Le 26 février 2016, le Suisse Gianni Infantino était élu à la présidence de la Fédération internationale de football (FIFA). L’ex-secrétaire général de l’UEFA, devenu un candidat de substitution après la radiation de son ancien patron Michel Platini, succédait ainsi à son compatriote Sepp Blatter, au pouvoir depuis 1998 et suspendu six ans par l’organisation mondiale.
Dirigeant de l’équipementier Skins et cofondateur du groupe de pression « New FIFA Now », qui milite pour une réforme en profondeur de la Fédération, l’Australien Jaimie Fuller jette un regard très critique sur la première année de présidence de Gianni Infantino.
Quel regard portez-vous sur la première année de la présidence de Gianni Infantino ?
En toute objectivité, M. Infantino a échoué durant « ses » douze premiers mois si on compare ce qu’il a réalisé avec ce qu’il avait promis de faire.
Il avait notamment promis de restaurer la crédibilité de la FIFA, minée par les affaires de corruption. La FIFA a-t-elle changé sur le plan de l’éthique ?
Non, définitivement. L’élection de M. Infantino n’a pas été un moment qui a initié un changement culturel. Infantino a adopté la même stratégie que Sepp Blatter. Nous ne pouvons pas être surpris que, comme on dit, plus ça change et plus c’est la même chose.
En outre, changer le leadership de la FIFA n’allait jamais sans changer la culture. Or, pour changer la FIFA et la culture du monde du football, nous avons absolument besoin de changer le leadership.
La grande réforme de Gianni Infantino est l’élargissement de la Coupe du monde de 32 à 48 pays. Il entend, par ailleurs, distribuer 4 milliards de dollars aux 211 associations nationales membres d’ici 2026. Quel regard portez-vous sur ces deux mesures ?
M. Infantino a suivi le modèle de Sepp Blatter pour être élu. Promettre plus d’argent aux votants, j’appelle cela des pots-de-vins, et faire cela sans rendre les récipiendaires responsables de ce qu’ils font de l’argent. Le seul moyen que M. Infantino avait pour commencer à lever ces fonds supplémentaires était d’élargir la Coupe du monde de 32 à 40 pays, sa promesse initiale. Et nous l’avons vu la pousser à 48.
Alors que cela paraît génial de donner à de petits pays davantage de chance de participer à la Coupe du monde, la dure réalité est qu’augmenter le nombre de pays de cette manière entraîne une baisse de la qualité du produit. Ce n’est pas la meilleure ou la plus durable des stratégies.
Infantino est-il un réformateur ?
Non. Il se consacre juste à poursuivre le même « show » que le « leadership » précédent. D’une certaine manière, je doute que M. Infantino sache comment épeler le mot réforme, sans parler de ce que cela signifie.
Je ne sais pas pourquoi il refuse de publier le rapport Garcia [rapport d’enquête sur l’attribution controversée des Mondiaux 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar]. Vous devriez lui demander. Je ne pense pas que vous obtiendrez une réponse franche, directe.
Le cabinet d’avocats américain Quinn Emanuel, qui défend les intérêts de la Fédération, mène une enquête interne à la FIFA depuis le fameux coup de filet du 27 mai 2015. Les procédures des autorités judiciaires suisses et américaines sont en cours. Quels peuvent être le rôle et la marge de manœuvre de Gianni Infantino dans ce contexte ?
Je crois que M. Infantino est concentré sur le fait que la FIFA conserve son statut de « victime » en respectant l’enquête du procureur fédéral suisse. D’où la rétention d’informations et le travail réalisé actuellement par Quinn Emanuel.
Je ne pense pas que le désir d’Infantino est d’obtenir la vérité, comme en témoigne sa malhonnêteté lorsqu’il a démenti avoir considéré son salaire initial comme « insultant » [en août 2016, la FIFA a fixé son salaire à 1,5 million de francs suisses annuels, soit 1,36 million d’euros. En mai 2016, une somme 2 millions de francs suisses annuels lui avait initialement été proposée]. Ce qui a été ensuite confirmé par les enregistrements qu’il a cherché à détruire à la réunion du Conseil de la FIFA, à Mexico, en mai 2016.
Il doit être encore tenu de rendre compte des mensonges qu’il racontait avant la réunion, ou concernant la tentative de détruire les enregistrements de la réunion.