Après avoir fait les beaux jours du football sénégalais entre les années 2000 et 2006, El Hadj Diouf n’a pas observé une certaine hygiène de vie inhérente à sa profession de footballeur et qui, lui aurait permis de continuer à briller de mille feux. Ceci ajouté à son âge et à sa réputation de «bad boy» qui aligne bagarres et néfastes exploits dans les boîtes de nuit, le double ballon d’or africain ne fait plus rêver sur le plan footballistique.
Sa carrière en déclin, El Hadj Diouf ne s’est contenté que d’un petit club en Malaisie, qui n’est pas connue particulièrement pour être une grande nation de football, au moment où ses pairs Eto’o et Drogba enfilaient toujours les buts dans des championnats plus huppés. Mais vraisemblablement la retraite s’approchant, les perspectives pour El Hadj Diouf apparaissent minces contrairement à ses camarades de la même génération qui, eux, sont sur d’autres créneaux relativement porteurs pour leur retraite. Par exemple, Habib Bèye est consultant pour Canal+, Khalidou Fadiga, agent de joueur et conseiller du président de la République, Toni Silva est entraîneur des gardiens de l’équipe nationale, Lamine Diatta est près de Aliou Cissé qui lui, dirige la Tanière qui s’en va vers son Mondial 2018.
A contrario, El Hadj Diouf, à défaut de pouvoir jouer dans les clubs de renommé comme le Real de Madrid, la Juventus de Turin, Bayern de Munich, aurait pu tout au moins terminer sa carrière dans des clubs des pays modestes sur plan footballistique comme les Etats-Unis, les Emirats Arabe-Unis qui, s’ils n’ont pas le niveau des clubs européens, sont tout au moins largement au-dessus du niveau de la Malaisie.
C’est donc avec un mauvais timing qu’El Hadj Diouf annonce à la ville et au monde qu’il va créer un mouvement politique en soutien au président Macky Sall et son premier ministre Mouhammad Dionne. Il est clair que la retraite s’annonce compliquée. Invité de la chaîne BeIn Sport ce dimanche, à la question de savoir s’il sera un jour sélectionneur des Lions, l’ex-sociétaire de Lens répond par la négative avant d’enchaîner avec son annonce. «Je suis en train de me préparer pour un mouvement politique que je veux créer au Sénégal pour soutenir notre président de la République qui est en train de faire un boulot énorme avec le Premier ministre… Et pourquoi pas lui donner un coup de main pour avoir un deuxième mandat», a déclaré El Hadj Ousseynou Diouf face aux journalistes de BeIn Sport. Et l’ex-enfant terrible du football sénégalais de justifier son choix. «Le gouvernement ne peut pas tout faire, nous les porteurs de voix qui sommes écoutés devront aussi mettre la main dans la patte pour aider notre pays ».
Très bien. C’est louable d’avoir pris conscience que le président ne peut tout faire et qu’il est du devoir de chaque Sénégalais d’apporter sa pierre à l’édifice.
Avec l’engagement d’un El Hadj Diouf en politique, le Sénégal va avoir comme le Liberia son ancienne star du footballeur politicien. Seulement on se demande comment El Hadj Diouf dans, la jungle politique, s’en sortira de fort belle manière comme sur les terrains de foot. Parce qu’en effet, la politique et le sport ce sont deux mondes différents.
En quête d’une retraite digne
Mais en vérité, El Hadj Diouf, ce n’est pas le président Macky Sall et son premier ministre qu’il faut aider, même si ce sont eux les dirigeants actuels du pays. Il ne faut pas aider des hommes politiques, mais le pays. Celui qu’il faut aider c’est le Sénégal. Et la meilleure manière d’aider le Sénégal, ce n’est pas un mouvement politique. Si vous voulez vraiment aider le Sénégal, vous pouvez créer une Fondation ou autre une association par exemple. Mettez-en les ressources personnelles que vous pouvez. Allez chercher le reste des moyens ailleurs en jouant sur votre image si tant est qu’elle attire et séduit encore : investissez dans l’éducation des enfants défavorisés, dans la scolarisation des jeunes filles, construisez des écoles, des hôpitaux comme font d’autres footballeurs ou artistes du continent. Ce faisant, vous restez ainsi à équidistance des chapelles politiques et travaillez tranquillement.
Oui, El Hadj Diouf, ce n’est pas Macky Sall et Mohamed Dionne qu’il faut aider, mais le Sénégal si vous estimez que vous devez faire quelque chose pour le pays. Mais si c’est pour trouver un petit quelque chose pour s’assurer une retraite plus ou moins confortable, oui un mouvement politique, c’est possible, mais ça ne garantit rien non plus.
Macky et Dionne ne sont éternels ni au pouvoir ni dans la vie. Si vous créez un mouvement comme vous le préconisez et intégrez l’APR, demain quand l’APR ne sera pas au pouvoir que comptez-vous faire? Transhumer en rejoignant le nouveau pouvoir en place comme font certains politiciens professionnels ? Devenir chef de parti ? La jungle politique ça ne pardonne pas. Il ne faut pas rêver que les quelques fans qui vous restent seront forcément militants ou sympathisant de votre mouvement. Par ailleurs, s’associer à des politiques, vous astreint à une discipline dont on doute que vous puissiez observer.
Si votre engagement était désintéressé comme vous le prétendez
Mettre en place une association ou une Fondation vous garantit une marge de manœuvre. Vous pourrez avoir l’appui de tout régime au pouvoir. En effet, les régimes passent, mais le pays reste. Créer un mouvement et directement l’affilié au pouvoir, à l’APR, en l’occurrence, vous fera perdre le peu d’estime qu’il vous reste. Ceux qui vous admirent encore ne sont pas forcément satisfaits de la gouvernance du président Sall. Engagez-vous tout simplement dans l’humanitaire pour servir votre pays. Comparaison n’est pas raison. Mais des fans de Youssou Ndour et de sa musique ne sont pas forcément de potentiels sympathisants, adhérents ou même électeurs de «Fekke ma ci boole».
En tout cas, l’engagement en politique, vous en avez parfaitement le droit. Lorsque l’annonce a été faite la toile s’est enflammée tout comme si vous n’en aviez pas droit. Vous avez bel et bien le droit, La question c’est de savoir comment vous compter percer dans la jungle politique encore que votre image ces dernières années a été ternie par certains comportements peu recommandables au point de vous valoir le surnom peu glorieux et péjoratif de «bad boy».
Contrairement à vous, George Weah est lui déjà aguerri, il a déjà quelques années d’expérience en politique et pourrait même être élu un jour président de de la République au Liberia. Peut-être même dans les semaines à venir. Mais pour vous, El Hadj Diouf, le chemin est encore loin et ne sera pas facile.
Par Noël SAMBOU