Le message de Cheikh Diop, avant son passage à l’acte (vidéo disponible sur le net), apporte un éclairage posthume sur les faits qui l’ont amené à cette décision extrême et donne un sens à son acte. Le problème n’est pas de savoir s’il a raison ou non de poser pareil acte.
C’était sa décision à lui et nul ne devrait, par respect pour lui et pour sa famille, s’arroger le droit de s’ériger en Juge (seul Allah SWT est Juge !) surtout lorsqu’on le fait pour essayer, sournoisement, de disculper Macky Sall et son Administration. S’immoler devant le Palais présidentiel est porteur de sens que seuls les prédateurs de l’APR et leurs acolytes de tout acabit sont incapables de comprendre.
Le message de Cheikh Diop nous interpelle tous, en des mots simples, sur plusieurs manquements à des principes qui sous-tendent une République au plein sens du terme notamment l’état de droit, l’équité, l’égalité, la diligence et efficacité administratives. La mort de Cheikh Diop est de trop. Elle pouvait être évitée.
En effet, comment comprendre qu’une personne dans les liens de la détention, donc privée de mouvements et placée sous la responsabilité exclusive du Ministère en charge de la justice à travers un de ses démembrements, l’Administration pénitencière, se retrouve amputée d’un bras, suite à ce qui ressemblerait plus à une erreur médicale, sans qu’il ne lui soit possible de se faire prendre en charge correctement par l’État (fourniture d’une prothèse, de services professionnels d’accompagnement et de mesures de réinsertion) et, éventuellement, se voir octroyer une indemnisation ?
Cette question revêt tout son sens lorsqu’on sait que le Trésor public débourse annuellement plus de 2,7 milliards FCFA (chiffre largement en dessous de la réalité selon plusieurs spécialistes) rien que pour la prise en charge médicale à l’étranger de quelques-uns de ses agents privilégiés grâce à un dispositif plus connu sous le nom d’évacuation sanitaire.
Elle l’est, également, lorsqu’on sait, aussi, que plusieurs responsables politiques et militaires ainsi que certains marabouts et leurs familles sont évacués, hospitalisés et traités dans les hôpitaux les plus huppés de la France (hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, l’hôpital militaire des Invalides, etc.) grâce aux fameux fonds politiques allègrement et discrétionnairement mis à la disposition du Président de la République.
Enfin, cette question mérite d’être formulée lorsqu’on sait qu’il existe des grabataires dans le gouvernement et l’administration de Macky Sall, c’est-à-dire des personnes nommées uniquement pour leur permettre de se soigner, surtout à l’étranger, au frais du contribuable sénégalais. L’exemple le plus patent est celui d’Amath Dansokho, nommé Ministre d’État, mais passe le clair de son temps à l’étranger pour des raisons médicales.
Lorsqu’on sait que le coût d’une prise en charge médicale à l’étranger d’un seul agent de l’État serait d’environ 180 millions FCFA (vous avez bien lu !) selon une enquête réalisée, en 2015, par Ouestaf, nous comprendrons plus facilement le désarroi, le sentiment d’injustice, l’impression d’être un citoyen de seconde zone, le manque de respect et d’empathie ressentis par Cheikh Diop face aux atermoiements et tergiversations des responsables de l’Administration sénégalaise.
La prise en charge de son cas aurait nécessité quelques petites miettes en comparaison des sommes faramineuses dépensées par Macky Sall et sa bande de prédateurs pour se soigner à nos frais à l’étranger.
À la lumière des réactions enregistrées jusque-là, Macky Sall et son Administration auraient tort de ne pas faire une bonne lecture de l’acte posé par Cheikh Diop, lequel augure d’autres actes aux conséquences plus dévastatrices. Rien n’exclut qu’un prochain désespéré comme Cheikh Diop choisisse des moyens extrêmes pour attirer l’attention des autorités et du public sur son cas notamment en assassinant des innocents avant de s’enlever la vie.
Des prémisses de tels actes peuvent être identifiées dans notre histoire récente et qu’il serait inutile de se réfugier derrière un fatalisme béant ou une invocation des saints qui gisent en terre sénégalaise. En effet, il y a eu dans l’histoire de notre pays, même si nous avons tendance à refuser de voir la réalité, des actes extrêmes posés par des personnes désespérées.
Je rappellerai, à ce titre, le cas (il y a une trentaine d’années) d’un gérant d’une station d’essence à qui on avait retiré la concession de gestion et, qui était allé tirer à bout portant le cadre de la compagnie pétrolière qu’il tenait pour responsable de ses déboires avant de se donner la mort. Il y a aussi le cas, très récent, d’un entrepreneur qui avait tué son collègue et ami avant de se donner la mort parce qu’on lui avait repris un de ses marchés pour le réattribuer à son ami.
Les inégalités, les injustices et les humiliations et sont à leur comble avec la gestion clanique, gabégique et déprédatrice de Macky Sall et de sa famille. Le cas Cheikh Diop constitue un message qui lui est directement adressé. Malheureusement, il n’aura ni le courage ni la lucidité de regarder les faits en face et d’en tirer toutes les conséquences.
Pourtant, il a placé l’année 2018 comme année sociale. Que nenni ! Toujours des paroles, rien que des paroles ! Lui, son clan, son Administration et sa justice continuent de voir les populations de haut alors que ce sont elles, à travers leurs impôts chèrement payés, qui financent leurs grosses cylindrées de fonction ou de service, leurs logements de fonction démesurés avec un luxe insolent, leurs inutiles voyages ou virées (en première ou classe affaires) ainsi leurs soins dans des cliniques et hôpitaux très onéreux à l’étranger.
Il n’y a plus de doute : nous avons au pouvoir une bande jouisseurs et d’incompétents sans empathie ni respect pour le peuple. C’est pourquoi ce qu’a fait Cheikh Diop devrait être considéré comme un sacrifice. Il a donné sa vie es espérant que sa mort déclencherait une prise de conscience et ferait bouger les choses dans le bon sens.
Les personnes lâches essaieraient d’en donner une autre signification pour tenter de disculper le régime et/ou pour se donner bonne conscience. Nous devons lui en savoir gré pour cela et ne pas l’oublier. Surtout au moment de parrainer un candidat, puis celui de mettre notre bulletin dans une urne en février 2019.
Ibrahima Sadikh NDour