Les recommandations de la Cour des Comptes dans son rapport 2014 n’ont servi à rien. L’homme d’affaires Pape Aly Gueye continue de rafler gracieusement des marchés publics au vu et su des plus hautes autorités de l’Etat. Dans les opérations de rachat de créances entre MYNA DISTRIBUTION TECHNOLOGIES S.A et la Caisse de Dépôt et de Consignation (CDC), des entorses aux textes ont été notées sans que des mesures ne soient prises pour préserver les deniers publics.
Convention du 11 décembre 2013
Dans le cadre du programme d’électrification rurale, l’Etat du Sénégal, par le biais de transfert en capital au profit de la SENELEC, a signé la convention n° 20 avec MYNA Distribution Technologies S.A pour l’électrification de 746 villages pour un montant de 18 milliards FCFA. Devant l’inexécution des obligations de l’Etat, la société MYNA Distribution a attrait solidairement l’Etat et la SENELEC à lui payer la somme due. Se prononçant sur cette affaire par jugement n° 3467 du 20 décembre 2011, le Tribunal régional hors-classe de Dakar a condamné l’Etat à payer à MYNA, la somme de 18 124 523 725 FCFA à titre de dommages-intérêts et mis hors de cause la SENELEC.
Sur ce montant, l’Etat du Sénégal a payé à MYNA 14 766 976 815 FCFA. Suite à une demande du Ministre de l’Economie et des Finances par lettre n° 1380 du 11 décembre 2013, le reliquat d’un montant de 3 357 546 910 FCFA a fait l’objet de la première convention de cession de créance entre MYNA, la CDC et l’Etat signée le 11 décembre 2013. Cette convention prévoit que le montant précité était le prix d’acquisition de la créance par la CDC qui perçoit une commission de 167 877 345 FCFA représentant 5% de la valeur faciale de la créance. Le prix de cession devait être versé à MYNA dès la signature de la convention.
En retour, l’Etat devait payer à la CDC « … le montant de la créance majorée de la commission, le tout s’élevant à la somme de trois milliards cinq cent vingt cinq millions quatre cent vingt quatre deux cent cinquante cinq (3 525 424 255 FCFA) ». Le paiement de la créance de la CDC devrait intervenir au plus tard le 28 février 2014.
L’exécution de cette convention a révélé que non seulement les droits d’enregistrement n’ont pas été perçus sur la convention de cession, mais aussi, en l’état actuel, l’Etat n’a effectué aucun remboursement ni sur le prix d’acquisition de la créance ni sur la décote alors que ce paiement devait intervenir à la date du 28 février 2014. En raison d’un taux applicable de 1%, le défaut d’enregistrement crée un manque à gagner pour l’Administration fiscale de 33 575 469 FCFA.
Convention MYNA du 27 décembre 2013
Les termes de cette convention diffèrent en certains points de celle du 11 décembre 2013 bien qu’elle ait été signée à quelques jours d’intervalle. Elle a été précédée d’un échange de correspondances révélant la motivation de la convention consistant à permettre au créancier de l’Etat de faire face à ses tensions de trésorerie. Dans une lettre du 16 décembre 2013, MYNA Distribution a proposé au Directeur général de la CDC le rachat d’une créance de 5 437 282 571 FCFA qu’elle détient sur l’Etat jusqu’à concurrence de la somme de 2 137 282 571 FCFA, avec une décote qui fera l’objet de négociations entre les parties.
Le ministère de l’Economie et des Finances et du Plan, par lettre n° 14236 du 27 décembre 2013 a aussi, de son coté, sollicité la CDC pour le rachat de la même créance dans son intégralité au montant de 5 437 282 571 FCFA.
Les termes de l’accord tripartite MYNA, CDC et Etat du Sénégal seront formalisés par la convention de cession de créances du 27 décembre 2013 en vertu de laquelle la dette de 5 437 282 571 FCFA sera finalement payée par la CDC.
En son article 3, la convention prévoit que « le rachat de la créance détenue par MYNA … correspond à une décote de cinquante millions (50 000 000) FCFA représentant la commission forfaitaire tirée par la CDC sur cette opération ».
De son coté, l’Etat assure le règlement de la créance désintéressée à MYNA par virement dans les comptes de la CDC selon l’échéancier suivant :
– « 2 437 282 571 FCFA au plus tard le 30 avril 2014 ;
– 1 500 000 000 FCFA au plus tard le 31 mai 2014
– 1 500 000 000 FCFA au plus tard le 30 juin 2014 »
Les conditions de formation et d’exécution de cette convention soulèvent quelques remarques. Les enseignements de la lettre de MYNA datée du 16 décembre 2013 sont doubles. En premier lieu, il s’agit bien d’une proposition de rachat qui est formulée par MYNA pour un montant bien en deçà de celui qui sera retenu dans la convention de cession de créance. Aucune justification de la sollicitation par le Ministère de l’Economie et des Finances et du Plan de rachat de l’intégralité de la créance n’est fournie.
La seule justification explicite est celle de la lettre de proposition de MYNA et qui tend à la satisfaction de ses besoins de trésorerie. Elle est cependant problématique dans la mesure où l’incidence serait de créer une charge pour l’Etat au travers de la décote. En second lieu, il est incompréhensible que la décote soit à la charge de l’Etat alors que dans sa lettre sus-évoquée, MYNA précisait que cette décote devrait faire l’objet de négociation entre les parties. Ainsi, il ne restait qu’à en fixer le taux, MYNA devant en supporter la charge pour avoir proposé de céder sa créance à la CDC. Cette décote ne sera finalement que de 50 000 000 FCFA à acquitter par MYNA dès la signature de la convention.
En outre, le montant de la décote qui est de 50 000 000 FCFA apparait anormalement bas en comparaison avec celui qui devait être supporté par l’Etat dans la convention du 11 décembre 2013 et qui était de 167 877 345 FCFA pour un montant moindre racheté de 3 357 546 910 FCFA. Par ailleurs, il est surprenant de procéder au versement de la décote dès la signature de la convention de cession au lieu de son prélèvement sur la première échéance due par la CDC.
Sur un autre plan, il y a lieu de souligner que la cession d’une créance détenue sur l’Etat ne doit se faire que si son cocontractant a exécuté l’ensemble de ses prestations qui le rendent indubitablement créancier de la puissance publique. Dans le préambule de la convention, seul le besoin de trésorerie de MYNA est avancé pour justifier la cession de créance. Or, la convention de cession, signée le 27 décembre 2013, fait référence à une autre du 10 octobre 2013 signée avec la SENELEC qui serait la source de la créance détenue par MYNA sur l’Etat du Sénégal. Le délai entre ces deux conventions est assez court pour que MYNA réalise ses prestations et négocie le paiement de sa créance.
Si le jugement du Tribunal régional hors classe de Dakar fait foi pour la première convention, la question de la réalité et de l’exigibilité de la créance reste entière pour la deuxième. C’est pourquoi, le MEFP a commandité à l’Inspection générale des Finances, une enquête sur ces créances. En dépit des demandes formulées par lettres datées des 8 mai 2014 et 12 juin 2014, respectivement adressées au Coordonnateur de l’Inspection générale des Finances et au Ministre de l’Economie et des Finances et du Plan, ce rapport n’a jamais été communiqué à la Cour. L’exigibilité de la créance détenue par MYNA Distribution est un préalable à la conclusion de l’opération de rachat de créances. A défaut, les sommes versées sont indues.
Convention du 7 avril 2014
Cette troisième convention porte sur une créance détenue par MYNA sur l’Etat pour un montant de 7 434 000 000 FCFA. En son article 2, elle stipule « le prix d’acquisition par la CDC de la créance est convenu pour la somme de sept milliards vingt-cinq millions cent trente mille (7 025 130 000) FCFA CFA ». Ce montant devra être payé par la CDC selon les modalités suivantes :
– « 2 835 000 000 FCFA CFA à mettre à la disposition de MYNA Distribution Technologies SA dès la signature … ;
– 4 190 130 000 FCFA CFA à verser par la CDC au profit de MYNA Distribution Technologies SA en deux tranches, soit 1 890 000 000 FCFA CFA le 31 mai 2014 et 2 300 130 000 FCFA CFA le 31 juillet 2014 .
Aux termes de l’article 3 de la convention, le montant racheté « correspond à une décote de 408 870 000 FCFA représentant la commission forfaitaire à payer par MYNA Distribution Technologies SA qui accepte de s’en acquitter suivant l’échéancier ci-après :
– 165 000 000 FCFA CFA dès la signature de la convention ;
– 110 000 000 FCFA CFA le 31 mai 2014 ;
– 133 870 000 FCFA CFA le 31 juillet 2014 ».
En contrepartie, l’Etat s’engage à régler à la CDC, au plus tard le 30 septembre 2014, le montant de 7 434 000 000 FCFA.
La revue de cette convention fait apparaitre plusieurs constats.
D’abord, si la décote a été mise à la charge de MYNA, il y a lieu de relever que son paiement n’a pas été opéré comme stipulé dans la convention de cession de créance. En effet, à la signature de la convention, aucune somme sur les 165 000 000 FCFA attendus n’a été libérée par MYNA. En revanche, faisant suite à une lettre n° 453 du 28 avril 2014 du Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan relatant que « la décote d’un montant de quatre cent huit millions huit cent soixante dix mille (408 870 000) FCFA représentant la commission paritaire … sera prise en charge par l’Etat du Sénégal », la CDC a remboursé intégralement la décote le 29 avril 2014. Pour ce faire, un avenant a été signé le 28 avril 2014.
En conséquence de ce remboursement, la CDC ne perçoit aucune retombée dans l’opération, la commission ou décote devant être supportée par le cédant lui ayant été retournée. Aucune raison n’est avancée pour justifier cette prise en charge de la décote par l’Etat du Sénégal alors que la demande de rachat a été initiée par MYNA. Par ailleurs, prévu pour être remboursé en totalité au 30 septembre 2014, le montant entièrement payé par la CDC n’a toujours pas été recouvré sur l’Etat. SOURCE : Rapport Cour des Comptes 2014. DAKARTIMES
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