François Fillon, super-menteur

Les nouvelles révélations du « Canard enchaîné » mettent en lumière les incohérences de la défense de François Fillon.

Et si, finalement, François Fillon était un chiraquien ? Le candidat des Républicains a revêtu ces derniers jours un des costumes de scène préférés de l’ex-président de la République : celui de super-menteur. François Fillon a beau dénoncer une opération de « calomnie » visant à abattre sa candidature, sur le fond, sa défense est calamiteuse. Aux accusations d’emplois fictifs, il répond par des approximations. Il travestit la chronologie. Même avec la meilleure volonté du monde, difficile de croire en sa version des faits, tant il s’embourbe.

Premier mensonge pour tenter de justifier les salaires perçus par sa femme Penelope avec de l’argent public :

« Ma femme travaille pour moi depuis toujours. Elle l’a fait bénévolement pendant des années. En 1997, j’ai un collaborateur parlementaire qui est parti, je l’ai remplacé par Penelope. » (TF1, jeudi 26 janvier)

François Fillon menace de poursuivre en diffamation ceux qui prétendront que Penelope ne travaillait pas. Mais va-t-il devoir attaquer son épouse elle-même ? Car au « Sunday Telegraph », le 20 mai 2007, alors qu’elle est censée être attachée parlementaire depuis deux décennies, elle raconte qu’elle vient de reprendre des études en littérature anglaise. Et elle déclare :

« J’ai pris conscience que mes enfants ne m’ont connue que dans le rôle de mère. Mais j’ai un diplôme de français, un certificat d’avocate. J’ai pensé : Regarde, je ne suis pas si bête. Cela va me remettre au travail, me faire réfléchir de nouveau… »

Un an plus tard, en juin 2008, elle est interrogée par France2 pour l’émission « A vous de juger ». Face caméra, elle dénie toute immixtion dans les affaires de son mari :

1997 ou 1988 ?

Dans la même phrase prononcée sur TF1, François Fillon date le début de la rémunération de Penelope à 1997. Le candidat se piège lui-même. Car une semaine plus tard, le « Canard » révèle que Penelope Fillon a aussi été rémunérée par son mari entre 1988 et 1990. « C’est en 1988, et jusqu’en 1990, que la Penny est embauchée une première fois par le jeune député de la Sarthe Fillon », écrit l’hebdomadaire, « lequel, pour l’époque, ne se montre pas pingre : pendant ces trois années injustement méconnues, son assistante inexpérimentée empoche, en francs, l’équivalents de 82.750 euros bruts ». Cela revient cher le « bénévolat »…

Pourquoi François Fillon n’a-t-il pas parlé de cette période ? Espérait-il que l’information ne sortirait pas ? Cette omission, en tout cas, affaiblit considérablement la crédibilité de sa défense.

Les enfants « qui étaient avocats »

Toujours sur TF1, François Fillon évoque une rémunération versée à deux de ses enfants :
« Lorsque j’étais sénateur, il m’est arrivé de rémunérer pour des missions précises deux de mes enfants qui étaient avocats, en raison de leur compétence. » (TF1, jeudi 26 janvier)

D’une part, les deux aînés de François Fillon, Marie et Charles, n’étaient pas encore « avocats » à l’époque où leur père siégeait au Sénat, entre 2005 et 2007. Ils poursuivaient leurs études. Ce sont deux étudiants que François Fillon a rémunéré pour la coquette somme de 3.373 euros, puis 3.814 euros bruts par mois pour Marie Fillon, et 4.846 euros par mois pour Charles Fillon.

D’autre part, le candidat des Républicains parle de rémunérations pour des  » missions précises ». Une version mise à mal par les informations du « Canard ». Les salaires correspondaient à des salaires à plein temps (alors même qu’ils suivaient des études de droit…), et de plus, les contrats se sont succédé : François Fillon a rémunéré sa fille dès le mois suivant son arrivée au Sénat, à partir du 1er octobre 2005, et jusqu’au 31 décembre 2006. Et dès le lendemain, le 1er janvier 2007, son frère Charles a pris sa suite. 84.000 euros au total, et toujours avec de l’argent public.

Le compte au Crédit agricole

« Nous n’avons rien à cacher, nous n’avons qu’un seul compte au Crédit agricole de Sablé. » (Meeting à la Villette, dimanche 29 janvier)

La formule est percutante. Prononcée en plein meeting, les applaudissements sont garantis. Mais elle est fausse. Comme l’a immédiatement relevé « Libération », un député est contraint de détenir au moins deux comptes, pour séparer le versement de son indemnité de frais de mandats. D’ailleurs, l’équipe de François Fillon a rapidement corrigé le tir, en reconnaissant auprès de « Libé » que le candidat avait « une seule banque, mais plusieurs comptes ». Le couple en aurait finalement une quinzaine :

Le départ de la « Revue des Deux Mondes »

« Elle a souhaité arrêter. Elle aurait aimé en faire plus, mais elle a bien senti l’hostilité du directeur de la revue. » (« Journal du Dimanche », 29 janvier)

Penelope Fillon n’est pas seulement soupçonnée d’avoir été rémunérée pour un emploi fictif de collaboratrice parlementaire. Elle est aussi mise en cause pour des salaires versés par la « Revue des Deux Mondes », pour un travail qui paraît tout aussi fictif. Une fois encore, les explications de François Fillon ne tiennent pas la route. Michel Crépu, ex-directeur de la revue, lui a répondu dans « le Canard enchaîné de ce mercredi » : « Je ne pouvais pas être hostile envers une salarié dont j’ignorais l’existence! »

Michel Crépu : « J’ai découvert comme vous l’existence de son poste »

Interrogé lors d’un déplacement mardi soir au sujet de la nouvelle salve de révélations du « Canard », François Fillon a refusé de répondre :

« La justice est saisie et j’ai confiance en la justice. Je ne m’exprimerai plus sur aucune des questions qui me sont posées. »

C’est peut-être plus prudent.

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