Hadjibou Soumaré défraie la chronique depuis qu’il a jeté un pavé dans la mare: insinuer, à travers une question, que Macky Sall, président du Sénégal, a remis 12 millions d’euros à Marine Le Pen, figure de l’extrême droite, principale opposante au président français, Emmanuel Macron.
Ce coup de sang, inattendu de la part d’un homme qui fut élevé à la dignité de Premier ministre de la République du Sénégal, est un symptôme: a-t-il brutalement piqué le virus de la sonkolite, du nom de cette maladie aiguë du déballage tous azimuts au service d’objectifs politiques ?
Le plus illustre sujet de cette pathologie est passé, telle une météorite, du statut d’anonyme inspecteur des impôts et domaines à celui d’opposant numéro un au régime à force de conférences de presse, de livres, de lives sur Internet… dans lesquels il a sorti les cafards de tous et extrait les cadavres de tous les placards… Mais également mis sur la place publique des dossiers dans lesquels il était lui-même impliqué, telle cette fameuse affaire des 94 milliards dans laquelle il était partie prenante en tant que démarcheur malheureux en faveur de son cabinet fiscal.
À la différence d’Ousmane Sonko, toutefois, Hadjibou Soumaré n’est pas neuf au moment où il attrape la maladie. C’est un produit du « système » dans lequel il a laissé des traces de son passage à la tête du ministère du Budget et de la primature. Cette partie de son parcours l’astreint plus sévèrement à l’obligation de réserve. Il ne pourra donc jamais parfaire l’exercice de Sonko qui, au sommet de son art, a pu tenir des conférences de presse épisodiques sur des dossiers domaniaux et fiscaux, écrire un livre sur des malversations présumées autour du pétrole, prononcer des discours, y compris à propos d’attributions foncières sur des sites sensibles et même d’achats d’armes destinées aux forces de défense et de sécurité.
Et puis, la sonkolite est étrangère à la culture du grand commis de l’Etat Soumaré formaté dans le culte du secret. S’il est inadapté au pedigree de cet ancien Premier ministre, le déballage est toute une civilisation à Pastef, un virus qui a contaminé l’homo pastefensis global. Lequel déballe tout ce qu’il sait de l’adversaire et invente à son propos ce qui n’existe pas. Le tout est de le discréditer, quelle qu’en soit la méthode.
La sonkolite a pu ravager le champ politique parce que le pouvoir de Macky Sall applique une mauvaise thérapie à cette maladie. La radiation de la Fonction publique de Sonko a consisté à administrer de la morphine pour calmer une douleur bénigne de dent.
De la même façon, la réponse adaptée à Hadjibou Soumaré n’est pas ce communiqué gouvernemental bourré de menaces. Les seules représailles qui vaillent sont une réplique qui rétablit les faits dans leur vérité et la dénonciation du déballage comme mode d’action dans une société politique civilisée.
Un diagnostic serré du patient Hadjibou Soumaré permet de soupçonner chez lui des indices d’un dangereux variant de la sonkolite: l’accusation sans preuve.
Si Soumaré a des éléments de nature à documenter les faits gravissimes qu’il a insinués, il doit, dans l’intérêt supérieur du pays, les publier.
Ce personnage respectable de notre espace public doit, à tout prix, éviter de tomber dans ce travers de la maladie qui a consisté, pour son devancier, appelé à fournir la preuve d’une grave accusation contre Mame Mbaye Niang, à répondre qu’il a parlé sur la base d’une lecture sur… Internet !
Cheikh Yérim Seck