Le massage encore appelé massothérapie est un procédé thérapeutique destiné à améliorer le bien-être des personnes en appliquant sur le sujet un ensemble de techniques manuelles sur les différents tissus vivants. Des mouvements exercés sur l’épiderme, les muscles, les tendons et les ligaments. Exceptés les massages purement curatifs et exclusivement destinés aux praticiens chevronnés (massage prénatal pratiqué chez la femme enceinte dans la phase de travail par les sages-femmes et matrones, les massages pour les nouveau-nés visant à fortifier les os et les massages de rééducation au niveau des patients qui sont sous surveillance en kinésithérapie…), les autres types de massage – massage sportif, massage sur chaise, massage californien ou sensitif, suédois très populaire en Amérique du Nord, Shiatsu, massage thaiwanais lomi lomi, massage réflexologique, massage thaïlandais, massage aux pierres chaudes – ont des propriétés relaxantes. C’est d’ailleurs ce genre de massage qui connait une intrusion remarquable de prostituées clandestines couvertes par l’anonymat et qui ont fini d’investir la toile.
Pour dénicher une femme qui propose des massages plus, pas besoin d’aller loin. Il suffit juste de faire un clic. Un tour sur les réseaux sociaux nous a permis de trouver une d’entre elles qui fait ses activités qui s’apparentent à de la prostitution déguisée dans un quartier huppé de Dakar. Nous sommes le vendredi 13 septembre 2019. « Kay Sétsima légui ma défal la lou nèkh », peut-on lire dans sa page d’accueil. Joint au téléphone, M. Sylla nous liste les différents types de massages qu’elle réserve à ses clients qui seraient prêts à débourser de l’argent pour évacuer leur stress après une journée de dur labeur ou encore assouvir leurs appétits sexuels.
« Notre salon se situe aux Almadies. Nous proposons tout type de massage. Il y a tout chez nous. Le massage tonifiant ou sportif est à 10.000 FCFA, intégral à 15.000 FCFA, américain 20.000 FCFA, massage à quatre mains 30.000 FCFA et body-body 30.000 Fcfa », nous dit la dame sans entrer dans les détails. Interrogée sur les procédés pour chaque massage, elle coupe la discussion : « si vous voulez le savoir, venez voir par vous-même. Lépp amnafi (il y a du tout en langue locale ».
À la rencontre de B. Faye « Extase Massage »
Nous nous tournons vers une autre « masseuse » non loin de la foire de Dakar. Au bout du fil, la fille qui ne se doute pas une seconde qu’elle a affaire à un journaliste, nous dit de venir la voir directement dans son cabinet pour avoir tous les renseignements nécessaires. Vers 22h, après moult détours, nous arrivons au point indiqué. Sans doute, elle ne voulait pas attirer l’attention des voisins qui somnolent à cette heure tardive. « Je te vois, n’est-ce pas c’est toi qui est en chemise blanche avec un sac noir à la main. C’est l’immeuble marron qui est à ta droite. La porte est entrouverte. Je t’attends », nous chuchote-t-elle comme pour ne pas réveiller les âmes qui occupent ce bâtiment de quatre étages.
D’un simple massage à une soirée érotique
C’est une jeune fille aguicheuse à la forme généreuse qui nous intercepte devant la porte. Nous empruntons les escaliers pour aller je ne sais où encore. La première chose qui attire notre attention est qu’il n’y a pas d’électricité dans cet endroit, ou du moins toutes les lampes sont éteintes à notre arrivée. Nous arrivons au troisième étage, elle ouvre la porte, entre en premier et nous prie de la suivre. À peine avons-nous franchi le seuil de la porte qu’une autre personne signale sa présence par une quinte de toux. « Ce n’est rien, c’est juste ma colocataire. Elle est un peu souffrante. » Nous en déduisons qu’elle fait aussi le même travail que notre interlocutrice.
Tout au fond à gauche, c’est sa chambre qui sert aussi de cabinet de massage. Mais à l’intérieur, c’est tout à fait un autre décor qui s’offre à nos yeux. Il n’y a absolument rien qui indique qu’on est dans un salon de massage. À la place d’un cabinet de massage, on a une chambre de passe. Sauf qu’elle a placé sur un petit vaisselier, qui sert à ranger tout un arsenal de séduction qu’elle a en sa possession, une bouteille qui s’apparente à de l’huile essentielle.
Là également, tout est sombre. Elle nous invite à nous installer sur le lit et entame les salamalecs. Nous lui remettons deux billets de dix mille francs avant de décliner notre identité. Se sentant gênée, elle baisse le regard et nous confie : « Je voulais aller dans la salle de bain me changer pour commencer la soirée érotique toute nue. Mais comme tu as payé, je considère que tu as pris une séance de 30 mn. Ce temps écoulé, je ne réponds plus à tes questions ». À cet instant, je déroule mon protocole de questions.
Une « masseuse plus » âgée de 23 ans et mère d’un gamin de 7 ans
B. Faye m’avoue d’emblée qu’elle exerce ce métier dans la plus grande illégalité depuis bientôt quatre ans. Elle ne détient aucune licence délivrée par un institut de formation en fitness/esthétique qui lui permettrait de faire des massages au public.
« J’ai 23 ans et j’ai un fils âgé de sept ans. Ce travail, je le fais juste pour arrondir mes fins du mois. Je crois fermement que tout le monde a une vie privée et que c’est un domaine qui n’engage personne d’autre. Mes parents qui vivent à Liberté 6 ne sont pas au courant et ils n’ont pas besoin de le savoir », déclare la « masseuse ». Interrogée sur son métier qui peut être assimilé à de la prostitution clandestine et si elle détenait un carnet de santé qui lui donne le droit d’exercer cette activité, elle s’énerve du fait qu’on l’identifie à une femme de joie et précise que ce n’est pas avec tous ses clients qu’elle entretient des relations intimes. « Quand un client vient vers moi, je vérifie d’abord s’il est clean et naturellement les rapports sont protégés, rétorque-t-elle.
Malgré l’activité clandestine qu’elle exerce dans ce quartier discret et paisible, B. Faye ambitionne par-dessus tout d’ouvrir une boutique cosmétique. « Je suis la mode au quotidien et tout ce qui concerne l’esthétique et mettre en valeur la beauté féminine m’intéresse ».
Maman, une nouvelle recrue dans le monde des fantasmes
Après Nord Foire, cap vers Yoff où nous attend une autre « masseuse ». La fille tient son activité non loin du siège de l’Agence de sécurité de proximité. Pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un mauvais tour tendu par des personnes qui sont à leurs trousses pour une raison ou pour une autre, elle nous laisse dépasser son local de trois cent mètres. « Reviens sur tes pas car tu as dépassé la maison. C’est celle qui est à l’angle à ta droite, il y a un scooter qui est garé devant la porte ».
Elle est installée au rez de chaussée. Dans son appartement, on voit nettement que c’est une bande de jeunes filles qui occupent les lieux. Un salon est aménagé à gauche et c’est là me semble-t-il que les masseuses font leurs causeries en attendant qu’un potentiel client se pointe. Elle se dirige vers la droite à la première chambre. L’endroit est un véritable cabinet de massage car il y a tout ce dont une personne qualifiée en massage et traitement corporel pourrait avoir besoin. La lumière est tamisée et envoûtante. Une table à travers laquelle est dressé un drap de couleur blanche sur lequel sont éparpillées des fleurs rougeâtres est placée au milieu de la pièce. Une chaise sur laquelle est posée une serviette blanche permet aux visiteurs de se déshabiller dans la discrétion.
Une armoire collée au mur sert de planque aux huiles essentielles, pierres et galets utilisés à cet effet.
« Pour des ébats sexuels, la maison le fait à 40.000 Fcfa »
Une autre porte nous renseigne que la pièce est dotée d’une salle de bain. Tout porterait à croire qu’il s’agit d’un salon de massage professionnel. Mais la tournure des événements nous fera vite déchanter. La fille surnommée Maman a un corps svelte. Elle est de teint noir et porte une jupe courte de couleur rose.
Elle entame un monologue qui durera près de deux minutes et y va sans détour. « Si je vous masse en mini-jupe, vous allez devoir payer 15.000 FCFA. Le massage en soutien-gorge est à 20.000 FCFA. Toute nue, le prix te revient à 30.000 FCFA. Pour les ébats, la maison le fait à 40.000 FCFA. Il y en a pour tous les goûts. La maison dispose aussi de filles avec des rondeurs, de teint clair. À toi de choisir ».
L’exposé terminé, je lui expose la raison de ma venue, mais subitement elle me coupe et fait appel à la patronne des lieux. De teint clair, la dame qui visiblement n’est pas du tout contente de ma visite m’indique que son cabinet est sans anicroches avec la loi et libre de faire des prestations. Elle me fait signe de la main pour que je jette un coup d’œil sur la porte où un document de deux pages autorisant la pratique est affiché. Les précisions faites, la patronne des lieux nous sommes de dégager de son salon de massage et de ne plus interpeller ses petites protégées. Nous repartons presque bredouille même si nous avons pu avoir comme information que celle qui voulait s’occuper de nous est une nouvelle recrue qui fait ce travail depuis seulement quatre mois.
Du « Massage plus » au massage pro, y a pas photo !
Une situation préoccupante qui met les professionnels du bien-être dans tous leurs états. Nous avons rendez-vous avec un des leurs. Nous devons nous retrouver au parcours sportif situé au niveau de la corniche ouest. En compagnie de plusieurs camarades en plein exercice musculaire, M. Diouf semble être un inconditionnel du Sport.
Ayant capitalisé plus de quatre ans d’expérience en bien-être et esthétique, ce jeune masseur officie à Sen-Kinési, une salle de massage basée à Ouakam et actuellement en réfection. Le sieur Diouf nous informe que leur salon de massage a été créé par un kinésithérapeute qui travaillait à l’hôpital militaire de Ouakam et que c’était dans le but de soulager les patients qui prennent d’assaut les hôpitaux dans l’attente de décrocher une thérapie.
Les bienfaits d’une bonne séance de massage
Dans ce salon, le trio constituant la dream-team fait les massages relaxants mais s’occupent également des articulations (genou, cheville). Par contre, tout ce qui touche à la kinésithérapie proprement dite, aux lombaires et à la colonne vertébrale, c’est le formateur du nom de Moussa qui s’en occupe. Chez Sen-Kinési, la séance dure 45 mn à 1h de temps et coûte 10.000 Fcfa s’il est effectué au salon et 15.000 Fcfa si c’est à domicile.
Sous ce registre, il nous explique ce qu’une bonne séance de massage peut procurer au client. « Le massage dissipe la fatigue générale, évacue le stress, réduit les tensions musculaires, assouplit la peau, élimine la nervosité, favorise une bonne circulation sanguine, augmente le sommeil et le rend paradisiaque », entre autres bienfaits.
Interpellé sur les offres de prestation « massage plus » qui sont de mise dans les réseaux sociaux, notre interlocuteur ne cache pas du tout son courroux et son désarroi face à cette gangrène qui pollue sa profession. « Notre principale difficulté : c’est la prostitution déguisée qui ternit notre métier ». Fustigeant avec la dernière énergie de telles pratiques, M. Diouf nous raconte ses mésaventures depuis une certaine période. « Actuellement, je peux vous dire que la plupart des gens qui viennent vers nous croient que nous faisons des « massages plus » alors que tel n’est pas le cas. Certains après la fin de leur séance, nous font des propositions indécentes comme avoir des relations sexuelles, du genre ».
« Le mal est tellement profond que la plupart des salles de massage ont fermé boutique »
Continuant ses propos, le masseur anticellulite vide son sac. « C’est tellement écœurant de vivre tout çà pour une personne qui a légalement passé son diplôme pour pouvoir exercer cette profession et qui en retour constate avec désolation que d’autres gens mal intentionnés utilisent son domaine de prédilection pour en faire un lieu de débauche. Le mal est tellement profond que la plupart des salles de massage ont fermé boutique. Les professionnels du métier sont obligés de recourir à des séances à domicile pour la bonne et simple raison qu’ils ont presque perdu leur crédibilité. Le travail ne marche plus comme avant juste parce que les gens pensent qu’il y a le bordel dans les salles de massage ».
En cette période hivernale, M. Diouf nous renseigne que ses principaux clients sont les patients qui font des soins thérapeutiques dans les structures hospitalières.
Vu le nombre pléthorique de malades qui suit une rééducation là-bas, la plupart d’entre eux préfèrent s’attacher les services d’un masseur professionnel et kinésithérapeute le plus proche pour une assistance régulière variant entre deux à trois séances dans la semaine.
Quand les lesbiennes et les homos s’y mettent
Revenant sur l’épisode cauchemardesque que traverse le monde de l’esthétique, M. Diouf renchérit : « il y a du tout dans ce milieu, des prostituées, des lesbiennes et même des homosexuels. Les clients se sentent gênés de dire qu’ils vont se faire masser, tellement la situation est critique. Je reçois tous les jours des messages sur ma page Facebook venant de femmes aux tenues aguicheuses me demandant de collaborer ensemble, mais je décline leur offre à chaque fois parce je sais qu’elles en ont cure des massages et des soins du corps ».
Cette situation n’empêche pas les acteurs de se réunir assez souvent pour discuter de ce problème, même si depuis lors il n’y a pas encore eu de dénouement, ni de début de solution.
Le massothérapeute a par la même occasion saisi cette tribune pour saluer le travail remarquable des autorités étatiques qui ont fermé au cours de cette année de faux salons de massage. Tout compte fait, il les exhorte à continuer ce travail déjà entamé afin de nettoyer le milieu de ses occupants sans pudeur qui ne sont pas en règle et de surcroît n’ont aucune expérience en la matière.
La Brigade des mœurs et des mineurs de la Sûreté urbaine avait réussi à démanteler un vaste réseau de prostituées et de proxénètes lors d’une descente à Yoff et Sacré-Cœur en mars 2019…