LE SOCIOLOGUE ALY KHOUDIA DIAW SUR LE DIVORCE AU SENEGAL : «LES JEUNES HOMMES ET FEMMES D’AUJOURD’HUI SONT TROP ARTIFICIELS ET TROP IRRESPONSABLES»
Sociologue de son état, Aly Khoudia Diaw est revenu largement sur le sujet du divorce au sein de la société sénégalaise. Et il ne manque pas d’emblée de relever que, «les jeunes hommes et jeunes femmes d’aujourd’hui sont trop artificiels, trop élémentaires, trop banals et conséquemment trop irresponsables».
De manière générale, le divorce traduit la rupture de liens conjugaux entre deux parties qui l’avaient anciennement contractés et le plus souvent encadrés ou non par la loi. Dans l’un comme dans l’autre, c’est une situation difficile, surtout s’il y’a une progéniture et aussi surtout si la justice s’en mêle.
Ce constat fait, le sociologue Aly Khoudia Diaw passe la société sénégalaise sur le divan sur cette problématique du divorce et souligne : «Vous pourrez avoir des points de vue importants sur les causes du divorce, car il y a plusieurs facteurs explicatifs possibles. On vous parlera des causes économiques et financières résumées sous le vocable de ‘défaut d’entretien’. On vous parlera des violences conjugales physiques, psychologiques ou même symboliques. On vous parlera d’incompatibilité d’humeur, etc».
«Mais le plus important, dit-il, c’est qu’il faut noter que les temps changent, les mentalités changent, les perceptions changent et in fine, il y a une transformation structurelle de la société sénégalaise dans son mode de penser, d’agir et de sentir. Les hommes et les femmes d’aujourd’hui sont trop artificiels, trop élémentaires, trop banals et conséquemment trop irresponsables. Partager la vie d’une personne n’est pas facile si dès l’origine, on a des visées mercantilistes».
Pour le sociologue, «les mariages ne se passent pas bien, car les femmes pensent qu’elles doivent totalement être prises en charge sur tous les plans, ce qui est difficile de nos jours. Car la conjoncture économique fait que les moyens sont limités et ne suivent que très peu. Les hommes pensent que la femme doit être une esclave à la maison, femme au foyer, soumise et docile au bon plaisir des hommes, alors que la société revendique une responsabilité plus accrue des femmes dans les sphères de prises de décisions, dans la parité qu’il faudra différencier de l’égalité».
«Hommes et femmes ont la même perception du mariage : la recherche du plaisir, de l’argent et des biens matériels»
«Mais, estime-t-il, surtout nous vivons dans une société ou hommes et femmes sont d’égale dignité et doivent pouvoir construire quelque chose ensemble. Le manque de ressources financières est devenue la principale cause de divorce au Sénégal. Il y a ensuite la préparation à assumer des responsabilités de mari et d’épouse qui fait défaut. Il y a l’absence d’une symbiose sexuelle dans le couple qui peut aboutir au divorce. Bref, beaucoup d’aspects psychosociologiques qui entrent en jeu quand on parle de divorce».
«Les femmes sont les plus fragiles après un divorce. Car la société considère qu’elles ont toujours tort et elles trouvent difficilement un second mari à cause des enfants qu’elles traînent avec elles et qu’aucun homme ne voudrait prendre en charge. Elles sont vite considérées comme une proie facile et sont objet de convoitises sexuelles et non pas d’une relation sérieuse. De nos jours, il semble qu’hommes et femmes ont la même perception du mariage. C’est-à-dire la recherche du plaisir, du bonheur, de l’argent et des biens matériels. De belles et bonnes femmes avec de la fesse de qualité qui nous rapprochent du paradis. Bref, une vie exclusivement orientée vers le bonheur éternel. Ce qui en soit, est impossible », psychanalyse-t-il.
Aussi, le Docteur Aly Khoudia Diaw préconise- t-il un style de vie simple : «Eduquons nous, éduquons nos enfants, futurs responsables. Et parlons mariage et responsabilités à nos frères et soeurs. Mais surtout, parlons sacrifice et patience à nos enfants pour qu’ils sachent que le mariage est sacré»
CE QUE L’ISLAM DIT SUR LE DIVORCE, SELON L’IMAM FAYE
Imam de la mosquée de la Patte d’Oie Builders, Cheikh Ahmed Tidiane Faye decline les directives de la religion musulmane à propos du divorce. Une question qu’il analyse sous le prisme des recommandations divines du Coran, de la Sunnah du Prophète et de la Charia. «’Lo guiss mu jud, dina dé’ (tout ce qui vit mourra). Donc s’il y a un mariage célébré, forcément il y a lieu de penser qu’il y aura divorce. Il y a une sourate spéciale que le Bon Dieu a révélée en ce qui concerne le divorce. Cette sourate s’appelle ‘Souratul Talah’. Dieu a dit:’ Quand une personne divorce de sa femme, il faut faire de telle sorte que la personne fait en dehors de chez lui, le ‘Ida’ (trois mois d’abstinence), de préférence le faire chez soi». Voilà ce que souligne d’emblée l’imam Cheikh Ahmed Tidiane Faye, imam de la mosquée de la Patte d’Oie Builders. Il poursuit en expliquant que la règle en islam veut que, «si j’ai l’intention de divorcer avec ma femme, donc ‘idil et dabi’, c’est trois mois. Et dans ces trois mois, je dois tout faire pour ne pas avoir de rapport sexuel avec ma femme. Au-delà de ces trois mois-là, si je suis sûr qu’elle ne porte pas de grossesse, pendant ce temps, je lui dirai, en présence de quelques témoins, que c’est fini pour nous deux».
La religion révèle qu’on ne doit pas divorcer avec sa femme et la faire sortir de la maison tant que son «Ida», ne s’est pas achevé, renseigne l’imam Faye qui ne manque par de souligner qu’en plus, le mari doit donner à cette épouse en question, tous les jours, sa dépense quotidienne. «Mais l’homme ne fera rien sur le lit conjugal avec cette femme», précise-t-il.
ABBE ALFRED WALY SARR, RECTEUR DU GRAND SEMINAIRE LIBERMANN : «LE DIVORCE EST TOUJOURS AUX YEUX DE LA SAINTE EGLISE CATHOLIQUE UN DRAME»
Abbé Alfred Waly Sarr est le Recteur du grand séminaire Libermann. Appelé à livrer la position de l’Eglise catholique sur le divorce, il confie : «Le fait que le divorce soit de plus en plus accepté aujourd’hui, dans le monde en général et dans notre société sénégalaise en particulier, n’enlève en rien la réalité des choses : il s’agit toujours aux yeux de la sainte Eglise catholique d’un drame et d’un profond drame issu d’une rupture».
«L’Eglise n’admet pas le divorce dans un mariage valide, licite et consommé. C’est-à-dire, pour être simple, dans un mariage célébré convenablement en Eglise, devant Dieu et devant les hommes. De fait, dans notre foi et nos convictions chrétiennes, les fondamentaux du mariage, qu’il soit religieux ou civil, se résument dans un principe incontournable : l’amour. L’amour entre un homme et une femme, qui, librement et en toute conscience, sans conditions, sans réserves et pour toujours, se reçoivent et se donnent l’un à l’autre pour s’aimer fidèlement dans le bonheur comme dans les épreuves, tout au long de leur vie», explique-t-il.
Selon cet homme d’Eglise, «cette démarche humaine, le genre humain reconnaît de façon unanime, qu’elle tire son origine sinon de Dieu, du moins d’un mystère ou d’un ineffable. Car, il faut-il le rappeler avec le philosophe Blaise Pascal : ‘le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas’. Ce principe que nous retrouvons dans notre foi catholique, se traduit par la certitude que c’est Dieu qui est d’abord Amour. Et Il a permis à l’homme et à la femme, créés à son image et à sa ressemblance, de pouvoir conjuguer leur amour, inscrit par Dieu lui-même dans le coeur humain».
Par conséquence, estime-t-il: «Là où il est question d’amour et de charité, Dieu est présent. Car Il en est la source, le centre et la fin. Qui plus est, là où l’homme et la femme décident, en toute liberté et conscience, de se recevoir et de se donner dans l’amour, Dieu est témoin. Et quand Dieu dit ‘oui’, sa parole est effective, efficace et irrévocable (Is 55, 10-11) ; Ps 33,9)».
«Le divorce constitue une véritable gangrène de notre société»
Les chrétiens qui s’unissent devant le Christ, le jour de leur mariage à l’Eglise, sont certains que c’est le Christ, Dieu, qui les unit dans le Sacrement (Signe visible et efficace de la présence du Christ) du Mariage. Et comme les liens de Dieu sont définitifs, eh bien, «ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare pas (Mt 19, 6)», ajoute Abbé Alfred Waly Sarr. «Il y a, c’est vrai, beaucoup de raisons subjectives évoquées aux fins de justifier aujourd’hui le divorce. Notamment l’incompatibilité d’humeur, la trahison, l’adultère, la stérilité d’un conjoint, etc. Je voudrais bien les respecter, mais ces convictions personnelles ne sauraient en rien infirmer ou annihiler les valeurs objectives, religieuses comme culturelles, qui encadrent fondamentalement le mariage et qui doivent nous rester précieuses. Le divorce constitue, en effet, une véritable gangrène de notre société», soutient- il.
Et le religieux de dire : «Que penser de ces hommes et femmes psychologiquement atteints par la séparation et qui aujourd’hui ont sombré dans le laisser-aller, dans le libertinage sexuel, l’alcool, la drogue, etc. ? Que dire des enfants victimes de toutes sortes de traumatismes psychosomatiques et dont l’avenir affectif et social est compromis ? Retenons avec le compositeur d’un tube zook love que : ‘quand on a des enfants, faut pas divorcer ! Quand on a des enfants il faut conjuguer !’. En cette année jubilaire de la Miséricorde, faisons de la miséricorde le remède contre la maladie du divorce. A tous ceux qui seraient tentés de divorcer, je conseille vivement de lire l’Encyclique ‘Amoris laetitia’ (La joie de l’Amour) de sa sainteté le Pape François».