L’individu peut-il changer de comportement, d’un jour à l’autre ? Posez cette question à Lamine Cissé Diongue et il vous répondra par l’affirmatif.
Tout comme demandez-lui si l’on peut vendre de la drogue, sans être protégé par un policier, et sa réponse tombe sèche : non ! affirme-t-il.
L’homme, la soixantaine, très connu, à un moment donné, des Services de police de la ville de Rufisque, est un ancien dealer de drogue qui s’est reconverti 20 ans plus tard. Et à qui Actusen.com a pu faire parler.
Son amour pour le produit prohibé l’avait envoyé au repos à l’hôtel zéro étoile de Rebeuss, sans oublier ses nombreuses autres incarcérations dans d’autres lieux de privation de liberté.
Mais tout ceci n’est que souvenir, selon lui. Lamine Cissé Diongue, croisé au Palais de justice de Dakar où il était venu comparaître comme prévenu pour une affaire de diffamation, a accepté de se prêter aux questions du reporter de Actusen.com.
De son ex-statut de gardien de but à l’équipe des Saltigués à celui d’entraineur, en passant par ses multiples démêlées avec Dame Justice, l’homme, devenu un débrouillard, s’est livré à Actusen.com cœur ouvert.
Aujourd’hui, Lamine Cissé Diongue dit n’attendre qu’une chose de la justice de son pays : que son honneur soit lavé à jamais dans cette affaire de diffamation, pour laquelle son nom revient toujours. Confessions !
Actusen.com : Qui est Lamine Cissé Diongue ?
L.C.D : Lamine Cissé Diongue est un ancien gardien de but de l’équipe de Saltigué (Rufisque). Je peux dire que j’ai fait mes preuves dans le football, avec pas mal d’équipes à Rufisque. J’ai aussi gagné une Coupe avec l’Asc Douane, dans les années 2000.
J’ai également servi comme entraineur à l’équipe de “navétanes” de Tiawlène (Rufisque), avec qui j’ai gagné la Coupe en 2007. Mais j’ai dû arrêter, parce que le sport ne me nourrissait pas. Avec les difficultés de la vie, il me fallait trouver de l’argent au plus vite et c’est ainsi que j’ai sombré dans la vente de drogue.
Actusen.com : Expliquez-nous vos débuts, en tant que dealer
L.C.D : «Pendant 20 ans, j’ai vendu de la drogue»
J’ai commencé à vendre de la drogue, il y a longtemps. En somme, j’ai vendu le produit prohibé, pendant 20 ans. On collaborait avec des policiers, afin de pouvoir vendre le produit. C’est ainsi que j’ai eu à travailler avec deux policiers qui officiaient à Rufisque, moyennant la somme de 75.000 F Cfa, tous les quinze jours.
Un jour, alors que j’avais une marchandise d’une très grande valeur, ils ont voulu que je leur paie plus que d’habitude, c’est-à-dire 1 million, ce que j’ai refusé et ils m’ont dénoncé (Ndlr : le procès des deux policiers étant en cours, Actusen.com a préféré ne pas mentionner leurs noms).
C’est comme ça que j’ai été arrêté et traduit en Cours d’Assises, avant d’être relaxé au bout de 4 ans de détention préventive.
Mais depuis que je suis sorti, ces deux policiers me pourrissent la vie, j’ai même porté plainte contre eux. Avant d’aller faire un entretien avec un journaliste de «La Tribune». Et c’est parce que j’ai raconté beaucoup de choses leur concernant qu’ils ont porté plainte contre moi pour diffamation (l’affaire est en cours et doit être jugée, le 17 décembre prochain).
Actusen.com : Comment avez-vous vécu votre incarcération ?
L.C.D : «Une personne, qui n’a pas fait de la prison, ne peut pas parler des conditions de détention»
Ma vie en prison, (il s’arrête un moment, puis continue). Ce que j’ai vécu en prison était vraiment pénible. C’est la raison pour laquelle, j’ai décidé d’arrêter. La vie en prison, c’est autre chose et c’est réel.
Les mauvaises conditions de détention m’ont assez fait réfléchir et surtout quand vous êtes en prison et que votre famille ne vous soutient pas. Tout ceci m’a ramené à la raison et je ne suis plus un jeune garçon.
Il me fallait revoir mon comportement. Maintenant, je suis plus conscient et j’ai décidé de changer. Une personne qui n’a pas fait la prison ne peut parler des conditions de détention, sans compter de la nourriture qui laissait à désirer.
Actusen.com : Avez-vous senti le soutien de votre famille, dans ces moments ?
L.C.D : Ma famille m’a tourné le dos, alors que je vendais de la drogue pour subvenir à ses besoins ; cela fait partie des choses qui m’ont fait réfléchir. Quant à mes deux épouses, elles m’ont soutenu et surtout attendu car en prison, tu échanges avec des gens qui te disent que leurs épouses, une fois en prison, leur ont demandé le divorce.
Il m’arrivait de pleurer sur mon sort, ce que j’ai fait pour en arriver là, j’avais le cœur meurtri. Dieu merci, maintenant, j’ai beaucoup changé et c’est sur que je ne vendrai plus ce produit. Par la même occasion, je ne fréquenterai plus des dealers ni recevrai de l’argent de leur part. Ce n’est pas pour de la drogue que moi Lamine Cissé Diongue, je vais me retrouver en prison, je le jure sur le Saint Coran.
D’ailleurs, c’est ce qui m’a permis de faire mon introspection. La prison m’a beaucoup appris, j’ai appris le Coran en prison, si je suis arrivé à faire mon devoir de croyant et à prier au quotidien, c’est grâce à mon passage en prison. J’ai su garder la foi et je me suis repenti, avant qu’il ne soit trop tard.
Actusen.com : Quels conseils donnez-vous aux jeunes qui se livrent à la consommation et à la vente de drogue ?
L.C.D : «Il y a des personnes qui ont envie d’arrêter de vendre de la drogue, mais n’y parviennent pas, à cause des policiers corrompus»
D’abord, ce n’est pas facile d’arrêter de vendre de la drogue, du jour au lendemain. Il y a des personnes, qui ont envie d’arrêter de vendre de la drogue. Mais n’y parviennent pas, à cause des policiers corrompus, car ces derniers y trouvent aussi leurs comptes.
Si la justice les corrigeait, comme il se doit, je suis sûr que les dealers se compteraient, de moins en moins. Vous savez, personne ne peut vendre de la drogue, sans être protégé par un policier, car il y a toujours des interventions. Et je vous dis que c’est mieux de souffrir en étant en liberté que de souffrir en étant enfermé.
Actusen.com : On peut, donc, dire qu’aujourd’hui, vous avez vraiment tourné le dos à la drogue ?
Evidemment ! C’est une étape de ma vie que j’ai vécu et que je regrette, malgré tout. Aujourd’hui, je me débrouille pas mal, pour travailler afin de subvenir aux besoins de ma famille, j’ai un Caterpillar avec lequel je gagne ma vie, même s’il est en mauvais état, c’est mieux que rien. Pour quelqu’un qui pouvait détenir pendant une journée 1 million dans sa poche, le changement y est, mais Yallah bakhna (Dieu est grand).
Entretien réalisé par Ndèye Awa BEYE (Actusen.com)