Depuis 2012, le chef de l’État s’est entretenu à 32 reprises avec deux journalistes qui publient un livre rassemblant l’ensemble de ses confidences. Le bilan du quinquennat, Valls, Macron, Sarkozy, 2017… Tout y passe.
Rarement un chef de l’État encore en exercice ne s’était autant confié sur sa propre action. Depuis son arrivée à l’Élysée, François Hollande, dont l’appétence pour la presse est connue, a reçu à 32 reprises les journalistes Antonin André et Karim Rissouli, qui publient cette semaine Conversations privées avec le président (Éditions Albin Michel). Des extraits sont publiés dans Le point. Tous les sujets y passent.
● La difficulté de la tâche
«C’est dur, bien sûr que c’est dur. C’est beaucoup plus dur que ce que j’avais imaginé», n’hésite pas à admettre François Hollande. «J’ai été élu mais dans le regard de beaucoup de Français, je ne l’étais pas devenu», complète-t-il avant d’estimer que c’est après les attentats de janvier 2015 qu’il est «devenu le président dans le regard de beaucoup de gens». «J’ai appris, dans ce moment, sur le fonctionnement du gouvernement», raconte le chef de l’État. Aujourd’hui, dit-il, «je suis regardé comme le président d’une belle France».
● La postérité
François Hollande est attentif à ne pas être oublié par l’histoire. «Le drame, c’est quand vous laissez la place et que vos traces sur le sable s’effacent d’elles-mêmes» «Moi j’ai réglé cette question: le Mali, la réponse aux attentats de janvier, le mariage pour tous, la loi Macron… Une fois qu’on a réglé cette question, on peut tout faire pour poursuivre», ajoute-t-il.
● Le chômage: «Je n’ai pas eu de bol»
C’est l’une de ses promesses qu’il a peiné à réaliser. La fameuse inversion de la courbe du chômage, à laquelle une nouvelle candidature est conditionnée, a été son boulet. «L’erreur c’est d’avoir fixé l’échéance “avant la fin de l’année” comme point d’arrivée». «J’ai fait cette annonce de l’inversion de la courbe du chômage parce que je croyais encore que la croissance serait de 0,7/0,8. Elle sera finalement de 0,1 ou 0,2. Puis j’ai répété cet engagement lors des vœux le 31 décembre 2012. J’ai eu tort», analyse le président. À l’image d’un joueur de poker, il lâche: «Je n’ai pas eu de bol! En même temps, j’aurais pu gagner. Mais ça n’aurait rien changé parce que les gens sont lucides, ils savent que ce n’est pas sur un mois que ça se joue». Aujourd’hui, il tente de se rassurer: «On n’élit pas un président sur “il a fait un peu plus ou un peu moins de chômage”».
● Manuel Valls, «victime de sa communication»
«Franchement, Valls aura démontré, quel que soit le résultat de la présidentielle, qu’il a été à la hauteur pendant trois ans». François Hollande ne regrette pas de l’avoir nommé à Matignon. Toutefois, il remarque un faux pas de son premier ministre sur la loi travail. «Le passage en force (via l’article 49-3, NDLR) ce n’est pas ma méthode. C’est celle de Manuel Valls qui souligne qu’il “tiendra bon”. C’est l’erreur majeure de communication, qui crée le désordre. “S’ils veulent passer ainsi, c’est qu’il y a un mauvais coup”, c’est en substance ce que les parlementaires de la majorité redoutent. Manuel Valls ne s’est pas rendu service en faisant cela, il s’est contraint à jouer la concertation. Il est victime de sa communication», tance le président de la République.
Pour lui, Manuel Valls fait une erreur quand il «pense que le débat est entre deux gauches». «Il n’y a pas eu de communication à l’égard des Français, il y a eu une communication d’une partie de la gauche contre une autre partie de la gauche. Pour résumer: Manuel Valls contre Martine Aubry. Ça ne permet pas d’éclairer ce que l’on fait», se désole François Hollande.
● Les avertissements à Macron
La rivalité entre le ministre de l’Économie et le premier ministre est connue. Pour François Hollande «ils ne sont pas concurrents contrairement à ce que certains peuvent penser». Valls, dit-il, «est celui qui a la plus grande expérience politique». «Je ne sais pas ce que seront leurs vies dans les prochaines années, mais ils ne seront pas sur le même espace», estime-t-il. Son ministre, il le présente comme «un garçon gentil», «simple», «de gauche», «qui a accepté de diviser son salaire par dix en venant travailler à l’Élysée avec moi». Il s’agace toutefois de certaines sorties médiatiques d’Emmanuel Macron. Notamment lorsque celui-ci a dit ne pas être «l’obligé» du président. «Cette interview au Dauphiné libéré, ça ne va pas», lui a-t-il dit. «Concernant ses propos répétés sur les “erreurs du début du quinquennat”, le côté “on n’a pas été assez loin”, là aussi il doit faire attention (…) Dans une bataille qui s’ouvre si on met davantage l’accent sur les regrets et les erreurs que sur les audaces et les réussites, vous ne pouvez pas tenir, vous donnez des arguments à l’opposition», corrige François Hollande.
● Une pièce sur Sarkozy
Le président de la République s’intéresse de près à la primaire à droite. Et il parie sur Nicolas Sarkozy: «Je ne vois pas bien comment ils pourront l’en empêcher». «Ce que les Français attendent, c’est du neuf. Du neuf avec des vieux, pourquoi pas? C’est ce qu’espère Juppé», moque-t-il.