Le départ des enseignants qui doivent quitter Dakar pour aller vers les régions de Thiès et de Diourbel s’est fait avec beaucoup de difficultés. Il y a eu, dans ce contexte de lutte contre la propagation du coronavirus, un rassemblement très inquiétant au terminus Liberté 5 où ils avaient rendez-vous pour rejoindre leurs écoles respectives, dans les régions citées plus haut. De quoi faire craindre à certains la survenue de cas… scolaires !
Comme annoncée par le chef de l’Etat, Macky Sall, lors d’une déclaration publique annonçant l’allègement des mesures de l’état d’urgence, la reprise des cours, pour les classes d’examen (CM2, 3e, Terminale…), est prévue à partir du 2 juin prochain. Ainsi, l’Etat du Sénégal a mis à la disposition des enseignants, qui étaient hors zone, des bus de Dakar Dem Dikk afin qu’ils puissent rejoindre leur lieu de travail avant la reprise prochaine des cours. Les premiers bus ont quitté la capitale sénégalaise ce mardi, dans un premier temps à destination des écoles des régions de Thiès et Diourbel. Le terminus Dakar Dem Dikk de Liberté 5 a été le point de rendez-vous pour le départ. Des centaines d’enseignants, munis de leurs valises, ont pris d’assaut le lieu. Certains sont mêmes venus avec leurs enfants.
Entre cacophonie et violation des mesures barrières
L’endroit grouille de monde. C’est le désordre total. Une cacophonie indescriptible prévaut sur les lieux malgré le chaud soleil. En cette période de pandémie où le virus a pris la courbe ascendante au Sénégal, certaines des mesures barrières édictées par les autorités sanitaires pour lutter contre la contamination de la maladie sont foulées aux pieds. La distanciation sociale n’est pas respectée. Des rassemblements sont formés çà et là. Des petites bousculades sont constatées dans les rangs qui sont formés devant les bus. Ici, seul le port du masque est respecté parmi les mesures barrières.
Professeur de français à Pékesse dans le département de Tivaouane, Omar Sané dénonce le manque d’organisation qui règne sur les lieux. Pour lui, cela n’est rien d’autre qu’un manque notoire de respect à l’encontre des enseignants. « C’est très difficile les conditions dans lesquelles on veut nous faire voyager. C’est écœurant. Nous sommes obligés de nous entasser comme des sardines pour pouvoir voyager. Alors que les rassemblements sont interdits, les autorités en ont créé aujourd’hui », a déploré M. Sané qui dit ne pas comprendre pourquoi l’Etat se précipite à reprendre les cours alors que les cas positifs se multiplient. « Cette reprise n’est pas logique. On devrait attendre que la situation se calme, que le virus soit maitrisé pour annoncer la reprise des cours », pense-t-il.
Sa collègue, Jeanne Mendy, enseignante dans un village qui se trouve à Thiès abonde dans le même sens. Pour elle, les dispositions ne sont pas réunies pour une reprise correcte des cours. On risque, à son avis, d’enregistrer beaucoup de cas… « scolaires » parce que, constate-t-elle, les autorités ne respectent pas le protocole sanitaire.
Tamsir Bakhoum, Secrétaire général chargé de la communication du Saems et membre du pôle de communication du G7 dénonce les conditions dans lesquelles le voyage de ses camarades a été organisé. « Le G7 notamment le Saems dénonce cette façon de faire. Les enseignants ont été convoqués sous le chaud soleil. Ils sont laissés à eux même, sans aucune organisation », a-t-il dénoncé.
Poursuivant, il remet en cause la fiabilité des plateformes qui ont été lancées par le ministère de l’éducation nationale pour permettre aux enseignants d’avoir des autorisations de circuler. Cette plateforme, déclare-t-il, ne marche pas et beaucoup parmi ses camarades n’ont pas pu obtenir ladite autorisation. « La chose est partie pour être très mal organisée et si tout se passe comme ça, nous osons dire que les dispositions qui étaient annoncées par l’Etat ne pourront pas être respectées dans les classes », prévient-il.
250 bus Dakar Dem Dikk mobilisés
Le Directeur exécutif de la Coalition des Organisations en Synergie pour la défense de l’Education Publique au Sénégal, venu s’enquérir du départ des enseignants pense que les choses peuvent être améliorées afin d’éviter les rassemblements. « C’est vrai qu’on peut être étonné par ce grand rassemblement. Le virus ne veut pas la concentration humaine or, aujourd’hui, c’est le cas », a constaté Cheikh Mbow pour le déplorer. Ainsi, il recommande que les autres voyages se fassent de par étape pour éviter les rassemblements.
Venus superviser le transport des enseignants qui doivent rejoindre leur lieu de travail, le ministre des transports terrestres, Me Oumar Youm se dit satisfait de la qualité de l’organisation malgré les couacs qui sautent à l’œil. « Nous sommes venus superviser ce qui est en train d’être faits par Dakar Dem Dikk. Nous sommes très satisfaits de la qualité de l’organisation. Il s’agit de faire le transfert de plus de 15 mille enseignants à travers le pays avec un parc automobile qui tourne autour de 250 bus variant entre 20 à 66 places pour parcourir 137 mille kilomètres. Et tout cela va être exécuté dans un délai de 5 jours. C’est le lieu d’encourager toutes les équipes », a-t-il soutenu non sans dire que le pari de la mobilisation a été respecté.
Les parents d’élèves priés de libérer leurs enfants
En effet, il indique que ce, mardi, plus de 1500 enseignants seront transportés à l’intérieur du pays dans les localités telles que Thiès, Mbour, Bambèye, Diourbel, Tivaouane entre autres. Et, ajoute-t-il, cette opération se poursuivra jusqu’à samedi prochain. Pour sa part, le ministre de l’éducation nationale, Mamadou Talla a d’emblée félicité les enseignants qui, en un temps très court, se sont mobilisés pour montrer qu’ils sont des patriotes en acceptant de regagner les salles de classe. Contrairement au ministre des transports, il reconnait qu’il y a quelques difficultés dans l’organisation. Mais s’empresse-t-il dire « le plus important est que nous avons ce qu’il faut pour la rentrée. Même si au niveau organisationnel il y quelques couacs »
Par ailleurs, il a insisté au niveau des parents d’élèves en leur demandant de laisser les élèves aller faire cours. « Les enseignants se sont mobilisés aujourd’hui pour répondre à l’appel du président de la République. Nous appelons donc les parents à être aussi engagés qu’eux. C’est en ce moment qu’on a besoin d’eux pour que les cours reprennent le 2 juin », a lancé le ministre de l’éducation, rassurant que le protocole sanitaire sera respecté.
Cheikh Mbow a embouché la même trompette. « Nous devons travailler tous, pour que la reprise soit une réussite. Nous devons à la fois être déterminés mais aussi souples. C’est-à-dire à la fin de la semaine, il va falloir faire une évaluation qui va nous dire quelle est la conduite à tenir. Il y a des pays qui ont repris les enseignements et qui ont pu le réussir et d’autres qui ont repris et qui ont été obligés de suspendre. Mais pour le moment, soyons tous concentrés, déterminés à faire de la reprise du 2 juin un succès », sollicite-t-il.