Au lendemain de la défaite électorale du 24 mars 2024, les langues continuent de se délier au sein de l’Alliance pour la République (Apr). Des actes forts sont également posés présageant une certaine dualité entre le candidat malheureux Amadou Ba, probable Chef de l’opposition, et le patron légitime de ladite formation politique, Macky Sall.
Dans la foulée de la proclamation des résultats officiels du scrutin du 24 mars dernier et l’installation du Président élu Bassirou Diomaye Faye à la tête du pays, l’on se penche sur l’avenir au sein du défunt régime. A travers une note, le chef de l’Etat sortant, Macky Sall, par ailleurs patron de l’Alliance pour la République (Apr), a clairement indiqué qu’il resterait à la tête de cette formation qu’il a portée sur les fonts baptismaux, en 2008. Il a aussi rappelé aux membres de l’Apr l’importance de rester unis et tournés vers l’avenir, malgré « les vicissitudes de la démocratie », soulignant également la nécessité d’être « vigilants et engagés lorsque les intérêts nationaux et le bien-être des citoyens sont en jeu ».
Vingt-quatre (24) heures plus tard, son dauphin et candidat malheureux, lui emboîte le pas. Dans une lettre ouverte, aux allures d’une réplique, Amadou Ba a, lui aussi, précisé que « plus d’un électeur sur trois a plébiscité » son « projet de paix pour une prospérité partagée », non sans annoncer son ambition d’élargir ledit projet à toutes les forces politiques et sociales qui partagent ses idéaux. « Ensemble, nous le ferons dans notre nouvelle posture d’opposition démocratique et républicaine, respectueuse des institutions, pour préparer les conquêtes prochaines, sur la voie du Sénégal réconcilié, prospère et juste qui demeure l’horizon de mon engagement », a notamment souligné l’ancien Premier ministre, qui dit enfin rester « résolument engagé et prêt à mener et gagner les batailles du futur ».
Deux sorties qui pourraient constituer les germes d’une crise au sein de l’ancien parti au pouvoir. En termes plus clairs, Amadou Ba, qui incarne aujourd’hui la posture du chef de l’opposition, pourrait être confronté à une dualité avec son ex-patron à la tête de la galaxie marron-beige. Et pour cause, Ba est arrivé deuxième avec un score de 35,79 % des voix, soit plus de 1 million 600 mille électeurs, alors que le troisième, Aliou Mamadou Dia du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), n’en a rassemblés qu’un peu plus de 120 mille (2,8 %).
Il faut également rappeler que lors de la dernière révision du processus électoral, les acteurs politiques avaient trouvé un consensus autour d’un projet de loi relatif au statut du chef de l’opposition. Ce texte, qui n’a pas été encore adopté, prévoit un certain nombre de privilèges pour le candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle qui incarne le statut de chef de l’opposition. Parmi ces privilèges, on peut citer, entre autres, le rang de président d’institution de la République, la protection diplomatique de sa personne et des ressources financières suffisantes.
L’article 11 de la loi précise également que son mandat « coïncide avec celui du président de la République » en exercice. Il perd ce statut, hormis la défaite électorale, en cas de démission, d’empêchement définitif ou de décès. Le parti politique qu’il représente désigne un successeur, conformément a? ses règles statutaires.
Élections législatives anticipées
Cette loi, si elle est adoptée, réglerait par ailleurs un cas de transhumance. Si elle reconnaît a? tout parti politique de l’opposition « le droit d’intégrer le gouvernement ou la majorité », elle souligne que dans ce cas, celui-ci « renonce a? sa qualité de parti de l’opposition et fait une déclaration publique », avec une copie de ladite déclaration qui est transmise sans délai au ministre en charge des élections (ministre de l’Intérieur).
Selon des informations obtenues auprès de proches de l’ancien directeur général des impôts et domaines, celui-ci songerait à démissionner de l’Apr. En tout état de cause, au sein de ladite formation politique, des responsables qui ont catégoriquement refusé de soutenir le candidat de la coalition Benno bokk yaakaar (Bby) lors de la précédente présidentielle, sont restés sur leur position. « Amadou Bâ sait parfaitement qu’il lui sera très difficile de réunir tous les responsables [de l’Apr] autour de lui. Même en présence de Macky Sall, notre patron à nous tous, il n’y arrivait pas, donc, je ne sais pas comment il pourra réussir ce pari », confie un haut cadre du parti de Macky Sall.
Et cette situation, Amadou Ba en est conscient. Il nous est parvenu qu’il est en train de « manœuvrer », car par « batailles du futur », dont il a fait mention dans sa lettre, M. Ba fait allusion aux probables élections législatives anticipées, qui sont la conséquence de la dissolution agitée de l’actuelle Assemblée nationale en septembre prochain. Il y a également les élections locales à venir dont l’enjeu fondamental pour lui, c’est d’avoir un maillage au niveau national en vue de « préserver et de consolider » les résultats acquis lors des dernières échéances.
Parallèlement, Macky Sall, qui n’a pas souhaité profiter de sa jeune retraite de chef de l’Etat après 12 ans passés à la tête du Sénégal, a déjà enfilé ses habits d’Envoyé spécial des 4P (Pacte de Paris pour les peuples et la planète). Sur proposition du président français, Emmanuel Macron, il a accepté ce poste pour aider à la mise en œuvre du Sommet de Paris pour un nouveau Pacte financier mondial pour les peuples et la planète (4P). La demande lui avait été soumise lors du Forum de Paris sur la paix qui s’est tenu les 10 et 11 novembre 2023 dans la capitale française.
Sur le plan diplomatique, le désormais ex-chef de l’Etat aura à porter des charges au niveau international. Se pose alors la question de savoir s’il aura le temps nécessaire pour mieux « contrôler » son parti et surtout « maîtriser » ses hommes déjà dans l’opposition ? On risque donc d’assister, dans les prochaines semaines, à une bataille pour le contrôle de cette formation politique.