Le Bideew Bou Bess poursuit lentement mais sûrement son petit bonhomme de chemin dans la musique Sénégalaise. Evoluant dans le hip hop, les frères Sall ont su se faire une place dans le paysage musical sénégalais où ils sont très respectés pour leur talent mais aussi pour leur statut de leaders d’opinion, de porteurs de voix des sans voix. Dans un entretien exclusif qu’ils ont accordé à Senego, Makhtar, Baidy et Ibrahima se dévoilent sans détours. Entretien
Depuis vos débuts, on a constaté que votre musique est un peu sentimental en tant que groupe hip hop. Est-ce un choix ou c’est votre propre style?
Baidy:”On n’a jamais voulu être dans la catégorisation. On a débuté par le rap, mais actuellement on fait de la world musique et c’est l’objectif visé depuis notre début. En effet, notre but était d’imposer notre musique ici au Sénégal pour dépasser les frontières. On a eu cette chance. On n’a jamais voulu faire une musique en déphasage avec nos valeurs et notre tradition. C’est pour cela qu’on s’est toujours évertué à faire une musique saine et utile.
On a grandi comme ça. Notre musique n’a pas changé mais a plutôt évolué, c’est pour cela qu’on nous voit dans différents registres, reggae, acoustique.
Quand on fait la musique, on la fait toujours dans la perfection. La musique qu’on fait nous ressemble elle reflète nos émotions, nos sentiments etc.. Nous sommes toujours dans une quête perpétuelle de la perfection.
Nous nous sommes rendus compte que la musique qu’on fait ne doit pas uniquement se réduire dans un style. C’est pour cela qu’on s’ouvre à tous les genres car nous faisons une musique universelle. Ma conviction c’est que tout ce qu’on doit faire doit cadrer avec l’éducation et le professionnalisme dès l’ instant que ça sort de ce cadre ça va faire un effet boomerang.
Sur le plan des messages, personne n’est plus engagé que nous. Nous sommes très engagés sur le plan social, on parle beaucoup des thèmes comme la mortalité maternelle, la santé de la reproduction, l’ infanticide, le foncier. Pour nous, l’engagement ne se réduit pas à la politique à polémiquer ou à tenir un discours va t-en guerre. On ne verse pas dans ça. Si nous avons des choses à dire, nous le disons, si on n’a rien à dire, on se tait, c’est cela notre état d’esprit.”
Makhtar: “Tout ce que on fait, c’est dicté par la sensation, le feeling. On ne fait pas dans le suivisme. L’essentiel, c’est de bien faire la musique. C’est ça l’identité de Bidew Bou Bes. Notre musique extériorise nos sentiments. Et ça a toujours été comme ça
Comment appréciez vous l’évolution du hip hop au Sénégal
Baidy: “Les textes sont plus élaborés. ça bouge il y a des jeunes qui font de bonnes choses. ça doit évoluer, mais ils ne doivent pas dormir sur leurs lauriers. Il faut que la musique soit originale d’abord, car quand on sort du pays, si on veut se faire respecter par les autres, on doit mettre en avant la culture de son pays. Les aînés ont déjà balisé le chemin, ils doivent tendre la perche aux plus jeunes qui émergent de plus en plus.
Seulement il y a un petit effort à faire du côté des autorités. On ne voit pas des écoles de musique où on apprend les instruments comme la kora etc… On a une école des arts et il parait qu’on a même loué les locaux. Il faut qu’on investisse davantage dans la musique, car on regorge de jeunes talents qui doivent être détectés. C’est l’appel que j’avais lancé auprès du ministère de la Culture. il y a des instruments qu’on ne connait même pas et qui peuvent être exploités et valorisés. On doit davantage valoriser la musique car c’est un métier”.
Vous avez récemment sorti un nouveau single “Belle” que vous avez fait découvrir aux Sénégalais pour la première fois dans la Série café avec. Certains parmi vos détracteurs disent que vous avez profité de l’aura de cette série pour gagner en audience. Vous répondez quoi à ce propos?
Baidy: “Nous ne sommes pas dans une logique de concurrence. On ne fait pas dans les calculs. Gelongal produit la série un café avec et ils travaillent également avec nous depuis longtemps. Ils ont trouvé que notre contribution peut apporter de l’audience à cette série et que cela pourrait beaucoup intéresser les Sénégalaise et faire leur bonheur. Notre objectif, c’est d’apporter notre valeur ajouté, nous ne sommes pas dans la concurrence. C’est vrai, il y a toujours des critiques mais l’unanimité personne ne peut l’avoir dans ce monde.”
Makhtar: “Nous on essaie et on propose et on soumet aux Sénégalais. Café avec était une plateforme où on pouvais jouer notre partition. La série y a gagné, Biddew bou bess y a gagné
Cela a été bien accueilli et c’est une motivation supplémentaire. Dès l’instant que les gens en parlent, ça montre que ce qu’on fait est intéressant et c’est cela le défi pour les autres qui doivent essayer de faire plus que ce que nous avons fait. C’est cela que j’appelle la concurrence saine et c’est cela qui va relever le niveau de la musique sénégalaise. çà ne sert à rien d’être méchant”.
L’une des forces de votre groupe c’est votre constance. Est-ce parce que vous êtes des frères de même père et de même mère que gardez cette régularité?
Ibrahima: “On voit des frères de même mère et même mère qui ne s’entendent pas tout comme on voit des gens qui ne sont pas parents et qui s’entendent à merveille. Tout dépend de l’éducation. On a une éducation de base qui nous permet de faciliter les choses et ça vient naturellement. C’est Makhtar qui est l’aîné, il distribue les tâches, moi je gère tout ce qui est musique, Baidy s’occupe d’autre chose.
Chacun apporte sa touche, c’est une chaîne qui travaille et à l’arrivée, il y a le produit fini qu’on propose aux Sénégalais. On se respecte, l’argent ne nous lie pas. Chacun donne le respect qu’il doit à l’autre.
Baidy: “C’est le destin qui nous a lié. On fait notre musique très naturellement de façon désintéressée, mais on prend très au sérieux le job que nous faisons. C’est pourquoi nous produisons toujours de la qualité.”
Makhtar: “Au-delà du fait qu’ils sont mes frères, ce sont avant tout de grands artistes, de grands musiciens et je loue leur talent. On pouvait être frère et ne pas avoir de talent, mais ils sont talentueux et je suis très fier de travailler avec eux.”
Etant frères est- ce qu’il ne vous arrive pas parfois de vous tirailler ou de vous chamailler dans le cadre du travail?
Baidy: “Parfois, il y a certains malentendus c’est tout à fait naturel et c’est normal. Mais, on finit par résoudre le différend de façon très naturel. Parois, on procède par consensus. C’est très démocratique. Des fois, Ibrahima qui est le plus jeune est plus calé sur un sujet, et quand il donne son avis, on l’écoute. Parfois, c’est Makhtar ainsi de suite. On accepte sans état d’âme et sans acrimonie. On finit tout le temps par se retrouver. ”
Votre particularité est qu’on ne vous voit pas assez dans les rubriques people et faits divers. D’où tirez vos cette force et cette discrétion?
Baidy: “Nous ne somme pas un groupe buzz, nous ne sommes pas des suivistes, nous ne suivons pas la tendance. Nous sommes toujours concentrés dans notre job, c’est pour cela que nous n’avons pas le temps pour certaines choses. Nos tournées nous prennent beaucoup de temps et même si nous sommes au Sénégal, nous n’avons pas beaucoup de temps. L’éducation aussi y joue, car nous sommes très casaniers. Dans nos heures libres, nous sommes en compagnie de nos amis autour du thé à débattre sur les thèmes de société. C’est cela notre nature. Nous ne voulons pas être sous les feux des projecteurs. Nous n’aimons pas les bains de foules. Toutefois, nous sommes jeunes des gens normaux comme tous les autres.”
Makhtar: “Nous n’avons fait aucun résultat pour incarner ces superstars. On ne se prend pas la tête, on a les pieds sur terre. Il nous reste beaucoup de chemin. Le travail doit primer sur tout. Nous évitons beaucoup de choses, nous n’aimons pas nous exposer surtout avec l’explosion des sites et des réseaux sociaux. On fuit beaucoup de choses, car nous trouvons que ce sont des futilités et il y a des choses plus importantes.”
Prochains défis de Bideew Bou Bes?
Baidy: “On vit le temps présent. Nous avons une perpétuelle quête de perfectionnement. Le prochain défi démarre avec notre prochain album. Nous sommes dans le social une association “music in service” qui est purement social et qui existe depuis 5 ans. Nous avons fait des dons de médicaments, consultation gratuite du cancer du col de l’utérus et du diabète. Nous sommes dans l’entrepreneuriat et on a intégré une organisation pour inviter les jeunes à prendre leur destin en main. Nous voulons mettre notre musique au profit du social, car nous sommes conscients que c’est de cette manière que nous pouvons servir la population en joignant l’utile à l’agréable. Les défis sont nombreux.”
Réalisé par Amadou Lamine MBAYE