Consultant du football, Habib Béye sera au cœur du dispositif qui a été mis en place par la Chaine Canal+, pour vivre l’intégralité de la Coupe du monde. En compagnie de son coéquipier Diomansy Kamara, l’ancien international sénégalais a profité du lancement de cet événement footballistique pour décrypter l’actualité de l’équipe du Sénégal en direction de cette Coupe du monde. Le sélectionneur Aliou Cissé est t-il sur la bonne voie à quelques heures de avant dernier match de préparation contre la Croatie ? Qu’attend-t-on de Sadio Mané considéré comme le leader technique des Lions ? Autant d’interrogations que le consultant a recueillies pour donner un avis d’expert.
«J’entends dire que Sadio Mané doit être le dépositaire de notre équipe, c’est notre leader technique. Je n’ai rien contre cela. Il faut rappeler qu’en 2002, El Hadji Diouf était le meilleur joueur de l’équipe du Sénégal, mais il n’était en aucun moment le dépositaire de cette équipe. Il était celui qui arrivait à la fin d’un travail collectif. Bruno Metsu ne lui avait jamais dit que c’est toi qui vas faire gagner l’équipe. Il y avait un travail à faire. Il y a des milieux de terrain qui travaillaient, des défenseurs qui étaient très forts. Il y avait Khalilou Fadiga qui était, je pense, le dépositaire du jeu de notre équipe de 2002. El Hadji Diouf profitait avec son talent, avec sa vista, il a brillé. Mais les Salif Diao, Fadiga, Pape Bouba Diop, incarnaient la force de cette équipe. Sadio Mané est le leader technique de l’équipe. Guider une équipe, cela ne veut pas dire prendre toute la responsabilité du jeu de celle-ci. Il est au service d’un collectif qui doit magnifier son talent. Il faut enlever à Sadio Mané une certaine pression. Contrairement à El Hadji Diouf, il a besoin de peu de pression pour avancer. Il n’a pas encore été niveau comme on l’attend à Liverpool, mais c’est normal. Lionel Messi n’a pas le même rendement qu’il a avec le Barça. J’ai une bonne confiance au Sénégal et à Sadio Mané qui vient de terminer une saison fantastique. Il respire le football par l’aisance technique qu’il dégage sur le terrain
….IL FAUT UN PEU LE DERESPONSABILISER
Je crois qu’il faut déresponsabiliser un peu Sadio Mané. Il ne faut lui dire que c’est toi qui dois amener l’équipe au plus haut niveau. Si on voit Lionel Messi, c’est le meilleur joueur au monde avec Christiano Ronaldo. Mais avec l’équipe d’Argentine, il éprouve des difficultés parce que l’on met tout dans ses pieds. On lui dit que c’est toi qui vas faire gagner la Coupe du monde à l’Argentine. Pourquoi, cela ne fonctionne pas ? Parce que le collectif autour de lui, est presque en attente de l’exploit de Lionel Messi. Je pense que le collectif doit être la star. Il ne faut trop demander à Sadio Mané. C’est quelqu’un d’introverti et pas quelqu’un qui pousse un coup de gueule. Il fait briller l’équipe par son rendement individuel. Si j’étais son entraineur, je lui aurais dit, tu connais tes qualités, exprimes les comme tu le fais à Liverpool. Jurgen Klopp a été très intelligent. Il lui donne beaucoup de liberté mais l’équipe repose plus sur Mohamed Salah, Firminio. Lui mettre trop de pression nuit à son rendement
KARA MBODJI TENIR 90 MINUTES ?
«Il va falloir voir dans quel état physique oùi il (Kara Mbodji, Ndlr) se trouve. Maintenant tout dépend du choix d’Aliou Cissé. La complémentarité entre Kalidou Koulibaly et Kara Mbodji a été bonne. Le problème est de savoir dans quel état physique il se trouve. Je ne sais pas si Kara Mbodji est capable d’enchaîner un match de 90 minutes de très haut niveau. Quand vous entrez en Coupe du monde, vous ne pouvez pas vous permettre d’être à 50% de vos moyens parce que la Coupe du monde est une compétition très difficile. Lorsque vous n’avez pas joué depuis cinq mois, vous manquez de fond. On a vu que Kara Mbodji a un jeu basé sur l’impact physique, il dégage la force dans cette défense, dans les duels aériens, sa présence. Maintenant si Aliou Cissé, voit en Kara, la possibilité de tenir son poste et de faire ce qu’il faisait avec Koulibaly, il n’ y a pas de raisons qu’il ne soit pas titulaire
IL FAUT SOUTENIR ALIOU CISSE
Si vous êtes sélectionneur, la critique fait partie de votre travail. Si vous n’êtes pas prêt à l’accepter, il ne faut pas faire le travail. Aliou Cissé l’a très bien compris. Certains de la génération 2002 m’ont tapé sur les doigts lorsque j’ai dit que la génération 2002 n’avait rien gagné. Ce n’était pas pour minimiser ce que l’on avait réalisé parce que c’est énorme. On est partie en quart de finale de la Coupe du monde pour une première participation. On était aussi en finale de Coupe d’Afrique, mais il ne faut pas oublier que les émotions que cela nous a procurées ? C’est très bon, c’est magnifique parce que on en parle tous. Mais il ne faut pas oublier que le trophée africain est au Cameroun, il n’est pas au Sénégal. Pour la Coupe du monde 2002, il est au Brésil. Les émotions c’est très bien mais on retiendra ceux qui ont gagné. C’est bien les émotions mais l’objectif pour Aliou Cissé est de gagner et gagner à sa façon. Il ne peut pas gagner avec les idées des autres, de Diomassy ou d’Habib Béye. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas apprendre de nous tous mais quand il coache une équipe, il vient avec ses idées. Ces idées le font gagner ou pas. En ce moment là où il viendra rendre les clefs de la sélection, il dira mon bilan c’est cela, on sera alors en mesure d’analyser et de juger son bilan. Critiquer Aliou Cissé sur ce qu’il a réalisé jusque maintenant. C’est vrai ce n’est pas la sélection sénégalaise la plus flamboyante mais ce que l’on peut dire est qu’elle a été invaincue en qualifications. On était à la Coupe du monde en 2002. En 2006, 2010, 2014, on s’est raté. Et on y est en 2018. Il faut féliciter le parcours d’Aliou Cissé pour être à cette Coupe du monde et nous procurer éventuellement des émotions. Aliou Cissé a très bien compris que son métier de sélectionneur était bien difficile. Il avance avec ses idées et il faut le soutenir. C’est un des nôtres et il a beaucoup apporté au football sénégalais
«ALIOU CISSE A UNE ANIMATION QUI LUI RESSEMBLE»
Aliou Cissé a une animation qui lui ressemble en tant que joueur. Moi j’aurais peut être une animation différente. Il faut dire que son animation a porté ses fruits car il a fini premier de son groupe. C’est une équipe qui ne marque pas assez de buts. On peut toujours remettre en question l’animation offensive, l’animation défensive mais ce qui est important c’est d’être derriére Aliou Cissé
«TROUVER UN EQUILIBRE ENTRE LA DEFENSE ET L’ATTAQUE QUI REGORGE DE TALENTS»
Il faudra essayer de trouver un équilibre entre la défense et l’attaque qui regorge de talents. Il faudra faire briller les Sadio Mané, Diao, Baldé Keita, les Ismaila Sarr, Mbaye Niang. Il faut qu’il y ait une bonne balance entre cette défense et cette attaque. Partir avec une défense aussi solide dans une compétition aussi dure à la Coupe du monde, est un élement très positif. C’est impossible de tout gagner. Lors qu’on entend un entraineur dire qu’il veux terminer premier de sa poule, c’est normal, c’est ambitieux. C’est surtout la marque d’une détermination sans faille, de son management et de son idée de la compétition
«NOUVEAU SYSTEME DANS LES MATCHS DE PREPARATION»
«Contre la Croatie, on attend qu’il ait du spectacle. Il faut comprendre qu’Aliou Cissé est dans un cheminement pour amener son équipe à 200% le jour du match contre la Pologne. J’ai été surpris des critiques lorsqu’Aliou Cissé a démarré avec trois défenseurs contre la Bosnie. On a dit pourquoi, il utilise un nouveau système. Je pense que c’est une bonne chose d’utilser de bouveau système dans les matchs de préparation, d’essayer de juger de voir si elle est capable de jouer avec ce système. Les matchs amicaux sont faits pour ça. Si on attend ces matchs pour faire du spectacle et vous allez dans les grandes compétitions et sortir au premier tour, les gens vont dire que vous n’avez pas testé tel ou tel système. Un entraineur doit prendre tous les paramètres en compte. Il va jouer en Coupe du monde avec trois styles différents. Il s’agissait pour Aliou de voir comment son équipe va se comporter avec ces trois styles et de voir quelle est la meilleure solution. Je suis étonné de voir ici ou en Europe, juger Aliou Cissé sur ses choix ou sur sa façon de manager son équipe
«LE SENEGAL N’A RIEN A ENVIER A LA POLOGNE, A LA COLOIMBIE ET AU JAPON»
Si vous êtes dans le côté défaitiste pas sûr de vous, vous ne pouvez pas envoyer un signal positif à votre équipe. Le rôle d’un sélectionneur est de donner beaucoup de confiance. Prétendre être premier dans un groupe composé de la Pologne, de la Colombie et du Japon, ce n’est pas quelque chose de prétentieux, c’est quelque chose de réaliste. Bruno Metsu avait dit en 2002 que l’on avait toutes nos chances de battre la France. C’est ce que l’on a fait. Je crois que si vous ne croyez pas à votre rêve vous ne pouvez pas avancer. Continuer à rêver c’est ce qui nous permet d’avancer. Quand vous voyez cette équipe du Sénégal, je crois qu’il n’a rien à envier à la Pologne, à la Coloimbie et au Japon. Les ambitions de l’équipe est de finir premier»
«ALLER AU-DELA DES LIMITES IMPOSEES AUX EQUIPES AFRICAINES»
«Toutes les élections ont leurs chances. Il faut arriver à dépasser ce plafond de verre des quarts de finale d’une Coupe du monde. Quand une équipe africaine arrive à ce stade, on pense que l’on a réussi notre compétition. Il faut que l’on prenne conscience que l’on a l’opportunité, la capacité et la qualité sur le continent africain de bouleverser la hiérarchie mondiale. C’est très difficile mais le Ghana a failli aller en demi-finale en 2010. Il faudra aller au-delà des limites imposées aux équipes africaines. Si on arrive à dépasser cela mentalement, on aura l’opportunité d’aller très loin en Coupe du monde. Si on prend Sadio Mané, il a joué la finale de la Ligue des champions monde et a marqué. Il fait partie des meilleurs joueurs au monde. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Sadio et Salah ont marqué chacun 10 buts. Si on parle de Firminio qui a marqué 10 buts comme l’un des meilleurs, il faut aussi dire que le Sénégal a dans ses rangs l’un des meilleurs joueurs du monde. Je crois qu’en Coupe du monde, il n’y a aucune limite à se fixer».