Dans les marchés, quartiers ou sur les réseaux sociaux, un grand enthousiasme accompagnait des actions citoyennes de confection et de distribution de masques en tissu. Ces bonnes actions ont failli disparaitre, avec l’arrêté exigeant une conformité des masques barrières à la marque nationale de conformité ‘’NS-Qualité Sénégal’’, finalement suspendu jusqu’à nouvel ordre.
Au début, une initiative citoyenne personnelle. Adja Fatou Cissé, détentrice d’un atelier de couture, décide de répondre à l’appel des autorités sénégalaises pour contrer l’avancée du coronavirus dans le pays. A ses frais, elle confectionne plus 400 masques en tissu qu’elle distribue gratuitement à des personnes en difficulté. Elle reçoit ensuite une proposition de deux amis, Aïssatou Sène et Ernest Cissé, pour augmenter la production, afin d’aider le maximum de personnes vulnérables devant la pandémie.
Mais cet élan de solidarité a été coupée durant le weekend, lorsque l’arrêté n°2020/9450 du 24 avril 2020, co-signé par le ministère du Développement industriel et des Petites et moyennes industries, et le ministère du Commerce et des Petites et moyennes entreprises, a rendu obligatoire la certification de conformité des masques barrières à la marque nationale de conformité ‘’NS-Qualité Sénégal’’.
Ainsi, tous les masques produits par les tailleurs ne disposant pas de cette ‘’autorisation’’, devaient être interdits sur le territoire national.
C’est avec cette déception qu’Aïssatou a raconté, sur sa page Facebook, sa ‘’longue et surtout triste’’ journée du vendredi dernier : ‘’Avec Adja Fatou Cissé, on a parcouru la ville entre tailleurs, achats d’élastiques et distribution de masques. On a eu de longues discussions par rapport à l’arrêté concernant la fabrication et la distribution des masques. On ne comprend pas la démarche de l’Etat. Avec tout ce qui se passe dans le pays, comment on peut sortir un arrêté comme ça du jour au lendemain ?’’.
En effet, Aïssatou Sène et ses amis se sont rendus à l’ASN pour une certification de leurs masques normés Afnor. Mais, après évaluation, révèle la designer, ‘’la facture à régler était de 220 000 F CFA. Et cela ne couvrait pas les frais d’audit. Nous ne connaissons pas, au Sénégal, une société capable de faire le bilan demandé. Cela nous coûterait trop cher’’, se lamentait-elle.
L’arrêté en question disposait, en son article 1er, que la norme ‘’NS 15-014 : masque barrières – exigences minimales de confection et d’usage et méthodes d’essai’’, adoptée par le comité technique n°15 sur la santé, est entrée en vigueur et applicable sur toute l’étendue du territoire national.
L’article 2 vient préciser que les masques barrières au sens de la norme NS 15-014, commercialisés ou offerts en don sur le territoire national, sont soumis à la procédure de certification avec la marque nationale de conformité ‘’NS-Qualité Sénégal’’, conformément à l’article 13 du décret n°2002-746 du 19 juillet 2002 relatif à la normalisation et au système de certification de la conformité aux normes. La certification de conformité donne droit à la délivrance d’un certificat de conformité ou d’une attestation de conformité.
Volte-face
Hier, dans la soirée, le ministre du Développement industriel et des Petites et moyennes Industries, Moustapha Diop, a sorti un communiqué pour annoncer que ‘’l’application de l’arrêté susmentionné est suspendue jusqu’à nouvel ordre’’. Le ministre explique le rétropédalage par le fait que ‘’des fabricants de masques ont souhaité l’allégement de la procédure et des modalités de certification des masques barrières, pour pouvoir continuer à participer à l’effort national de lutte contre le coronavirus’’.
En faisant cela, l’Etat a sorti une grosse épine du pied de toutes ces bonnes volontés et autres tailleurs qui se sont lancés dans la confection de masques. Car le processus de certification des masques barrières NS 15- 014, décrit sur le site de l’ASN, comprend un audit des locaux, un échantillonnage et des essais avant la délivrance du certificat de conformité. Le montant global de la certification est de 900 000 F CFA répartis sur trois années de droit d’usage de la marque nationale NS, comme suit : Année N (année d’admission) : 350 000 F CFA (frais d’admission + prestations initiales + droit d’usage de la marque) ; Année N+1 : 275 000 F CFA (prestations de surveillance + droit d’usage de la marque) et Année N+2 : 275 000 F CFA (prestations de surveillance + droit d’usage de la marque).
Ainsi, les trois bénévoles vont pouvoir continuer leurs actions. Depuis une quinzaine de jours, les trois ont parcouru la banlieue, en distribuant quelque 10 136 masques avec des journées remplies d’émotion, certains bénéficiaires ayant ‘’du mal à croire qu’on leur remet un masque de qualité gratuitement, sans que cela vienne d’un ONG ou d’un parti politique…’’.
Leurs masques ont été aussi distribués à Nabil Choucair, à Le Dantec ou encore à l’hôpital de Rufisque, les médecins les ayant approuvés et utilisés.