Cheikh Béthio Thioune pouvait-il sortir du territoire national pour aller subir des soins à Bordeaux alors que le dossier de ce double meurtre pour lequel il a déjà été emprisonné est enrôlé par le parquet, la date de l’audience connue ?
Le procès de Cheikh Béthio Thioune se poursuit au niveau du tribunal de grande instance de Mbour. Après les parties civiles qui ont réclamé trois milliards de francs en guise de réparation, le procureur a requis des peines de travaux forcés contre les accusés ainsi qu’un mandat d’arrêt international contre Cheikh Béthio Thioune.
Jugé par contumace, le guide des Thiantacounes se trouve actuellement à Bordeaux prétendument pour des soins médicaux. Son départ pour la France alors même que le dossier de l’affaire du double meurtre de Médinatoul Salam était déjà enrôlé par le parquet a suscité moult interrogations. Nous avons essayé d’en savoir davantage.
Cheikh Béthio Thioune pouvait-il sortir du territoire national pour aller subir des soins à Bordeaux alors que le dossier de ce double meurtre pour lequel il a déjà été emprisonné est enrôlé par le parquet, la date de l’audience connue ? Bénéficiait-il toujours d’une liberté conditionnelle ? Autant de questions qui suscitent réponses. Pour éclairer la lanterne des lecteurs, nous avons interrogé deux avocats dont les points de vue diffèrent sur la question. Me Boubacar Dramé, avocat à la cour, soutient que normalement pour sortir du territoire national, le prévenu doit avoir une autorisation en bonne et due forme. Il ne peut pas sortir sans l’autorisation du juge d’instruction. « La sortie du territoire national de Cheikh Béthio Thioune semble incompréhensible pour certains. Je ne maîtrise pas trop le dossier, mais si quelqu’un est sous contrôle judiciaire alors même qu’on a programmé la date de son procès, sortir du territoire national dans ces conditions peut paraître étonnant et amener à se poser quelques questions (… ) En revanche, si le dossier avait été renvoyé pour jugement, on ne peut plus parler de contrôle judiciaire. C’est peut être sur cette base qu’il est parti en Europe » a expliqué d’emblée Me Dramé.
Se voulant davantage précis, l’avocat à la cour croit qu’une fois l’enquête clôturée puis transmise au parquet, et que celui-ci enrôle le dossier, il n’y a plus de contrôle judiciaire donc plus d’instruction. « Le parquet doit automatiquement le citer à comparaître car il est sous contrôle judiciaire et n’est plus dans les liens de la détention. En ce moment, si ses avocats font une demande pour récupérer ses documents de voyage, il pourra alors partir à l’étranger. Est-ce que Cheikh Béthio Thioune bénéficiait d’un autre passeport ou a-t-il récupéré son passeport ? Là est la grande question ! » estime notre interlocuteur.
Selon toujours Me Boubacar Dramé, il peut arriver, au cours d’un contrôle judiciaire, que les conseils de l’intéressé demandent la main levée. « Dans ce cas précis, les avocats l’ont-ils fait ? Je ne sais pas. Pour le contrôle judiciaire, je sais que si celui qui y est soumis respecte les rendez-vous en venant décharger régulièrement, au bout d’un certain temps, les avocats peuvent demander la mainlevée » a-t-il précisé. Selon Me Mouhamadou Moustapha Dieng, avocat de Cheikh Béthio Thioune, c’est sur la base d’un rapport d’expertise établi par un médecin que le Gui des Thiantacounes avait été transféré de Thiès à Dakar, plus précisément au pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec. « Lorsque les juges ont vu le rapport d’expertise et recueilli l’avis d’autres médecins, ils ont su que sa maladie n’est pas compatible avec la prison. Il s’y ajoute que, lorsque la prise en charge est venue de l’étranger, nous étions à la phase d’instruction. On lui avait accordé une autorisation de sortie du territoire national pour raison médicale sous escorte. Cheikh Béthio est revenu pour repartir souvent à ses rendez-vous à Bordeaux.
Finalement, le juge a levé le contrôle judiciaire sous escorte pour lui accorder une liberté provisoire afin de lui permettre de faire des va-et-vient à l’étranger pour se soigner. Il n’y a jamais eu de restriction » soutient Me Mouhamadou Moustapha Dieng. Mieux, ajoute-t-il, « lorsque le dossier a été transféré au tribunal de grande instance de Mbour, les juges savaient qu’il était en France en soins intensifs. Ils savent qu’il est malade.
Le seul problème pour le juge, c’était de savoir si son état de santé lui permettait de faire un aller-retour Bordeaux Dakar pour assister au procès pendant deux semaines avant de retourner suivre son traitement. C’est d’ailleurs pourquoi le juge n’a pas accepté l’excuse et il est jugé par contumace » a-t-il poursuivi. Revenant sur le procès, Me Mouhamadou Moustapha Dieng précise qu’en aucune façon son client n’a souhaité ce qui s’est passé c’est-à-dire la mort de ses deux talibés car tous deux faisaient partie de sa famille. « Cheikh Béthio est un adepte de la non-violence. C’est un homme de paix » a assuré l’avocat au bout du fil.