EVA TRA : « Une femme doit être naturelle, bien éduquée, rester elle-même, assumer sa féminité de A à Z»…

Son style raffiné ne laisse personne indifférent. Dans son moule de tissu fin aux couleurs d’été, elle s’active entre deux enregistrements et saute dans la voiture, direction tournage de sa production «Elles sont toutes belles». Il est 14h, Eva court contre la montre, elle n’a pas beaucoup de temps. «On remet notre entretien à demain chéri, je dois filer». Comme une reine, on lui concède le choix par primeur. Créer dans un style fun, c’est son «label». 

Qui est Eva Tra ? 
Je suis moi-même (rire). Disons une jeune dame qui est là, qui vit sa vie, tranquille. Très simple, sui-je, entre la mode et la télé. Native de Dakar, j’ai grandi entre Fass, Gueule-Tapée et Médina. J’ai étudié entre Baudelaire pour ma préscolaire (elle ricane), Delafosse et Lamine Guèye, pour un cursus très simple. J’ai dû arrêter mes études en première pour faire une formation en stylisme chez «Maman» Collé Ardo Sow. 
Pourquoi avoir choisi d’arrêter les études ? Tes parents étaient-ils pour ? 

Du tout alors… entre un père enseignant, littéraire, «senghorien» bon teint, une mère traditionnelle, mais très ouverte, qui tenait à l’avenir de ses enfants, ce n’était pas facile. J’ai dû arrêter mes études parce que j’étais très passionnée par la mode, la coiffure, les tissus, épingles et chiffons. D’ailleurs, une anecdote. Mon père m’a dit au final : « j’aurais préféré avoir une fille juriste, écrivaine, mais puisque ton choix est porté sur le chiffon, bon vent» (Rire). Grande fut sa surprise quand il a vu ma première création, il n’en revenait pas et m’a tout de suite accordé sa bénédiction. 
Eva Tra, est-ce une marque ? 

Les 2 mots collés constituent la marque. Ce qui nous conduit à parler de Bamanan Style qui est ma maison de création. Bamanan, c’est un mot bambara qui signifie bambara.Le style Bamanan existe, on a même des masques qui portent ce nom, avec des antiquaires qui te le diront.Raison pour laquelle il m’arrive de travailler avec les signes Bamanan, très différents des écritures chinoises qu’on a tendance à mettre sur nos habits, ne connaissant pas la signification.Les signes Bamanan (les Dogons) existent et parlent. Pour ceux qui sont curieux, ils peuvent faire des recherches sur la culture des Dogons. Ma création est ouverte à toutes les cultures africaines, car moi je crois au panafricanisme et au respect de toutes les cultures. Je suis à cheval entre trois cultures : un père guinéen, une mère malienne, moi sénégalaise, enfin africaine. Tu vois un peu l’Afrique que je symbolise. À travers l’habillement qui est un langage à lui tout seul, qui démontre son appartenance ethnique ou religieuse et parfois, transmet un message. L’Afrique étant toujours à la mode – c’est ma conviction – c’est ma façon à moi d’assumer mon africanité. 
Quels ont été les moments les plus forts de tes débuts dans le stylisme ? 

Mon défilé avec Promo Import. Mais, aussi, quand une amie m’a invité à présenter une collection au Méridien, pour son agence de voyage. C’était la première fois. C’était inoubliable et c’est à partir de ce moment que j’ai compris que seul le travail paye. Et j’y crois. Instruit ou non instruit, riche ou pauvre, il faut travailler. Et chaque jour est important dans notre vie. Alors, les temps forts, finalement, c’est chaque jour que Dieu nous donne. Al hamdulillah. 
Eva, tu es à mi-chemin entre ton boulot de styliste et la télévision. Comment lies-tu les deux ? 

Très difficile. Mais, quand on aime ce que l’on fait, avec un peu de courage et d’abnégation, on y arrive : je crois profondément au travail. Je te le répète, il faut toujours bosser. Figure-toi, il m’arrive de quitter les ateliers à minuit ou à des heures plus tardives, parce que simplement, tout le monde sait et les femmes ne me démentiront pas, le marché est saturé. Donc, il faut beaucoup créer, avoir un style différent, original, être compétitif, avoir sa propre griffe, pour mieux maintenir sa place. C’est après mon travail que je fonce à la maison, pour m’occuper de ma famille. 
Tu sembles bien organisée. C’est une nature chez toi, la méthode ? 

Je suis sûre que sans organisation et méthode, on ne s’en sortira jamais ; mais, il faut dire que je suis bien entourée par ma famille et mes amis qui me soutiennent sans limite. Voilà. Et qui n’hésitent pas à même venir me prendre mes outils de travail pour me demander de rentrer (elle rigole). 
«Elles sont toutes belles» est devenue une identité Eva Tra. Tu l’as voulu ainsi ou c’est à force de rendre un service de qualité ? 

Si tu le vois ainsi, j’en suis heureuse, car je travaille en allant vers la perfection : j’essaye toujours de mieux faire parce que je tiens a mon image. J’aime cette émission, parce que je découvre beaucoup plus l’univers des femmes. On y parle de beauté, de notre culture, on fait la promotion de la femme sénégalaise, sans oublier l’habillement qui est un choix personnel tout en étant en adéquation avec le milieu où on vit, le style vestimentaire. Et qui connaît la Sénégalaise sait qu’elle apporte beaucoup d’importance à cela. 
Qu’est-ce qui fait la beauté d’une femme, selon toi ? 

La beauté d’une femme, c’est un tout. Je commencerais d’abord par les valeurs et vertus, parce qu’on ne peut pas parler de beauté sans parler d’éducation. Une femme doit être naturelle, bien éduquée, rester elle-même, assumer sa féminité de A à Z. C’est cela le comportement de tous les instants avant la beauté physique. Sans cela, on ne peut pas parler de beauté. La beauté d’une femme donc, c’est un ensemble. 
As-tu une appréhension favorable, de visu, sur un homme ou alors faut-il le côtoyer pour en déduire quelque chose ? Je parle de relation homme-femme maintenant, Eva. 

« Sop nga ! » (Curieux !). Je ne suis pas attentionnée quand il s’agit de parler de femme et homme. 
Au nom de quoi Eva, toi qui en parles toujours, dans ton émission ? 

Là, c’est moi qui invite et je veux savoir pour les téléspectateurs. Mais, en fait, ma grand-mère m’a appris qu’il faut avoir à priori confiance en tout le monde en attendant de connaître la personne pour confirmer ou infirmer l’a priori. 
C’est-à-dire ? Ce n’est pas clair dans ma tête. Tu fuis, Eva. 

Non. Du tout. Loin de là. Pour être plus claire, on peut voir une personne, l’aimer, la côtoyer, rester avec elle, papoter et puis que tout change plus tard. On peut aussi voir une personne, penser le contraire, rester avec elle, échanger et puis l’aimer, finalement. La vie est un éternel mystère. On ne sait jamais. Et les surprises sont toujours là. Autant avoir une carapace, pour éviter les mauvaises surprises. C’est mon conseil à l’endroit de toutes les femmes, même si on est forte, il faut dire qu’on est fragile aussi. 
Parle moi de la mode, cette fois-ci. Est-ce que les Sénégalais s’habillent bien? 

Oui ! Les Sénégalais ont beaucoup de goût.Ils sont raffinés. 
Comment doit-on s’habiller selon toi ? 

Écoute, selon sa stature, son physique et ses goûts. Cependant, il est important de tenir en compte la sensibilité des valeurs et des codes sociaux des gens autour de nous. C’est important. Se faire rejeter à cause d’un style vestimentaire, c’est moche. Il faut souvent penser aux autres, car même si l’habit ne fait pas le moine, on reconnaît toujours le moine par son habit. 
Eva, on taquine nos autorités. Est-ce qu’ils sont à la mode ? 

Tout d’abord, elles n’ont pas à suivre la mode ; car la mode peut ne pas être de leur temps. Je précise déjà que je n’ai pas de leçon à leur donner. Mais, je sais simplement qu’une autorité n’est pas une star… qui est censée faire rêver ; alors que l’autorité doit être en phase avec l’image de son pays. Cela ne voudrait pas dire casser son style, parce que le style est aussi important. 
Les costumes portés par nos ministres et autres célébrités… Tu trouves qu’ils sont «in» ? 

«In» ou «out» (rires aux éclats !), l’essentiel, c’est d’avoir un style. Je les regarde rarement. Mais, ils doivent rester sobres, sans être fantaisistes ; surtout pas d’extravagance. 
Eva, c’est qui ta clientèle ? 

Les gens de culture, les femmes classiques et sobres. 
Un mot sur la télé… 

La télévision 2Stv m’a beaucoup apporté… Chaque week-end, j’ai une nouvelle amie, des gens m’aiment, me côtoient, les belles dames, les grands-mères, les jeunes, les grands-pères, tout le monde me témoigne sa sympathie et c’est grâce à la télé. 
Eva, c’est fini. 

«Abanapew !» (C’est fini en bambara). Al hamdulillah. 
Pa Assane SECK le populaire

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