Le juge du 2e Cabinet devra maintenant situer les responsabilités entre la Cbao et l’importateur de riz, Bocar Samba Dièye, sur un retrait de 5 milliards de FCfa du compte bancaire de l’homme d’affaires. En fait, l’expert désigné par le tribunal a déposé son rapport, en émettant «des réserves soutenues» concernant le document produit par la Cbao pour évoquer une traite de Bocar Samba Dièye.
Les hommes d’affaires sénégalais ont-ils un problème pour pérenniser et fructifier leur relation avec les banques étrangères établies au Sénégal, où vice versa ? La question porte toute sa pertinence au regard de la kyrielle d’hommes d’affaires sénégalais qui ont laissé des plumes, à la suite de brouilles les ayant opposés à ces banques. Ces quelques exemples ci-dessous peuvent, si besoin était, servir d’illustration.
«Mon fils, la banque m’a coulé, la maison qui abrite la banque X à Kermel, était ma propriété», dénonçait par voix de presse, le défunt homme d’affaires, Omar Seck. «La Sgbs a produit du faux, pour vendre mon immeuble sis sur l’avenue Faidherbe, mais je ne baisserai jamais les bras», martelait un autre défunt homme d’affaires, Silèye Guissé. «Je continuerai mon combat contre la Sgbs jusqu’à la mort pour récupérer mes biens», articulait Lobat Fall dans un journal de la place. Récemment, l’homme d’affaires Moustapha Tall, grand importateur de riz, a vu son immeuble être vendu aux enchères par une banque de la place.
La liste des victimes est loin d’être exhaustive et aujourd’hui, c’est au tour d’un autre grand importateur de riz, Bocar Samba Dièye, d’avoir maille à partir avec une autre banque, la Compagnie bancaire ouest africaine (Cbao). Il réclame à la banque marocaine, la restitution de ses avoirs, se chiffrant à la somme de 5 647 702 206 FCfa, «retirés de son compte bancaire à son insu». Une requête que la Cbao a refusé d’exécuter, en brandissant une traite du montant en question. L’importateur de riz qui déclare n’avoir contracté qu’un prêt de 2 milliards de FCfa, affirme avoir soldé ladite dette depuis belle lurette. Mieux, la Cbao avait adressé une lettre en date du 2 avril 2009, à Mes Amadou Moustapha Ndiaye et Aïda Diagne Diawara, notaires associés. Une lettre ayant objet : «Mainlevée par la Cbao, Groupe Attijariwafa Bank, au profit de Bocar Samba Dièye.» Dans la missive signée par Bada Fall, responsable des garanties de la Cbao, et El Hadji Mapenda Cissé, responsable administration des crédits, la banque écrit ceci : «Suite à la réduction des engagements de la relation citée en objet dans nos Livres, nous vous prions de bien vouloir procéder à la radiation de nos inscriptions hypothécaires en 1er et 2e rang sur le Titre foncier n°19703/Dg à hauteur d’un montant de francs Cfa, 2 200 000 000. Nous rappelons que les frais seront à la charge du client.» Curieusement, la Cbao est revenue pour vendre cette maison sise à la Sodida. Saisi de l’affaire, le juge des référés, par ordonnance de référé n°4633 rendue en date du 14 octobre 2015 par le tribunal de Dakar, désigne, Magueye Niang, expert comptable, commissaire aux comptes, expert près les cours et tribunaux, avec pour mission de faire le compte des relations financières entre Bocar Samba Dièye et la Cbao.
L’expert émet des réserves sur la signature
Présentement, le rapport d’expertise que le magistrat instructeur du 2e Cabinet détient sur sa table, est loin d’être favorable aux arguments de la Cbao pour empocher les 5 milliards de FCfa de l’homme d’affaires. Dans ses conclusions, le cabinet d’Audit-Conseil-Expertise (Mgn), mentionne : «Concernant l’écriture relative à la traite, nous émettons nos réserves les plus appuyées et les plus profondes la concernant, eu égard à nos constatations ci-après : ‘’Dans ses dires, la Cbao a présenté l’affaire comme un crédit documentaire. Ses avocats, prenant le relais de leur client, ont expliqué, dans leur correspondance du 18 janvier 2016, que la levée des documents était suspendue à des conditions et, précisément, l’acceptation de la traite de la part de Monsieur Bocar Samba Dieye et l’aval de la Cbao.’’ Or, l’exploitation des différents éléments du dossier nous a permis de nous rendre compte que de telles affirmations ne sont pas exactes et que les marchandises ont été déchargées dans la période du 2 au 16 juin 2008, alors que l’avis d’arrivée des documents est du 17 juillet 2008, soit un mois plus tard. Ce qui constitue une inexactitude dans l’information communiquée dans la procédure d’expertise.»
Toujours dans le cadre de ses enquêtes, le cabinet Mgn note que sur l’acceptation de la traite, la Cbao aura défendu deux positions différentes : «Une première qui a consisté à soutenir la faculté de présentation de la traite à l’acceptation du tiré, est plutôt une possibilité et ne s’agit nullement d’une obligation. Dans l’autre position, elle a juste produit une traite portant une signature qui a été vivement contestée par son client, Monsieur Bocar Samba Dieye, qui accuse la banque de faux et d’imitation de signature. Ce qui a eu pour conséquence de semer le doute à notre niveau, eu égard ce qui est consigné au point précédent.» D’ailleurs, l’importateur de riz défie la Cbao de produire un document de prêt autre que celui de deux milliards de FCfa qu’il a soldé depuis longtemps.
L’obs