Le climat politique au Sénégal est turbulent pour l’ancien président Macky Sall et son entourage, après la perte des élections présidentielles de mars 2024 et des législatives du 17 novembre. Le parti PASTEF, aujourd’hui aux commandes, a décidé de mener une enquête approfondie sur ce qu’il qualifie de « période sombre » dans l’histoire politique du pays, couvrant les années 2021 à 2024. Pour cela, une institution rarement sollicitée, la Haute Cour de Justice, a été installée par 140 députés le samedi dernier.
Ce tribunal exceptionnel vise à éclaircir des dossiers délicats, tels que les 80 morts enregistrés pendant les manifestations de mars 2021 et juin 2023, les détournements présumés de fonds liés à la gestion de la pandémie de Covid-19, et d’autres irrégularités en matière foncière et de ressources naturelles. Ainsi, cette juridiction pourrait pour la première fois juger un ancien chef d’État, en l’occurrence Macky Sall, une perspective qui suscite de nombreuses interrogations quant à sa légitimité et son indépendance.
Dans un entretien accordé au Soleil Digital, Aminata Touré, ex-alliée politique, a déjà exprimé ses intentions claires : « Il est le principal responsable des événements qui ont coûté la vie à des Sénégalais […] pour cela, il devrait être poursuivi par la Haute Cour de Justice ». Des accusations qui ont été réitérées par Fadilou Keïta, un influent membre de PASTEF, sur une télévision locale : « On a les moyens de lui faire payer ; on va lui faire payer ! [Il] a fait des choses extrêmement graves ». Toutefois, selon les dires de l’ancien ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, et comme rapporté par Sud Quotidien, la Constitution n’autorise un jugement que pour haute trahison, rendant ainsi cette poursuite juridiquement complexe.
Par ailleurs, l’enseignant-chercheur Mouhamadou Ngouda Mboup a souligné, dans un article repris par le magazine Jeune Afrique, le flou qui entoure la définition de la « haute trahison », notant que ni la Constitution ni la loi organique ne la précisent exactement. Les députés devront donc trancher.
La composition de cette Haute Cour de Justice, régie par la Constitution et la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002, comprend des membres titulaires et suppléants élus par l’Assemblée nationale, dont Alioune Ndao, Ramatoulaye Bodian, et plusieurs autres, élus à une écrasante majorité.
Pour Sud Quotidien, cette initiative de création de la Haute Cour de Justice réactualise une période de l’histoire sénégalaise, où la traque des biens supposés mal acquis, sous Macky Sall en 2012, avait déjà fait couler beaucoup d’encre avec les affaires Karim Wade et son exil à Doha.