En seulement quelques jours, le candidat de la coalition « Idy 2019 » semble avoir dépassé le jeune phénomène de la scène politique, Ousmane Sonko, qui était pourtant considéré comme le principal challenger du président sortant et candidat de BBY.
Maintes fois annoncé comme mort politiquement, Idrissa Seck fait parler de lui depuis quelques jours. Le leader du parti Rewmi semble renaître de ses cendres avec les nombreux soutiens de leaders de partis politiques et de candidats recalés à la présidentielle. En seulement quelques jours, le candidat de la coalition « Idy 2019 » semble avoir dépassé le jeune phénomène de la scène politique, Ousmane Sonko, qui était pourtant considéré comme le principal challenger du président sortant et candidat de la coalition Benno Bokk Yaakar, Macky Sall. Désormais, c’est bien l’ancien Premier ministre qui est l’adversaire numéro 1 du président sortant.
La politique est un jeu de planification opérée à partir d’une compréhension des faits et enjeux en cours mais aussi des actes posés sans lesquels, il est impossible de s’adapter aux situations pour s’imposer. C’est ce que Idrissa Seck, en vieux renard de la politique, a compris. on peut supposer qu’il avait laissé le champ libre au leader de Pastef, Ousmane Sonko, afin qu’il joue son jeu. Idrissa Seck ne pouvait faire autrement que de se soumettre et d’essayer de redorer son blason tâché par son passé notamment ses retrouvailles avec Me Abdoulaye Wade en 2009, ses échecs en 2007 et 2012, mais également ses sorties malheureuses sur la religion avec le fameux « Bakka et Makka ». le président du conseil départemental de Thiès subissait «également une crise interne provoquée par une incompatibilité d’humeur et une série d’apostasies qui poussaient certains de ses plus proches collaborateurs à le quitter. Il devait ainsi tout faire pour arrêter l’hémorragie et cicatriser la plaie. Aphone pendant longtemps, Idrissa Seck était même annoncé politiquement mort ». Mais, pour le professeur Moussa Diaw, enseignant chercheur en politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, il n’y a pas de mort en politique. les gens rebondissent, selon lui, en fonction des circonstances, « en fonction des rapports de force et en effort personnel ». Idrissa Seck a donc, à l’en croire, « dû user de ses nombreux atouts pour rebondir politiquement et tourner la page sur quelques erreurs notamment ses rapports avec Wade et l’utilisation de certains registres religieux ».
Selon le professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, « il regarde maintenant devant lui, considère l’avenir en pensant aux jeunes, aux critiques qui ont été formulées contre lui. Et, surtout, en étant attentif à l’endroit des citoyens sénégalais », explique-t-il. pour son collègue de la même université, Maurice Soudieck Dione, Idrissa Seck s’est repositionné « parce qu’il a une longue expérience politique, une expérience de la gestion de l’Etat même si il a eu des difficultés politiques ». D’après cet universitaire, c’était prévisible que des forces politiques significatives convergent vers Idrissa Seck. Parce que, fondamentalement, explique-t-il, « il y a les membres du C25 qui estiment que la façon dont le président Sall gouverne ce pays ne leur convient pas. Et tous ces frustrés, les recalés du parrainage, tous ceux dont les droits politiques n’ont pas été respectés, tous ceux qui estiment que le pays n’a pas été conduit comme il le fallait, etc., peuvent fédérer leurs forces dans le sens de soutenir Idrissa Seck. C’est une évidence politique parce qu’il est aujourd’hui le mieux positionné pour inquiéter le président sortant », pense Maurice Soudieck Dione.
Moussa Diaw, enseignant chercheur à l’Ugb : « Idy a joué de son expérience politique pour coiffer Ousmane Sonko au poteau »
Vraie bête de la politique, Idrissa Seck a pu toiser Ousmane Sonko qui, pourtant, était vu comme le principal challenger du candidat sortant, Macky Sall. d’après le professeur Moussa Diaw, Idrissa Seck a fait jouer son expérience et sa connaissance fine du système politique sénégalais pour s’imposer et dépasser Sonko. Politiquement, pense l’enseignant chercheur en politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Idrissa Seck est le mieux armé pour affronter Macky Sall parce qu’il comprend les enjeux politiques. dans le cadre de la communication, aussi, il n’y a pas, à en croire l’enseignant à l’Ugb Moussa Diaw, quelqu’un qui peut ravir au patron de Rewmi cette position première au sein de l’espace politique sénégalais. Autant de facteurs qui lui ont, selon notre interlocuteur, « permis de se rapprocher des différents leaders de l’Opposition. Idrissa Seck a su convaincre certains leaders en faisant profil bas et en montrant qu’il est ouvert à tout le monde ». Exit donc l’image d’arrogance qui lui a longtemps collé à la peau. et le professeur Diaw de renchérir : « Idrissa Seck est une bête politique. Il a côtoyé Wade qu’il connait bien et dont il maitrise les stratégies. Il a dû utiliser cela en jouant très finement sur ses relations humaines. Je pense que c’est cela qui a porté ses fruits. Ousmane Sonko, c’est sa jeunesse qui fait qu’il suscite quelques réserves, mais il a de l’avenir. Et on verra ce qu’il pèse au sein de l’espace politique sénégalais au terme de ces élections. » Mais, pour Maurice Soudieck Dione, Ousmane Sonko est un phénomène politique nouveau. «Il y a eu beaucoup d’agitations médiatiques sur lui, beaucoup d’agitations aussi au cours de scandales réels ou supposés. Mais aujourd’hui, on a comme l’impression qu’avec les démentis ou controverses, il a dû perdre un peu de sa superbe », pense le professeur Dione.
Maurice Soudieck Dione : « Si Idy parvient à enrôler Wade et à éviter une erreur de communication, il pourra amener Macky au second tour »
Ancien « patron » politique de Macky Sall dans la formation politique de leur père adoptif Abdoulaye Wade et son supérieur hiérarchique jusqu’en avril 2004, Idy semble aujourd’hui être porté par une forte dynamique politique. Ceci est dû, à en croire Moussa Diaw, au fait qu’aujourd’hui, les Sénégalais ont tendance à sanctionner des régimes et à adhérer à des projets. « Et la situation est aujourd’hui telle qu’on se dit que celui qui est le plus placé pour être dans cette logique de sanction du président en place, c’est Idrissa Seck. Il est en très bonne position puisqu’il a bénéficié du soutien de la plupart des leaders qui ont été recalés notamment Malick Gakou, Thierno Bocoum, Amsatou Sow Sidibé, Moustapha Mamba Guirassy, et qui se trouvent dans l’opposition pour renforcer sa coalition, l’élargir et mener la bataille pour les prochaines échéances qui nous attendent. Reste maintenant à connaître la position du chef charismatique Me Abdoulaye Wade. Que va-t-il faire ? Dans tous les cas, son soutien sera déterminant pour booster Idrissa Seck mais également lui donner l’espoir de conquérir le pouvoir », explique M. Diaw. L’ancien directeur du cabinet du président de la république puis premier ministre sous Abdoulaye Wade, se retrouve donc aujourd’hui dans une parfaite position de challenger du président en exercice et candidat à sa propre succession. pour le professeur Maurice Soudieck Dione, ce n’est que logique politique. Car, Idrissa Seck a d’abord eu la chance de regrouper la coalition Manko taxawu avec laquelle il était parti aux élections législatives de 2017.
Poursuivant, M. Dione estime que « tous les leaders recalés de Manko Taxawu peuvent donc retrouver Idrissa Seck en bonne logique pour aller ensemble en coalition. Après cela, je crois qu’il pourra également engranger davantage de suffrages si Me Abdoulaye Wade accepte de le soutenir. Et si c’est le cas, on va vers la reconstitution du Manko Wattu Sénégal originel qui avait éclaté suite à la brouille intervenue entre les partisans de Khalifa Sall et le Pds autour de la tête de liste. Le Pape du Sopi est très politique et réaliste. Donc, il risque de soutenir celui qui est le mieux positionné pour battre Macky Sall. Et celui qui se trouve dans cette position actuellement, c’est Idrissa Seck qui est aussi un membre de la famille libérale. Il a été également l’homme de confiance de Me Abdoulaye Wade. Et je pense que ce sont les conditions qui peuvent permettre d’aboutir à un accord politique qui va dans le sens de renforcer l’Etat de droit et de réparer les injustices qu’on a fait subir à Khalifa Ababacar Sall et Karim Meissa Wade. » Face à la situation politique actuelle, le professeur Dione pense que le scénario d’un deuxième tour est très possible pour Idrissa Seck. Mais, selon lui, tout dépendra de sa capacité de pouvoir mobiliser ses anciens partisans de Manko Wattu Sénégal et « ensuite voir comment il peut obtenir le soutien de Me Abdoulaye Wade ». S’il réussit à convaincre son ancien mentor et à condition de ne pas commettre d’erreur de communication durant la campagne électorale et dans le temps qui nous sépare de la campagne, Idrissa Seck, affirme-t-il, «pourrait être un sérieux challenger du président Macky Sall ». Mais, pour Moussa Diaw, quand on fait une analyse objective de la situation politique actuelle et compte-tenu des rapports de force, compte-tenu de l’état de l’opinion, il ne peut pas y avoir qu’un seul tour. « La realpolitik sénégalaise, il peut y avoir un second tour. Cela m’étonnerait qu’il n’y ait qu’un seul tour », confie sur un mode dubitatif l’enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis. le 24 février au soir, on sera édifié sur la justesse — ou la fausseté — de ce pronostic…