« Kisses from mummy » : la photo postée par Victoria Beckham sur Instagram n’était qu’un message d’anniversaire pour les 5 ans de sa fille Harper, mais elle a donné naissance à une polémique entre les mamans qui trouvaient inapproprié de donner un baiser sur la bouche de l’enfant et celles qui soutenaient Victoria dans sa démonstration d’affection.
Baiser d’amoureux
Pour les premières, il s’agit d’un geste « sensuel » et gênant, pour les secondes c’est « naturel » et personne ne doit juger de leur manière d’embrasser leur enfant. Pendant que les mamans se crêpent le chignon sur le Web, les pédopsychiatres ont un avis clair : le baiser sur la bouche, dans notre culture, c’est le baiser d’amoureux. Et rien d’autre. « Socialement, culturellement, c’est un geste réservé aux amoureux donc embrasser son enfant peut favoriser de la confusion affective chez lui », explique Gilles-Marie Valet, pédopsychiatre et auteur de Les 101 règles d’or de l’éducation bienveillante (éd. Larousse).
Dans d’autres régions du monde, le baiser a des significations bien différentes : quand Brejnev embrassait les dirigeants de l’Allemagne de l’Est, ce n’était pas de l’amour. Mais aujourd’hui, cette pratique du baiser entre pairs se perd.Comme l’expliquait Alexandre Lacroix, auteur de Contribution à la théorie du baiser(éd. J’ai lu), nous n’avons conservé des trois formes de baiser codifiées par les Romains que le baiser des amants, à caractère sensuel. Le baiser familial qui se pratiquait entre parents ne se retrouve aujourd’hui que lors des mariages, où le baiser entre époux marque l’entrée dans la famille.
Excitation et culpabilité
Embrasser son enfant sur la bouche peut aussi avoir un impact sur son développement sensoriel et affectif. « Un baiser sur la bouche est bien plus excitant qu’un baiser sur la joue donc ça peut favoriser chez l’enfant une excitation libidinale qui n’est pas adaptée », explique le pédopsychiatre. La sexualité de l’enfant, très différente de celle des adultes, n’est pas focalisée sur les organes génitaux mais passe par de nombreuses sensations de tout le corps. La bouche, en particulier, est un organe qui évoque à l’enfant le premier des plaisirs connus : celui de se nourrir. Brouiller les pistes entre les différentes fonctions de la bouche peut être très troublant.
Bien sûr, l’enfant est dans un premier temps ravi d’être embrassé de la sorte : en pleine période œdipienne, être considéré comme l’amoureux/se de maman ou papa, il ne rêve que de ça, notait dans le magazine Psychologies la psychanalyste Claude Halmos. La déception risque d’être d’autant plus cruelle le jour où le parent lui dira « c’est fini, tu es trop grand ». « Il va se dire : « maman ou papa m’a bien eu, il m’a fait croire que je pouvais devenir son amoureux-se et je ne peux pas » », résume Gilles-Marie Valet.
Cela peut aussi entraîner chez l’enfant une forme de culpabilité s’il se rend compte, en se comparant à ses camarades, que les autres n’embrassent pas les adultes sur la bouche. Mais qu’on se rassure pour la petite Harper, « cela n’occasionnera pas nécessairement des grands troubles chez lui parce que l’enfant est en développement et il va savoir intégrer les expériences multiples », assure le pédopsychiatre.
Finalement, c’est plutôt Victoria Beckham qui devrait se poser des questions sur son enfance : « Pourquoi le fait-on ? Qu’est-ce qu’on a vécu soi-même étant enfant ? Fait-on vraiment la différence entre l’amour que l’on porte à son enfant et qui devrait être désexualisé et celui qu’on porte à des adultes ? », s’interrogeait Claude Halmos au micro de France Info. D’autant plus que quand on a un mari aussi joli que celui de Victoria, on pourrait se contenter de l’embrasser lui.