Malick Lamotte, 52 ans dont 25 dans la magistrature, donne ce vendredi le verdict du procès de Khalifa Sall et Cie. Il est réputé « compétent, discret et courtois », mais aussi pour avoir jugé de grandes personnalités comme Abdou Latif Coulibaly, Barthélémy Dias et Luc Nicolaï.
Il a beau avoir atteint l’âge de la sagesse, bouclé 25 ans dans la magistrature et croisé durant sa carrière une bonne poignée de gros bonnets, Malick Lamotte, 52 ans, devrait forcément sentir la pression peser sur ses épaules au fur et à mesure que se rapproche l’heure de prononcer le verdict du procès de Khalifa Sall et Cie, ce vendredi 30 mars.
L’affaire en soi est ordinaire. Des accusations de détournement de deniers publics, d’association de malfaiteurs, de faux et usage de faux, de blanchiment et de complicité de ces chefs d’accusation : tout juge expérimenté pourrait traiter sans mal. Mais vu le profil du principal accusé, le contexte dans lequel se déroule le procès et l’exposition médiatique de celui-ci, le dossier est devenu plus lourd.
Un seul faux-pas…
Au milieu des huit mis en cause de cette affaire, la tête de Khalifa Sall dépasse nettement. Maire de Dakar depuis 2009, député, ancien ministre sous Abdou Diouf, ancienne figure de premier plan du Ps (parti d’où il vient d’être exclu) et sérieux prétendant à la candidature pour la présidentielle de 2019, il s’avère un gros client pour le plus coriace des magistrats. Et pour ne pas arranger les choses, il est jugé sur fond d’accusations de collusion entre la justice et l’exécutif pour le liquider, lui le candidat susceptible d’inquiéter Macky Sall en 2019.
Malick Lamotte semble avoir réussi jusque-là à faire fi du contexte et des implications politiques du dossier pour maintenir l’équilibre de la balance de la justice durant toute la durée du procès de Khalifa Sall et Cie. Surtout, son sang-froid ne l’a jamais quitté. Sauf lorsqu’il a boudé l’audience pour protester contre une embardée de l’avocat camerounais de Khalifa Sall, Me Johnson Kamga.
Les témoignages de tous les avocats invités par Seneweb à lui brosser le portrait sont unanimes : le juge Lamotte est « compétent, discret et courtois ». Me Domingo Dieng, a plaidé devant lui au tribunal de Mbour. Il se souvient d’un juge « discret, compétent et courtois ». Me Emmanuel Padonou ne dit pas autre chose : « Tout le monde sait qu’il est rigoureux dans son travail et très compétent. Nous pouvons dire aussi que c’est quelqu’un qui a des relations très fluides avec les avocats. Avec les autres corps de métier, je ne sais pas. Mais avec les avocats, nous savons qu’il privilégie des rapports de courtoisie et la concertation. »
Mieux, rapporte, Me Padonou, Malick Lamotte a contribué à sa formation. À l’époque le magistrat officiait souvent en flagrants délits. Le terrain d’entraînement des avocats stagiaires. Là où le manque d’expérience de ces derniers saute aux yeux. « Il a su quand même faire preuve de patience, de pédagogie, nous rappelant à l’ordre parfois quand c’est nécessaire, nous rappelant certaines règles que nous ignorions ou bien dont l’interprétation n’était pas peut-être évidente. Mais il a toujours fait avec beaucoup de fermeté, c’est vrai, mais avec beaucoup de courtoisie. Et ça aussi, il faut reconnaître que ça participe dans la formation des jeunes avocats. »
« Intégrité et indépendance »
Du côté des avocats constitués pour le procès de Khalifa Sall et Cie, les mêmes dithyrambes sont de rigueur. Membre du pool d’avocats de l’État, Me Baboucar Cissé confie : « Je reconnais qu’il est un excellent juge. Il a posé plusieurs actes qui prouvent vraiment son intégrité et son indépendance. Je peux citer entre autres, le fait de juger des dossiers dans la plus grande clarté, la transparence et de dire le droit. »
Avocat de Khalifa Sall, Me Amadou Dialy Kane embraye : « C’est un homme que je connaissais avant ce procès comme quelqu’un de très sérieux dans le travail. Et c’est quelqu’un, également, de très disponible, de très courtois. Mais, j’avoue que c’est la première fois que je le pratique dans un procès pénal. C’est pourquoi je ne peux pas me prononcer par rapport à sa qualité de juge en matière pénale. Parce que je ne l’ai jamais pratiqué sur ce terrain. Donc, je le jugerai sur pièce. »
Natif de Diourbel, Malick Lamotte a été formé à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) en 1993. Il a été tour à tour, notamment, juge au tribunal régional de 1ère classe de Thiès, vice-président par intérim au tribunal régional hors classe de Dakar, président par intérim du Tribunal régional de Thiès et assesseur à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei).
Avant Khalifa Sall, il a jugé d’autres grandes personnalités comme Abdou Latif Coulibaly, Barthélémy Dias et Luc Nicolaï. Longtemps en retrait, loin des procès médiatiques, il est sorti du bois avec le procès du maire de Dakar. Il a pris la place de Maguette Diop, le 3 janvier dernier.