Emmanuel Macron ne veut plus de migrants dans les rues « d’ici à la fin de l’année »

« Je ne veux plus d’ici la fin de l’année avoir des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois. Je veux partout des hébergements d’urgence. » Lancée devant un parterre de 37 nouveaux Français de 21 nationalités, qui venaient de recevoir leur décret d’intégration, cette phrase du chef de l’Etat a eu un retentissement particulier dans la salle de cérémonie de la mairie d’Orléans, jeudi 28 juillet. C’est par cette annonce, inattendue, qu’Emmanuel Macron a conclu une séquence consacrée aux réfugiés, entamée mardi après-midi.
Le 12 juillet, son premier ministre, Edouard Philippe, avait présenté un plan « migration » très axé sur les reconduites à la frontière et dans les pays d’origine. Un plan qui faisait l’impasse sur le volet humanitaire et le sort de cette population laissée sans solution dans les rues de Paris, de Calais et de la vallée de la Roya, en attente souvent d’un dépôt de demande d’asile.

Accélérer le traitement administratif
Alors que de nombreuses voix s’étaient élevées face à cette volontaire omission, le président tente de redresser le cap et esquisse une approche un peu différente de la question migratoire. Pour les primo-arrivants, place donc au logement, qu’il souhaite voir « partout en France » et « dès la première minute ». Pour l’heure, deux pistes sont à l’étude à l’Elysée : soit la création de camps de transit, hypothèse que porte la maire de Paris, Anne Hidalgo, soit la mobilisation de logements vides sur le territoire, option qui semble avoir pour l’heure la préférence de l’Elysée.
L’idée du chef de l’Etat est d’étudier très rapidement la demande d’asile, afin de protéger très vite les réfugiés et de renvoyer aussi vite les déboutés. « Je veux partout, dès la première minute, un traitement administratif qui permette de déterminer si on peut aller vers une demande d’asile ou non, et derrière une vraie politique de reconduite aux frontières », a poursuivi le président de la République.
Emmanuel Macron a au passage fustigé « ceux qui construisent des murs », faisant une allusion directe au refus d’une partie des habitants d’une ville de la banlieue de Tarbes d’accueillir des migrants – habitants qui ont érigé 18 mètres de parpaings pour bloquer l’accès au futur centre d’accueil. Mais il a aussi reconnu la nécessité de faire de la pédagogie sur ce sujet. L’opposition nette entre demandeurs d’asile et migrants économiques est à ses yeux « une grammaire qu’il nous faut expliquer à nos concitoyens ».
Dans son discours du 28 juillet à Orléans, Emmanuel Macron a rappelé l’engagement pris par l’exécutif de réduire à six mois la durée nécessaire pour qu’un migrant sache s’il est ou non reconnu comme réfugié (cette durée est actuellement encore supérieure à un an). Pour cela, le temps d’étude des dossiers à l’Office français des réfugiés et des apatrides (Ofpra) devrait descendre de cinq à deux mois. Des moyens supplémentaires (non encore arbitrés) seront aussi affectés aux services d’enregistrement dans les préfectures et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, puisqu’il faut à l’heure actuelle attendre plusieurs semaines avant de pouvoir déposer sa demande. Le maillon de la Cour nationale du droit d’asile, où 90 % des refusés de l’Ofpra font appel, sera lui aussi renforcé.
L’autre nouveauté du jour clairement rappelée est de limiter les flux d’entrée en Europe. Mardi le chef de l’Etat a reçu des dignitaires libyens, pour apporter sa touche à une réconciliation nationale. Mais même avec une volonté diplomatique forte, le chemin risque d’être long avant une stabilisation de la situation de ce territoire. Alors, en attendant, Emmanuel Macron propose un dispositif pour tenter de réduire le nombre de migrants traversant la Méditerranée. Un voyage que plus de 110 000 Africains ont en effet déjà tenté cette année et où 2 300 ont laissé leur vie.

Des missions en Afrique

Grande nouveauté, la France organisera donc des missions pour sélectionner des demandeurs d’asile en Afrique. « L’idée étant d’éviter que des gens prennent des risques fous, alors qu’ils ne sont pas éligibles à l’asile », a expliqué M. Macron. Rien n’empêchera ceux qui ne sont pas acceptés à ce moment-là de tenter le voyage ; mais la connaissance sur le dispositif européen d’accueil sera meilleure dès ce stade et permettra peut-être de dissuader les migrants économiques. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies note en effet que les flux arrivant en Italie aujourd’hui sont composés d’un tiers seulement de personnes éligibles à l’asile. L’idée est de mettre en place une politique de dissuasion pour les autres.
Des missions de l’Ofpra pourraient ainsi se rendre au Niger et au Tchad pour y entendre des réfugiés déjà repérés sur place par le HCR comme des personnes à protéger. De même, des négociations sont en cours avec l’Italie pour que des agents de l’Ofpra se rendent dans les hotspots et puissent y proposer un statut de réfugié en France. Ces missions particulières s’ajoutent au processus habituel d’étude des dossiers menés par l’Ofpra en France, car comme l’a rappelé le chef de l’Etat : « Pour les persécutés, combattants de la liberté, je serai intraitable. Ils doivent être accueillis sur notre territoire. Les laisser errer de frontière en frontière, ce n’est pas la France. »
Durant son discours, le chef de l’Etat a aussi beaucoup mis l’accent sur l’intégration et l’apprentissage de la langue française. Avant de se rendre en préfecture, il avait passé une heure trente avec deux familles de réfugiés, syrienne et congolaise, accueillies dans la banlieue d’Orléans. Il avait discuté avec elles des conditions d’intégration, des difficultés à arriver en France. Autour d’un café et de pâtisseries orientales, il avait répété sa volonté de multiplier les heures d’apprentissage du français. Un dispositif qui s’arrête aujourd’hui à un bloc de 200 heures offert à la signature du contrat d’intégration, qui devrait doubler, mais avec une progression très lente durant les années à venir, alors que le besoin est urgent.

Le monde

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