Grâce à ses saillies et à ses analyses bien senties, Habib Beye, ancien capitaine de l’OM, s’est révélé cette année au sein du « Canal Football Club ». Rencontre avec un perfectionniste.
On vous présente comme le meilleur consultant foot du moment. Comment l’expliquez-vous ?
J’argumente toutes mes critiques, rien n’est gratuit. C’est ce qui fait ma légitimité, plus que d’avoir été joueur de foot – ce qui ne suffit pas pour être un bon consultant. Et puis sans doute que j’incarne un petit vent de fraîcheur, cela joue en ma faveur. Mais je sais qu’un consultant devient clivant avec le temps et que les téléspectateurs ne voient plus que ses défauts. C’est comme un coach qui passe dix ans dans un club : les trois premières années, il est génial ; les trois suivantes, il est « bon mais sans plus » ; et à la fin on dit « allez ouste du balai ». Je devrai me renouveler tout en gardant mon style.
Olivier Dacourt, votre collègue du « CFC », nous racontait récemment combien il était difficile d’être pertinent à chaque débat. Comment y parvenez-vous ?
Dans une machine aussi bien huilée que le « CFC », il faut être punchy ! Et puis c’est un métier à part entière : une vanne ou une pirouette, cela ne suffit pas. Pour chaque sujet abordé, j’arrive avec plusieurs cordes à mon arc : une idée forte mais aussi d’autres billes et une vision différente pour enrichir ou nuancer l’avis d’un autre consultant.
Vous répétez en fait ?
Dans ma voiture, en allant à Canal, je me construis un dialogue avec un mec imaginaire (rires). Je mime une question d’Hervé Mathoux (le présentateur, ndlr) ou la réaction d’un intervenant et je réponds comme si j’y étais.
Mais vous le faites à haute voix, tout seul, au volant ?!
Je vais passer pour un dingue, mais oui ! C’est pour cela que j’ai une forme de fluidité en plateau : ce n’est pas du mot pour mot hein, mais j’ai des éléments de réponse là (il pointe son crâne du doigt). Je suis comme un politique qui vient avec son discours écrit et préparé mais qui ne repose plus les yeux dessus une fois en situation.
Vous étiez encore joueur il y a cinq ans. La jeune génération de footballeurs est-elle aussi déconnectée de la réalité qu’on le dit ?
On a toujours dit ça des footeux… Je ne suis pas forcément d’accord. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a une vraie éducation à leur apporter pour les faire sortir de leur milieu. Un footeux vit en vase clos pendant quinze ans, on lui porte son sac, ses chaussures. J’ai la chance d’avoir une femme qui a des centres d’intérêt différents des miens. Elle me poussait à aller dans des vernissages par exemple. Ce n’était pas ma came, et ça ne l’est toujours pas, mais cela a le mérite de te faire rencontrer des gens qui te font voir le monde autrement. En sortant de l’entraînement, un joueur doit s’intéresser à autre chose qu’au foot. Quand tu arrêtes, c’est ce qui fait ta richesse.
On vous imagine assez bien endosser le costume de dirigeant d’un club français. Quelle serait votre première mesure forte ?
Je travaillerais sur l’image des joueurs. D’abord, j’interdirais le combo jogging-casquette. Et je leur dirais : « En public, donc dès que les caméras sont braquées sur vous, vous m’enlevez les casques sur les oreilles, les casquettes de travers, les chewing-gums dans le bec et les pantalons mi-fesses. » Je l’ai sans doute moi-même déjà fait, donc je ne les condamne pas. Mais j’aurais aimé qu’un mec me dise : « Habib, ta dégaine, là… » Quand ces mêmes joueurs vont à l’étranger, ils se plient sans problème au dress code qui est imposé. Ça peut donc très bien se faire en France !
source : gqmagazine.fr