Les sortants du Cycle B de l’École national d’administration (ENA) que sont les secrétaires d’Administration, contrôleurs des Impôts et Domaines, contrôleurs du Contrôle économique, contrôleurs du Travail et de la Sécurité sociale, chanceliers des Affaires étrangères et contrôleurs du Trésor, ont adressé une lettre ouverte au Premier ministre pour dénoncer une «humiliation» dont ils sont victimes ainsi que nombre de tares qui assaillent le fonctionnement de l’administration.
D’emblée, ils ont fait savoir ceci : «Nous, secrétaires d’Administration, contrôleurs des Impôts et Domaines, contrôleurs du Contrôle économique, contrôleurs du Travail et de la Sécurité sociale, chanceliers des Affaires étrangères et contrôleurs du Trésor, constatons, une énième fois, que nous ne serons pas conviés à la cérémonie officielle de remise des diplômes de fin d’études à l’École nationale d’Administration (ENA), ou plutôt des brevets puisque telle est la dénomination des diplômes décernés aux élèves du cycle A ayant réussi leur scolarité.» En effet, disent-ils, «il nous a été donné de constater que par communiqué de presse diffusé sur les radios et dans la presse écrite, notamment ‘‘l’Observateur’’ n°4139 du mercredi 12 juillet 2017 (à la page n°3), ainsi que par reportage de la RTS1 diffusé dans son JT de 20h du même jour, que l’ENA organise, entre autres, le jeudi 13 juillet 2017, une cérémonie de remise de diplômes aux brevetés des promotions 2013 et 2015 (comprendre par là une remise de diplômes exclusive aux sortants du cycle A des années 2013 et 2015).»
Une occasion pour faire savoir qu’«un bon nombre de sortants du cycle A ont personnellement reçu un message téléphonique de la part de l’ENA le jeudi 06 juillet 2017, à 19h39, les invitant à la remise de diplômes aux sortants des promotions 2013 et 2015, présidée par le Président de la République, le 13 juillet à 10 heures à l’ENA, ce qui n’a point été le cas pour les fonctionnaires issus du cycle B des mêmes promotions.» Ce qu’ils considèrent comme étant «une discrimination notoire et manifeste envers les sortants du cycle B, et ne trouve son fondement ni dans la loi, ni dans le règlement.» Toujours dans leur lettre ouverte adressé au Premier ministre, ils persistent et signent : «Depuis la dissolution du CFPA et la création d’un cycle de formation d’agents de la hiérarchie B au sein de l’ENA par décret n° 92-1614 du 20 novembre1992, une situation de discrimination générale perdure dans la manière dont l’établissement traite ses sortants des cycles A et B. D’un point de vue du statut, une évolution a été notée.»
Non sans faire allusion au «décret n° 2011-1704 du 6 octobre 2011 portant création de l’École nationale d’Administration (ENA) et fixant ses règles d’organisation et de fonctionnement dispose, dans son article 63, que ‘’ les élèves issus du concours direct du cycle A sont assimilés à des administrateurs civils stagiaires et perçoivent le traitement afférent à l’indice correspondant à celui du stagiaire du corps’’ et, dans son article 54, que ‘’les élèves issus du concours direct du cycle B sont assimilés à des secrétaires d’administration stagiaires et perçoivent un traitement afférent à l’indice correspondant à celui de stagiaire du corps’’.»
Relégués au second plan
Selon toujours eux, «l’ENA semblait donc, après sa réforme de 2011, décloisonner la classe socioprofessionnelle de ses élèves. La Direction générale commençait même à ne plus faire de distinguo entre élèves A et B lors de ses réunions d’informations. Mais certaines pratiques telles que cette cérémonie officielle réservée aux seuls sortants du cycle A, est de nature à nous faire croire que l’Ecole n’est pas sortie de son régime discriminatoire d’antan dont cet événement n’illustre que la dimension symbolique.» En outre, clament-ils : «Aux termes des dispositions du décret susvisé, il n’est aucunement question d’une cérémonie de remise de diplômes, encore moins d’une cérémonie exclusive destinée aux sortants du cycle A, sans compter que réclamer notre diplôme devient légitime, du moment que ce dernier est prévu par les textes. Mais le mal est plus profond que cela.»
C’est pourquoi, ils font savoir que «les sortants du cycle B continuent à être relégués au second plan. Derrière les titres de secrétaires, de contrôleurs et de chanceliers, il y a des êtres humains capables de sentir de l’humiliation, des travailleurs pouvant mourir ou exploser de frustrations. A l’Ecole, ils sont à la limite infantilisés ; leur logement est devenu précaire. Sortants, ils ne se voient pas remettre leurs « certificats » lors d’une cérémonie officielle comme leurs camarades du cycle A. Pour certains, cette question est peu significative, pourtant elle est un signe fort évocateur de l’arrogance avec laquelle le système agit à l’égard des énarques de la hiérarchie B.» (…)
Aussi, ils estiment qu’«il est temps que l’Administration se réforme profondément et mette fin à ces pratiques humiliantes (le qualificatif est fort, mais il convient de le dire sans langue de bois) pour ne plus se permettre de générer de la frustration qui, à long terme, influe négativement sur la qualité de ses ressources humaines.» (…). Ils ont terminé en faisant remarquer que «Tout le monde convient que la qualité de notre service public doit être améliorée ; mais peu se rendent compte de l’impact sociologique de ce système pathologique auquel les autorités doivent apporter des remèdes sans plus attendre.»