Le Sénégal est-il un État de droit ? Devant le « Jury du dimanche » sur iRadio, l’avocat à la cour, Mame Adama Guèye, n’est pas passé par quatre chemins pour répondre marteler : « Dans un État de droit, est-ce qu’une Administration peut refuser d’appliquer une décision de justice ? Est-ce qu’on peut dire, dans le Sénégal d’aujourd’hui, qu’on respecte de manière absolue la primauté de la loi ? »
Selon lui, l’État de droit signifie que « même le président de la République, la loi est au-dessus de lui. A fortiori de toute l’Administration. Je suis désolé de le dire, nous n’avons pas encore d’État de droit ».
Pour Me Guèye, il faut travailler à instaurer un État de droit, parce que c’est plus sérieux que ce qui se passe dans le pays. « Devant le président de la République, le Premier ministre viole la loi de manière flagrante, pour des raisons politiques, je ne sais pour quelles raisons. Je suis désolé. Aujourd’hui, dans notre pays, nous n’avons pas d’État de droit. Nous n’avons pas de République. Il faut travailler à instaurer un véritable État de droit », persiste l’ex-bâtonnier.
Indépendance de la justice
Beaucoup de citoyens remettent en cause l’effectivité de l’indépendance de la justice sénégalaise. Leurs accusations ou leurs questionnements sont-ils fondés ? Mame Adama Guèye pense qu’il faut revoir la formulation.
Pour lui, « quand on dit indépendance de la justice, c’est une proclamation institutionnelle. Mais la justice n’est pas une entité qui fonctionne elle-même, qui est indépendante ou pas. C’est des acteurs de la justice qui ont l’indépendance. C’est l’attitude d’une masse critique qui fait que la justice doit être considérée comme indépendante ou pas ».
Selon l’invité d’iRadio, « aujourd’hui, on a des magistrats qui sont indépendants. On a aussi beaucoup des magistrats qui ne sont pas indépendants. Si on regarde la masse critique, elle penche plutôt du côté de ceux qui ne font pas toujours preuve d’indépendance. C’est ce qui explique la crise de confiance entre l’État, entre la justice et les citoyens ».
Il enfonce le clou : « Aujourd’hui encore, je le dis, je le répète, je ne cesse de le répéter : il faut organiser les assises de la justice, les états généraux, qu’on appelle comme on veut, en mettant en présence toutes les parties prenantes et en discutant à fond et à froid les questions de la justice. »
L’avocat estime que « la réforme majeure du Conseil supérieur de la magistrature n’est pas forcément le retrait du président. L’Exécutif, quelle que soit sa forme, doit être présent dans le Conseil supérieur de la magistrature. Je ne veux pas d’une République des juges, c’est-à-dire que ce soit de l’entre-soi, de magistrats, même les autres parties prenantes doivent être présentes au Conseil supérieur de la magistrature, les citoyens et les organisations de la société civile, le secteur privé ».