Le roi Salmane d’Arabie saoudite a promu mercredi son jeune fils Mohammed prince héritier, confirmant son ascension dans un contexte de crise ouverte avec le Qatar et d’enlisement de la guerre au Yémen.
Selon un décret publié par l’agence officielle Spa, le souverain a évincé son neveu le prince héritier Mohammed ben Nayef, et nommé son fils Mohammed, 31 ans, héritier du trône.
Par cette décision, le roi a ouvert la voie à la deuxième génération des Al-Saoud pour accéder au trône de cette monarchie ultraconservatrice du Golfe et première puissance pétrolière mondiale.
Devenu l’homme fort du royaume après l’accession de son père au trône en janvier 2015, le jeune Mohammed ben Salmane confirme ainsi son ascension fulgurante depuis sa nomination comme ministre de la Défense.
Selon le décret royal, il devient également vice-Premier ministre.
En revanche, le prince Mohammed ben Nayef, pourtant apprécié en Occident pour son action contre les groupes extrémistes, a été évincé de toutes ses fonctions: outre celle de prince héritier, il était vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur.
A la tête de l’Intérieur, le prince Abdel Aziz ben Saoud le remplace.
Allégeance
Selon un haut responsable saoudien, l’ancien prince héritier a cautionné la nomination de son successeur dans une lettre écrite au roi Salmane.
La télévision d’Etat a diffusé des images montrant les deux hommes s’embrasser à la suite de l’annonce, faite avant l’aube alors que le mois sacré de jeûne musulman du ramadan tire vers sa fin.
L’ancien et le nouveau prince héritier ont eu alors un échange d’amabilités. « Je vais me reposer maintenant. Que Dieu t’aide », a lancé le prince Mohammed ben Nayef, auquel son successeur lui a répondu: « Que Dieu vous aide. Je ne me passerai jamais de vos conseils ».
Le souverain saoudien a invité les membres de la famille royale, les hauts responsables et les citoyens à se rassembler mercredi soir dans son palais de la Mecque, dans l’ouest du royaume, pour faire allégeance au nouveau prince héritier.
La cérémonie devra voir tout ce que l’Arabie saoudite compte comme dignitaires venir l’assurer de leur soutien.
Ayant la réputation d’un réformateur, Mohammed ben Salmane est aussi conseiller spécial du souverain et, surtout, il préside le Conseil des affaires économiques et de développement, organe qui supervise Saudi Aramco, la première compagnie productrice de pétrole au monde.
Sa nomination comme héritier du trône a été approuvée par 31 des 34 membres du « Conseil d’allégeance », selon la télévision d’Etat El-Ikhbariya.
Ce « Conseil d’allégeance » a pour rôle de désigner le prince héritier à la majorité de ses membres. Il avait été créé après une réforme des modalités de succession introduite en 2006 pour assurer une transition pacifique du pouvoir.
L’instance a été revigorée par le roi Abdallah, disparu en 2015, pour éviter les conflits lors des successions entre les fils vieillissants du roi Abdel Aziz.
Jeune génération
En nommant son fils prince héritier, le roi Salmane a modifié par décret l’ordre de succession, longtemps exclusivement réservé aux fils directs du fondateur du royaume, Abdel Aziz, pour l’élargir aux petits-fils de ce dernier.
L’amendement impose toutefois au futur roi de ne pas nommer l’un de ses fils comme héritier du trône, dans une apparente tentative de satisfaire les différents clans des Al-Saoud.
Ce développement majeur ouvre la voie à la deuxième génération des Al-Saoud de monter au trône du puissant royaume sunnite.
Il intervient sur fond d’une profonde crise entre le Qatar d’une part et l’Arabie saoudite et ses alliés de l’autre, après la rupture le 5 juin des relations avec les autorités de Doha accusées de soutenir « le terrorisme » et de se rapprocher de l’Iran chiite, rival régional du royaume saoudien.
La mise au ban du Qatar, associant les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte qui ont aussi rompu avec le Qatar, met en avant le nouveau prince héritier, appelé à contribuer à la gestion de cette crise inédite dans les relations entre pays arabes du Golfe.
En sa qualité de ministre de la Défense, le prince Mohammed supervise déjà le dossier de la guerre meurtrière au Yémen, qui s’enlise plus de deux ans après l’intervention de la coalition militaire arabe sous commandement saoudien.
Ryad appuie le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi face aux rebelles chiites Houthis accusés d’être soutenus par l’Iran.
Régi par une version rigoriste de l’islam, le royaume ultraconservateur impose de nombreuses restrictions aux femmes qui ne sont pas autorisées à conduire et est accusé de violations des droits de l’Homme par des ONG internationales.
Auteur: AFP – La Dépêche