés que nous rencontrons. L’arrestation de Karim, etc. Mais ça, ce ne sont pas des principes. Ce sont des difficultés que nous rencontrons dans la marche normale du parti. Mais quand il y a des difficultés, il faut essayer de les surmonter. Ce n’est pas parce qu’il y a des difficultés qu’il faut tout laisser tomber. Donc malgré ces difficultés, il faut continuer ce combat. Pour moi, c’est cela le salut. Imaginez aujourd’hui, tous ces leaders libéraux, que ce soit Macky Sall, Souleymane Ndéné, Aliou Sow, Thierno Lô, Pape Diop, Idrissa Seck, tous candidats à une élection présidentielle, et nous aurons en face un candidat du parti socialiste. Je prends l’exemple de Khalifa Sall. Parce que je demeure convaincu qu’il sera candidat en 2017. Qu’est-ce qui va se passer? Nous irons au deuxième tour avec un socialiste et tous les socialistes, les hommes de gauche et la société civile, vont faire bloc autour de Khalifa et il prend le pouvoir. Or, c’est le Président Wade qui nous avait dit, je veux que les libéraux gardent le pouvoir pendant 50 ans. Comment on peut garder le pouvoir dans cette division-là? Voilà les problèmes de principe que moi je pose. Et j’ai dit en plus. Aujourd’hui, nous avons un membre de la famille libérale qui est au pouvoir et est ce qu’on peut venir lui dire de quitter le pouvoir pour aller soutenir un autre candidat libéral qui n’est pas au pouvoir? Cela n’a pas de sens. Si nous oublions nos personnes, nous pouvons faire avancer le débat politique. Moi je suis à l’aise parce que tout cela ne m’intéresse pas. Je ne suis pas candidat à la Présidence de la république. Je ne suis pas candidat à un poste de Premier ministre ou même à un poste de ministre. Donc je suis à l’aise moi pour en parler. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Deuxièmement, moi je n’ai pas de contentieux avec Macky Sall. Par contre, il y a d’autres qui sont dans le camp libéral, qui ont, peut-être, un contentieux avec lui. Ils ne veulent pas qu’il y ait ces retrouvailles. Donc voilà la divergence fondamentale qu’il y a entre eux. Moi je suis pour les retrouvailles.
Et comment ces retrouvailles pourraient être organisées?
J’ai dit comment faire ces retrouvailles. Parce que 1 c’est de savoir que nous devons nous retrouver, qu’on accepte le principe. Deux, c’est de dire comment on va se retrouver. Et même certains avec qui j’ai discuté, nous avons eu des convergences sur ce plan. J’ai dit, voilà ce que nous devons faire : « Macky Sall est candidat à sa propre succession, on ne peut pas lui dire Monsieur le Président quittez votre poste pour soutenir un autre ». Mais il faut que « gnou ande andou nawlé ». Avec toutes ces personnalités que j’ai citées, et qui forment l’intelligentsia du camp libéral, qu’est-ce que nous allons faire? On se met autour d’une table. Allez en France, si vous êtes candidat à l’élection présidentielle, on sait à peu près à 80 %, si vous êtes élu, quelles sont les personnes qui vont constituer votre gouvernement. Ils ne tâtonnent pas. On sait que si François Hollande est élu, tel sera ministre des Finances, ministre de l’Intérieur, etc. Donc j’avais proposé qu’il y ait une discussion à deux niveaux ou un partage des responsabilités. Parce qu’étant tous des libéraux, sur le plan de l’orientation idéologique, il n’y a pas de problèmes. Comment il faut procéder par partage de responsabilités. On dit par exemple Macky Sall vous êtes Président de la République, vous êtes notre candidat. Pape Diop votre charisme vous permet d’être président de l’Assemblée nationale, vous l’avez été, donc vous serez notre candidat au poste de l’Assemblée Nationale. On dit à Idrissa Seck par exemple lui qui dit qu’il ne veut plus être nommé, il sera président du Sénat. On va dire Karim vous seriez notre Premier ministre, ainsi de suite. Avant d’aller à cette élection, chacun d’entre nous saura à quelle sauce il sera mangé. Et si on fait de lui notre candidat, on n’aura pas besoin de battre campagne, parce que les libéraux à eux seuls font 70 % de l’électorat.
Donc vous êtes prêt à aller rejoindre Macky Sall?
Ce n’est pas mon objectif, si c’était le cas je vais discuter avec lui je lui dis : « M le Président, j’accepte de vous soutenir, mais à condition que… » Mis cela n’a jamais été mon objectif.
Il n’a jamais fait appel à vous?
Non, on a beaucoup discuté, mais pas en termes de venir travailler dans son gouvernement. Moi je suis un homme politique, mais je réserve une part très importante à la volonté divine. Moi je suis né à Khombol, je ne suis pas le meilleur, ni le plus intelligent, ni le plus riche, mais par la volonté de Dieu, j’ai été le premier fils de cette ville, en dehors du Pr Mamadou Dia à l’époque qui était à Diourbel, à siéger dans un conseil des ministres. J’ai des enfants qui s’occupent bien de moi, qui ne veulent plus, d’ailleurs, que je travaille. Mais j’estime que j’ai un rôle à jouer dans ce pays. Dieu ne descend jamais sur terre pour nous dire que c’est ça qu’il faut faire, mais il vous prédispose à quelques choses. J’ai la chance d’être en bons termes avec l’ensemble de la classe politique sénégalaise. Et ça, ça doit servir à quelque chose. Moi je pense que mon rôle c’est cela, mais pas de courir derrière des postes de responsabilité.
Puisque vous êtes aujourd’hui proche de Macky, certains se demandent quand vous ferez le grand saut vers l’Apr ?
Mais qu’est-ce que je vais faire à l’Apr? Moi je suis au Pds et je me sens bien au Pds malgré les difficultés, parce qu’il n’y a pas de parti ou il n’y a pas de difficultés. J’ai ma convergence libérale et patriotique, je me sens bien au niveau de cette convergence qui nous permet d’organiser des débats politiques, de mener certaines activités qu’on ne mène peut-être pas au niveau du Pds. Nous avons quand même un problème dans notre pays. Quand tu es sur des principes, on te ramène sur des détails. Moi si j’avais l’intention d’aller à l’Apr je ne demanderais la permission à personne. Sauf à mes enfants. Il n’y a pas de saut à faire. La divergence entre l’Apr et le Pds c’est un seul point : ceux qui sont en prison. Le jour où ils sortiront de prison, il n’y aura plus de divergence. Donc ce que je dis là, ce qui paraît impossible, c’est cela qui va se réaliser.
Mais discutez-vous avec le Président de ceux qui sont en prison comme Karim Wade?
Mais naturellement que j’en parle. Le président depuis le début, il m’a tenu un discours très clair. « Laissons la justice faire son travail et on verra après ». Peut-être qu’il y a beaucoup de détails qui tournent au tour de ça. Mais ce qui est important dans cette affaire, c’est la question que tout le monde devrait se poser. Je n’ai jamais été voir ou le président de la République ou le Premier ministre ou le ministre de l’intérieur ou un autre sans que Abdoulaye Wade ne soit au courant, sans que Karim Wade ne soit au courant. En amont ou en aval. Moi je ne vais pas voir Macky Sall pour régler mes problèmes, sinon je l’aurais fait depuis longtemps. Si j’allais voir Macky Sall pour être nommé quelque part, soit il me dit oui je te nomme, soit il me dit non et la page est tournée. Mais je n’y vais pas pour moi. J’y vais pour les autres. Wade ne m’a jamais demandé expressément d’aller voir Macky Sall, mais à chaque fois, après avoir discuté avec lui, je me dis voilà ce qu’il faut faire. Et quand je reviens je lui dis j’ai été voir Macky Sall. Et il ne m’a jamais dit qu’il ne fallait pas le voir. Il ne m’a jamais dit « ne me parle pas de Macky Sall. » Je sais également que Macky a beaucoup d’estime pour Abdoulaye Wade. J’ai l’habitude de dire que Wade a beaucoup d’estime pour deux personnes, en dehors de Karim qui est son fils. Ceux que Wade porte vraiment dans son cœur, c’est Idrissa Seck et Macky Sall. J’ai même l’impression qu’il nourrit un certain complexe vis-à-vis d’eux tellement il adore ces garçons-là. Vous l’aviez entendu quand Macky était Premier ministre, il disait en Wolof « Khale bou nék niame nako wayé, bou nekhé ni meussou mako niam ».
Me El Hadji Diouf, qui pourtant est avocat de l’État, estime que Karim Wade doit être gracié puisqu’il a purgé la moitié de sa peine. Partagez-vous son opinion?
Ça, je l’ai dit il y a plus de deux mois. J’avais demandé à ce que Karim soit gracié. Et je me rappelle quand je suis sorti de cette émission un des avocats de Karim m’a appelé pour me dire, « mais est-ce que c’est Karim qui t’a demandé de le faire »? Je lui ai dit que je ne demande pas à Karim son avis, je dis et je fais ce qui me semble être bon. Et je lui ai dit : « vous en tant qu’avocat de Karim qu’est-ce que vous avez fait pour lui? » Pendant deux ans, on tourne en rond et le jour du procès personne n’a plaidé pour lui, il a été condamné. Et qu’est-ce qui nous reste comme voie de recours? C’est la grâce. Moi depuis trois mois j’en parle. Et puisque vous parlez de Doudou Wade parlons-en. Lors de l’émission, Doudou Wade a téléphoné pour dire vous parlez de grâce, mais il y a autre chose. Il y a l’amnistie. Puisque Macky Sall le suggère aux Burkinabés, il n’a qu’à le faire chez lui-même. Donc c’est la seule voie qui nous reste. C’est pourquoi quand certains disent, Karim ne veut pas de grâce présidentielle, je dis il faut arrêter ce discours. Karim n’a pas à vouloir ou à ne pas vouloir, il peut ne pas demander la grâce, il a fait ce qu’il avait à faire. Depuis le début, il a clamé sont innocence, il a dit je ne suis pas coupable. Il a été condamné malgré ça. Ce qui était important pour lui, c’est de dire et démontrer qu’il n’est pas fautif, qu’il n’était pas coupable. Il l’a toujours dit. Maintenant pour le reste, je pense que c’est à nous de le gérer. Quand vous êtes avec quelqu’un qui est en difficulté, il ne faut pas lui demander ce qu’il faut faire. « Sa kharite bouy khekh gnou diékouko, do nieuw di nane boy est ce que ma atee ». Moi je l’ai toujours dit et je le répète, il faut que le président en arrive à une grâce présidentielle. Il l’accorde à d’autres pourquoi pas à Karim. Et cela ne fera qu’apaiser le climat politique et rapprocher la famille libérale. Tous ceux qui disent que Karim n’a pas besoin de grâce, c’est parce qu’ils ne sont pas en prison. Il faut qu’on l’aide à sortir de prison.
Que pensez-vous de la réforme constitutionnelle?
Dans cette réforme il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas. On va nous proposer un package sur lequel on peut être d’accord sur un certain nombre de points et on peut ne pas être d’accord sur d’autres. Maintenant si vous parlez de la réduction du mandat, je suis foncièrement contre. J’ai toujours prôné un mandat unique de 7 ans. La raison est toute simple, il est impossible en Afrique d’élire un président pour 5 ans et lui demander des résultats. En occident le président qui est élu, on ne l’attend pas pour des routes à construire, parce qu’ils en ont. On ne l’attend pas sur l’électrification rurale, etc. Mais chez nous tout est à refaire, on n’a rien. Le président qui est élu on va le juger sur son bilan. Mais quelqu’un qui s’est approché du pouvoir, il sait qu’en 5 ans c’est impossible. Deuxièmement, moi, je me dis le président qui est élu, il sait qu’il a un mandat de 7 ans, il ne cherche pas à faire plaisir à Jean ou à Paul. Il fait ce qui est bon, ce qu’il croit être bon pour le pays. Donc cela règle une troisième question parce que, de plus en plus l’idée c’est de faire en sorte que le président ne soit pas secrétaire général de parti. Si le président est élu pour un mandat de 7 ans également la question est réglée. Vous êtes élu, vous n’êtes plus secrétaire général de parti parce que c’est pour une fois et c’est fini. Voilà pourquoi moi, je suis contre la réduction du mandat et je suis pour un mandat unique de 7 ans.
L’opposition dit que le taux de croissance de 6.4 % annoncé comme étant celui de 2015 est inventé. Êtes-vous de cet avis?
Nous politiques, nous devons apprendre à être sérieux. Parce que, le discours que nous tenons là, c’est ce discours que ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir tenaient quand nous étions au pouvoir. Ils te disaient, on ne mange pas la croissance, tu donnes des chiffres, ils disent c’est faux. Et aujourd’hui c’est la même chose qu’on voit. Il faut que nous apprenions à être sérieux et savoir que si une structure est là pour analyser une croissance, que tout le monde s’accorde à dire que çà, c’est une structure de l’État qui n’est ni pour Jean ni pour Paul. S’il dit que c’est 2 %, c’est 2 %. Et ça, c’est valable pour tout le monde, que le président s’appelle Macky Sall, Abdoulaye ou autre. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Si on est au pouvoir tout ce qui est fait est bon, pour celui qui est dans l’opposions tout ce que fait le pouvoir est mauvais. Je pense qu’il faut arrêter.
Les Sénégalais n’ont pas de problème. C’est la classe politique sénégalaise qui a des problèmes. Les hommes politiques doivent évoluer dans leur manière de voir. Il manque de l’honnêteté. Par exemple, aujourd’hui certains du Pds vous disent que nous, nous ne parlons pas à l’Apr. Quand l’interafricain libéral s’est réuni à Abidjan, la délégation du Pds était avec la délégation de l’Apr. En marge de cette rencontre, ils ont été reçus par Macky Sall. Alors quand on vient au Sénégal, on se comporte comme chiens et chats. Combien de responsables de partis politiques, que ce soit du Pds ou d’ailleurs, ont d’une manière ou d’une autre, déposé des demandes d’audience auprès de Macky Sall. Ils sont nombreux. Et, je le dis et je le répète, personne ne me démentira. De 2012 à nos jours beaucoup de choses et de gestes ont eu entre Macky Sall et Abdoulaye Wade.
Quels genres de choses?
Non je n’entre pas dans les détails. Mais, sur beaucoup de questions, Macky s’est comporté en véritable fils vis-à-vis de Wade. Et lui, il ne vous le dit pas, Macky ne vous le dit pas. Mais ils savent que ce que je dis est vrai. Et personne ne me démentira. Ceux qui ne savent pas peut-être me démentiront, mais eux ne me démentiront pas. Je ne donne pas de leçons, mais il y a des comportements qu’il faut avoir. Voilà les raisons pour lesquelles, je ne peux pas avoir certaines positions, parce que je sais ce qui se passe. Maintenant, que ceux qui ne savent pas continuent à parler, un jour ils verront ce qu’ils verront.
Les sacs de femmes semblent être malheureusement à la mode aujourd’hui chez certains hommes. Comment le voyez-vous?
(il rit)?! Vous les jeunes là vous allez nous mener trop loin. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour Youssou Ndour, pour Thione Seck, pour Ismaila Lo, pour Baba Maal. En termes de comportement, ils constituent un modèle. L’habillement, le discours, on ne les prendra jamais à défaut dans des situations comme ça. Waly c’est vraiment mon fils. D’ailleurs c’est maintenant que beaucoup de gens parlent de lui, mais avant Waly c’était mon Waly à moi. D’ailleurs son père me disait « je ne sais pas ce que tu as vu en Waly » et je lui disais de me laisser avec mon Waly. C’est pourquoi je suis content aujourd’hui de le voir accompagné de mon fils Momo. Mais je dois dire qu’il porte mal son statut de Star. C’est vrai, je le comprends aussi, il a un public jeune comme lui, un public qui aime ce qu’il fait, qui aime sa manière de s’habiller, de se comporter. Mais, ce qu’il ne mesure pas à sa juste valeur, c’est que, ce qu’il fait va être repris par d’autres. Et ils n’ont pas les mêmes convictions peut-être ni la même force ni le même objectif. C’est pourquoi un leader doit faire très attention. Que ce soit sur le plan musical ou dans un autre plan, il faut que nous fassions très attention. Nous sommes tous des leaders d’opinion, nous avons un rôle à jouer dans ce domaine-là. Il faut revenir aussi à l’éducation religieuse. Il faut qu’on comprenne qu’en dehors de Dieu, il n’y a rien. Je pense que c’est l’éducation religieuse qui peut nous aider à préserver certaines valeurs.