Idy, « the funny one »

Le journal Le Quotidien, né en février 2003, a grandi avec la réputation d’être un journal de Idrissa Seck. On voulait faire croire que le maire de Thiès (ma ville natale), alors Premier ministre du Président Wade, pourvoyait à nos besoins financiers. Ils étaient nombreux à l’affirmer, et d’aucuns l’avaient écrit dans le marbre de la certitude. Nous n’avons eu de cesse de démentir cela, avec consternation et agacement, mais rien n’y fit. Idrissa Seck, lui, n’a pas cherché à démentir cette hérésie. Le Quotidien était pourtant le journal qui révélait tous ses travers, notamment l’arrogance de sa gouvernance, et nous levions les premiers lièvres sur ce qui deviendra le «Scandale des chantiers de Thiès». Ceux qui voulaient croire à l’idée que nous étions des «hommes de main de Idy» avaient toujours l’intelligence d’expliquer les stratégies qui guidaient les «Unes» du Quotidien qui accablaient Idrissa Seck. Que les gens peuvent avoir l’imagination fertile ! De toute façon, cette accusation qui nous collait à la peau nous a porté beaucoup tort. Nous avions reçu de nombreux coups.

Idrissa Seck lui-même me dira qu’il était désolé que nos supposées relations eurent beaucoup coûté au Quotidien. C’était en juillet 2011, à l’occasion de notre premier tête-à-tête. Oui, c’était la première fois que je m’assis avec Idrissa Seck. C’était à Paris, à l’hôtel Saint James. C’est véritablement au Sénégal que tout serait possible, jusqu’à financer le journal de quelqu’un qu’on n’a jamais fréquenté ! Le prétexte de ma rencontre avec Idrissa Seck était une interview démarchée par une amie commune, Me Nafissatou Diop Cissé, notaire. (Voir Weekend Magazine du 31 juillet 2011). Dans cet entretien assez instructif et qui mérite d’être relu, Idrissa Seck s’était confié, comme il avait rarement l’habitude de le faire. Il s’était certes assagi des ignobles insultes qu’il avait eu à proférer à l’endroit du Président Abdoulaye Wade par le truchement de sa fameuse série de Cd. L’opinion publique avait vigoureusement désapprouvé ses injures et s’était surtout émue de son comportement exécrable d’avoir frauduleusement enregistré des conversations intimes avec le chef de l’Etat. Il n’en demeure pas moins qu’avec une sincérité touchante, Idrissa Seck nous confia le peu d’estime qu’il avait pour Abdoulaye Wade et son fils Karim. L’histoire retiendra aussi que c’est depuis ces fameux enregistrements que tout le monde a peur de son ombre, jusqu’à ce que chacun veille à ce que ses visiteurs soient systématiquement délestés de leurs téléphones ou autres moyens d’enregistrement.
C’est le même Idrissa Seck qui aujourd’hui reproche au Président Macky Sall de n’avoir pas d’égard pour le Président Abdoulaye Wade et d’avoir manqué de lui reconnaître son mérite, ou de le donner en exemple à l’Afrique et au monde, ou encore de n’avoir pas fait pour Abdoulaye Wade ce que ce dernier avait eu à faire pour son prédécesseur Abdou Diouf. Mon Dieu ! Qui peut dire avoir jamais entendu, même au plus fort de leurs querelles politiques, Macky Sall proférer des insultes à l’endroit de Abdoulaye Wade ? D’ailleurs, un chef d’Etat en exercice me demandait de dire au Président Macky Sall son admiration pour la sérénité et la politesse dont il sait fait montre en dépit des attaques peu conventionnelles de Abdoulaye Wade. Idrissa Seck, lui, ne l’a-t-on pas, plus d’une fois, entendu traiter Abdoulaye Wade de «grand bandit» entre autres ? Qui a aligné le traitement des anciens chefs d’Etat du Sénégal à celui de leurs homologues français ? C’est Macky Sall qui en a fait bénéficier Abdoulaye Wade, plus que de raison. Et puis, il ne faudrait pas non plus travestir l’histoire. Au moment où Abdou Diouf était élu au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), Idrissa Seck était encore Premier ministre de Abdoulaye Wade et donc, il devait bien connaître la position du chef de l’Etat du Sénégal sur cette candidature de Abdou Diouf. Abdoulaye Wade avait déclaré publiquement et à maintes reprises que son candidat pour l’Oif était l’ancien ministre congolais, Henri Lopez. La candidature de Abdou Diouf lui avait finalement été imposée par le Président français Jacques Chirac.
Idrissa Seck voit son électorat fondre comme beurre au soleil, d’une échéance électorale à l’autre. Il voudrait une bouée de sauvetage que serait Abdoulaye Wade qu’il veut continuer à draguer en dépit du fait que l’ancien chef de l’Etat a toujours déclaré que jamais il n’aiderait Idrissa Seck à accéder au pouvoir parce que Abdoulaye Wade dit «le connaître si bien»… Karim Wade non plus ne voudrait voir Idrissa Seck, même pas en peinture et ne voudrait rien partager avec lui non plus. Karim Wade a même refusé de recevoir des condoléances de la part de Idrissa Seck lors du décès de son épouse Karine (Idrissa Seck lui-même le dit dans Weekend Magazine du 31 juillet 2011).
Idrissa Seck ne se remet pas en cause et trouve que ce sont toujours les autres qui sont la cause de ses déboires. Quand tous ses principaux compagnons politiques le quittent (Youssou Diagne, Oumar Sarr, Talla Diouf, Pape Diouf, Oumar Guèye, Nafissatou Diop Cissé, Léna Sène, Ousmane Thiongane, Fatou Sock, Oulimata Seck Faye et on en oublie) et lui reprochent les mêmes tares d’une suffisance, d’une arrogance et d’un autoritarisme, Idrissa Seck ne voit derrière tout cela qu’un complot. Aussi, quand il perd des élections, c’est parce que les électeurs ont été achetés et les journalistes aussi. Il se lance dans des railleries sans oser citer les personnes dont certaines assument publiquement leurs bons sentiments à l’égard du Président Macky Sall. Sans doute qu’il a assez de respect pour certains d’entre ces journalistes, car il y en a qui ne lui ont jamais dû un kopeck et ont su rester dans leurs relations, dans un cadre strictement professionnel. Pourtant, ses «soucis d’argent étaient terminés» depuis l’accession de Abdoulaye Wade au pouvoir et le même Idrissa Seck, Premier ministre, se targuait à Ziguinchor d’être «devenu riche».
Idrissa Seck est peut-être dans son rôle d’opposant, mais se montre véritablement comme ayant la berlue quand il soutient que le Sénégal est en recul économique sous le magistère de Macky Sall. Un ancien Premier ministre qui aspire encore aux plus hautes charges de l’Etat devrait étayer ses affirmations par des faits précis. Tout le monde peut constater que jamais le Sénégal n’a eu à obtenir des résultats aussi éloquents en termes de données macroéconomiques que maintenant. La gouvernance du Sénégal est citée en exemple de par le monde par les institutions internationales. Les institutions publiques fonctionnent sans anicroche et les élections se tiennent normalement, et le Peuple vient à peine de conforter la gouvernance publique par un vote franc lors du dernier référendum. Alors, comment Idrissa Seck peut-il, dans ces conditions, préconiser que le Sénégal soit en quelque sorte mis «sous administration provisoire» ? Il a proposé la mise en place d’un Haut conseil suprême de la République qui va «éviter au Président de se tromper seul». C’est on ne peut plus drôle ! Idrissa Seck songerait ainsi à mettre sous tutelle le Président Macky Sall, qu’il considère d’ailleurs comme «un nullard». Il l’a toujours regardé de haut. Mais Idy doit bien réviser son jugement, car ce «nullard de Macky Sall» a su le remplacer au poste de Premier ministre et exercer cette fonction pour une durée trois fois supérieure à la sienne, et a su manœuvrer pour qu’en quittant le poste de Premier ministre, il hérita du fauteuil de président de l’Assemblée nationale, alors qu’en quittant la Primature, Idrissa Seck était tombé dans une disgrâce absolue. Le même «Macky Sall, le nullard» a réussi à faire élire Abdoulaye Wade au premier tour d’une Présidentielle et a bien joué jusqu’à ravir la vedette à tout le monde pour supplanter Abdoulaye Wade au palais de la République. Last but not least, «ce nul de Macky Sall» a remporté, sans coup férir, toutes les élections qu’il a organisées et a réussi à devenir le chouchou de la communauté internationale.
Mais enfin, Idrissa Seck espère-t-il être à la tête de son Haut conseil suprême de la République, comme cela il gagnerait, par la ruse, ce que les suffrages des électeurs ne lui ont pas permis d’obtenir ? Le Sénégal sort d’un référendum qui a été l’occasion de réformer les institutions. Mais Idrissa Seck n’avait peut-être pas encore eu sa lumineuse idée pour la verser dans les débats. Ou bien la campagne référendaire n’était pas propice pour un débat d’idées, il fallait plutôt infliger «une cuisante défaite à Macky Sall» et «le forcer à quitter le pouvoir immédiatement». Il lui reste cependant la possibilité d’aller discuter de son idée avec le chef de l’Etat, qui entame des concertations avec l’opposition, mais Idrissa Seck qui pourtant reprochait à Macky Sall «d’avoir fermé sa porte au dialogue» a déjà annoncé qu’il n’y sera pas. On finit par croire que Idrissa Seck, depuis qu’il a cessé d’illustrer ses discours politiques par des versets du Coran, semble s’éloigner de la foi pour ne pas accepter la volonté divine qui est que le «quatrième président de la République du Sénégal» se nomme Macky Sall.

 

Sud Quotidien

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