Révélé par Jeune Afrique Business+ le 23 janvier, le départ d’Evelyne Tall-Daouda, numéro deux du groupe bancaire panafricain, a été confirmé dans un communiqué de presse du groupe bancaire panafricain. Portrait d’une pionnière.
Dans un communiqué envoyé le 25 janvier, Ecobank a confirmé l’information révélée le 23 janvier par Jeune Afrique Business+, nouveau service d’informations professionnelles : Evelyne Tall-Daouda quittera le groupe bancaire panafricain le 31 janvier 2017, dans le cadre d’une « retraite anticipée ». Nous mettons en ligne à cette occasion son portrait, publié initialement en octobre 2016 dans le Hors-Série Spécial Finance de Jeune Afrique.
Avec dix-huit années passées chez Ecobank, l’histoire professionnelle d’Evelyne Tall-Daouda se confond avec les grandes étapes du développement du groupe. Son ascension a été aussi rapide que le rayonnement de l’institution panafricaine, désormais active dans 36 pays africains, un record. « Ma promotion est due à mon sens de l’éthique, de l’humilité et de l’intégrité. J’ai aussi su saisir les opportunités qu’offrait la banque », confie celle qui, depuis 2012, est directrice générale adjointe d’Ecobank. Véritable numéro deux, elle s’occupe notamment de la gestion des relations du groupe avec les régulateurs afin d’en assurer la stabilité et joue un rôle stratégique sous la direction d’Ade Ayeyemi, son directeur général, recruté en 2015.
Rien ne prédestinait pourtant la Sénégalaise à devenir l’une des banquières les plus puissantes du continent. Et sûrement pas sa formation littéraire à l’université de Dakar. « Mon parcours est atypique, concède cette grande timide, qui se tient à distance des médias. Après ma licence d’anglais, option littérature américaine, j’ai obtenu une bourse pour l’école supérieure d’interprétation et de traduction de Paris. Mais les lenteurs administratives du Sénégal m’ont fait basculer sur l’École des attachés de direction, devenue l’École de management de Paris, pour ne pas perdre ma bourse », explique-t-elle, assise dans ses bureaux du siège d’Ecobank, à Lomé, avec une vue panoramique sur l’océan Atlantique.
Dans ma carrière, j’ai ressenti beaucoup de solitude en tant que femme
De retour au Sénégal, elle effectue un stage à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), à Dakar, avant de rejoindre l’américaine Citibank, où elle restera dix-huit ans. En 1998, Ecobank la recrute comme directrice générale adjointe de sa filiale malienne. Un an plus tard, elle en devient la directrice générale. Retour ensuite au Sénégal pour gérer la filiale locale à partir de 2000. La haute direction d’Ecobank lui confie cinq ans plus tard les rênes de la zone de l’UEMOA, couvrant huit pays. Très vite, une nouvelle promotion attend Evelyne Tall-Daouda : elle reçoit pour mission de parachever l’expansion du groupe sur le continent, notamment en Afrique centrale et en Afrique australe.
« Dans ma carrière, j’ai ressenti beaucoup de solitude en tant que femme, dans les conseils d’administration de haut niveau et par rapport à des collègues qui avaient une bonne capacité de réseautage. Pourtant, cela ne m’a pas affaiblie », assure celle qui dit n’avoir eu ni mentor ni modèle.
Son père, l’écrivain sénégalais Chérif Tall, lui a transmis la passion du mot
En près de deux décennies à Ecobank, la Sénégalaise a eu à travailler avec des hommes au fort tempérament, en commençant par le Nigérian Arnold Ekpe, un homme de poigne, puis avec Thierry Tanoh. Durant la crise qu’a traversée l’éphémère directeur général ivoirien du groupe, Evelyne Tall-Daouda est restée, comme à son habitude, discrète. Pourquoi ne pas avoir tenté de prendre le leadership ? Par deux fois au moins, avant le choix de Tanoh et avant celui d’Ayeyemi, elle s’est portée candidate au poste le plus prestigieux du secteur bancaire africain. Sans succès…
Réseau
Evelyne Tall-Daouda, qui se dit proche de Linah Kelebogile Mohohlo, la gouverneur de la Banque centrale du Botswana, ambitionne d’organiser et de regrouper au niveau de la sphère francophone les quelques femmes qui occupent des postes de direction, de façon à créer un réseau solide. Les longues journées de travail et les semaines de voyage – trois sur quatre dans le mois – ne la contrarient pas. « Je n’ai pas vraiment décidé de ma vie, mais je suis une femme complète, une bonne professionnelle, une bonne épouse, une bonne mère de famille, une bonne fille et une bonne citoyenne », confie-t-elle.
Même si Evelyne Tall-Daouda se dit encore loin de la retraite, elle ne perd pas de vue son projet d’écrire un livre pour les générations futures. Fille de l’écrivain sénégalais Chérif Tall, la directrice générale adjointe d’Ecobank dit avoir conservé sa passion pour la littérature malgré un agenda chargé. « Mon père m’a transmis la passion du mot et surtout le goût du partage, qui est une preuve de générosité. Cependant, dans mon livre, je ferai preuve de constance dans mon sens de l’éthique. Il y a des choses dans le milieu de la banque qui ne seront jamais dites », précise cette professionnelle aguerrie.
Avec J.A