Le Président gambien Adama Barrow a tenté de circonscrire les dégâts à quelques semaines des élections législatives gambiennes, en parlant de coalition « intelligente ». Mais les divergences se poursuivent dans la coalition qui l’a mené au pouvoir. Le ministre des Affaires étrangères, Ousseynou Darboe, leader de l’UDP, parti qui a porté la candidature du Président Barrow, a déclaré son intention d’aller aux élections législatives pour s’arroger une majorité. Selon ses explications, une coalition ne serait pas bénéfique pour lui, puisqu’elle affaiblirait son parti et à terme sa disparition.
Mais pour de nombreux observateurs, le vieux briscard, écarté du pouvoir par la limite d’âge imposée par Jammeh, rêve toujours de devenir président de la République. Ce qui passe avant tout par le contrôle de l’Assemblée nationale. Mais une telle manœuvre, qui a pour conséquence d’écarter des alliés stratégiques comme
le PPP de Kairaba Jawara, le PDOIS de Khalifa Sallah et le NRP d’Amadou Ba, installe déjà le pays le pays dans un climat de campagne électorale permanente et ravive déjà les sentiments ethniques dans ce fragile pays. Dès l’installation du nouveau régime, les partisans de Khalifa Salah, majoritairement d’ethnie wolof, ont dénoncé une mainmise des mandingues sur le Gouvernement, après le refus de leur leader de siéger dans le
Gouvernement. Il est vrai que l’avènement de Jammeh a été perçu comme une sorte de revanche des mandingues contre l’ethnie Joola, celle de Jammeh minoritaire.
Mais au rythme où vont les choses, c’est le parti de Yaya Jammeh qui risque de revenir en force aux prochaines élections, avec des ententes qui risquent de surprendre, avertissent de nombreux observateurs.
Les premières actions entreprises par le nouveau régime ont en effet été très décriées et fait beaucoup de déçus, notamment dans la Diaspora, fulminent certains de ses représentants les plus en vue. Il y a eu d’abord le tour de passepasse effectué pour contourner la Constitution, qui imposait une limitation d’âge pour la vice présidente,
mais aussi l’élargissement de certains détenus pour en faire directement des ministres.
Ce qui donne l’impression d’un partage de gâteau au niveau de l’opinion gambienne. Sur les 48 membres de l’Assemblée nationale, cinq sont nommés par le Président de la République, les autres dans les circonscriptions de l’ensemble du pays. Le Parti du Président Jammeh, très présent et battu d’une courte tête par une large coalition,
compte sur cette division pour revenir en force. L’APRC du Président Jammeh, loin des querelles politiciennes sur fond d’accusations d’ethnicisme, est en train de préparer ses candidatures dans l’ensemble du pays et compte sur la difficulté qu’auront certains partis politiques, pourtant membres de la coalition, à trouver des candidats crédibles. C’est une des conséquences de la division de la majorité présidentielle. Au lendemain des élections législatives prévues le 6 avril prochain, certains ministres vont devoir quitter le Gouvernement, parce qu’ils auront certes joué un rôle majeur dans la défaite du dictateur Jammeh, mais ne représentent qu’eux mêmes. Mais auparavant, Adama Barrow devra d’abord faire face à une première équation : comment trouver une majorité stable à l’Assemblée nationale pour former un nouveau Gouvernement ?
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