Assiste-t-on à une évolution des prototypes conventionnels de l’habillement masculin ou était-ce une mode passagère ? Les commerçants rassurent, que cette mode est saisonnière et ne va pas durer.
C’est ignorer tout le maillage qui est tissé pour prendre aux pièges ces jeunes consommateurs de la mode libertine. Bien renseignés sur les tendances in, ils sont hypnotisés par le marketing lointain des séries télévisées étrangères. Après cette première stratégie, les défilés de mode enchaînent et les stars prennent le relais. La publicité par l’image est partout présente sur internet, à la télévision, les poursuivant jusque sur leurs cahiers et fournitures scolaires.
Si en sus de ce matraquage de consciences, les commerçants facilitent l’accès aux artifices en vogue, en inondant le marché avec cette production industrielle, on peut dire que le tour est joué. Le dernier acte du tableau est posé par le jeune : trouver coûte que coûte l’argent pour avoir le chic de ressembler à sa star préférée. Quand il a enfin mordu à l’hameçon de la mode, c’est une manne financière qui tombe dans ce business aux multiples acteurs. La mode se renouvelle, les marques fusent, les créateurs conçoivent, les jeunes se mettent tout le temps à la page et les commerçants s’en frottent les mains.
A Sandaga, les jeunes qui consomment cette mode en mutation, ont entre 15 et 21 ans (des ados et des «à peine majeure»). Pour la plupart, ce sont des fans du chanteur Waly Seck, qu’ils copient dans ses moindres extravagances. Ils se font appeler les «gouney Waly yé» (les enfants de Waly). Le rôle des stars dans les mouvements de la mode est incontestable. Si l’on peut comprendre, mais non excuser le manque de discernement de cette génération, il est plus difficile de concevoir la complicité d’acteurs responsables et matures dans la dépravation des mœurs. Ces commerçants, sont des pères de famille et éducateurs pour la plupart. La motivation d’un tel commerce qui conduit insidieusement à la dépravation des mœurs, est purement commerciale. Pour se disculper, ils disent se plier, à l’exigence des jeunes.
Et si dans un sursaut de patriotisme économique et culturel, les créateurs et les commerçants optaient pour une industrie vestimentaire made in Sénégal ? Les médias serviraient de relais de sensibilisation des jeunes quant à leur véritable identité. On cesserait de jeter nos devises au-delà de l’Atlantique. En attendant, les bateaux accostent, les conteneurs déchargent et les arrivages de fringues se renouvellent, mettant sur le rivage nos vraies valeurs au profit des fausses valeurs monnayables. Le vêtement vaut ce qu’il vaut. Il sert à cacher la nature et à protéger l’homme des intempéries. Mais il révèle en même temps sa seconde nature : la personnalité, le caractère, l’image de soi que l’on veut véhiculer, la condition sociale. Le bon sens veut qu’en société, les hommes s’habillent d’une manière et les femmes d’une autre.
Les habits nous donnent aussi une identité sociale. Si la personne qui délibérément et en toute connaissance de cause, affiche un look qui dit son état et ses choix sexistes, il s’agit d’une question de liberté, d’affirmation de soi. Si a contrario, celle-ci n’est pas dans un système de communication non verbal et se laisse séduire par cette esthétique et ce style non conforme, sombre dans cette mode, il y a là, manque de personnalité et de discernement. Il risque fort d’être précipité dans le système dont il se fait, à son insu, le porte-étendard. Il risque ainsi de se faire aborder et entraîner d’autant plus facilement que ceux-là sont pour lui des héros et des modèles, donc l’objet de son admiration.
Que la mode tende de plus en plus à effacer le distinguo homme-femme en féminisant le look des hommes est certain. Mais derrière ce flou, il y a un message à décrypter, un piège à éviter : l’ignorance qui mène les jeunes à un péril certain.
*Les enfants de Waly
Sud Quotiden