Elysée : 28 tirailleurs sénégalais naturalisés, ce samedi

Ils ont combattu au côté des soldats de la métropole durant les principaux conflits du XXe siècle et sont aujourd’hui environ un millier à vivre en France, parfois dans des situations précaires. Pour leur rendre hommage, François Hollande leur a délivré la nationalité française lors d’une cérémonie officielle ce samedi.

Samedi matin, le président de la République a naturalisé vingt-huit tirailleurs sénégalais. Ils ont entre 78 et 90 ans et ont combattu dans les rangs de l’armée française pendant la Seconde guerre mondiale, en Indochine ou en Algérie. Plus de cinquante ans après, ils n’étaient toujours pas citoyens français. Un tort que François Hollande avait promis de réparer à son homologue sénégalais, Macky Sall en décembre dernier.

«Nous sommes rassemblés pour une cérémonie d’entrée dans la nationalité française, pour des retrouvailles» a lancé François Hollande en ouverture de la cérémonie officielle à l’Élysée, avant de préciser que «tous les anciens tirailleurs qui résident en France et qui en feront la demande, obtiendr[aie]nt la nationalité française». «Ceux qui se sont battus pour la France et qui font le choix d’y vivre, doivent pouvoir devenir Français», a estimé le chef de l’État, qui a reconnu qu’«il a[vait] fallu mener un long combat pour que la France consente enfin à réparer cette injustice».

François Hollande a pris soin de rappeler le rôle historique de ceux que l’on nommait les «dogues noirs de l’Empire». «Quand l’Europe bascule dans la grande guerre, la France recrute plus de 230 000 soldats en Afrique (…) Dans les ténèbres de l’été 1940, c’est d’Afrique qu’est venue la lumière des premières victoires (…) De 1940 à 1945, 160 000 tirailleurs sénégalais ont servi (…) Vous êtes les survivants de cette époque. Vous êtes une part de la mémoire de l’histoire de France», a-t-il solennellement déclaré.

Environ mille tirailleurs sénégalais vivent en France aujourd’hui, dont la moitié en Ile-de-France. Parmi eux, dix-huit habitent dans un foyer social à Bondy, avec 335 euros de pension militaire par semestre. Ils sont sans leur famille, installées à plus de 5000 kilomètres de là, au Sénégal. Plusieurs d’entre eux ont bien tenté d’obtenir la nationalité française, mais les démarches administratives n’ont jamais abouti. Et s’ils sont en possession de toutes leurs médailles de guerre, les actes de naissance de leurs parents et grands-parents sont bien plus compliqués à récupérer.

C’est à cette situation précaire qu’Aïssa Seck, adjointe aux anciens combattants de la ville de Bondy (Seine-Saint-Denis), a souhaité remédier. Elle a lancé une pétition sur Change.org en novembre 2016, où elle interpelle les internautes: «lorsque ces tirailleurs sénégalais ont été appelés au combat, personne ne leur a demandé de se soumettre à ces nombreuses tracasseries administratives. Pourquoi leur imposer tout cela aujourd’hui?» Une cause qui trouve un certain écho puisque plus de 63.000 signatures ont été récoltées, d’inconnus mais aussi de personnalités comme Claude Bartolone et Jamel Debbouze.

Depuis 2007, la loi sur la décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite permet à tout ressortissant d’anciens territoires de l’Empire français de toucher un pécule. Mais la mesure est éminemment symbolique puisqu’elle permet, selon les mots de Lionel Jospin prononcés en 1998, de réintégrer les tirailleurs sénégalais dans la «mémoire collective nationale».

Yoro Diao – Le Gros Journal du 07/02

Yoro Diao fait parti des vingt-sept tirailleurs reçus à l’Élysée samedi. Né en 1928 près de Saint-Louis dans le nord du Sénégal, il a servi dans l’infanterie française en Tonkin (Indochine) de 1952 à 1955 puis a été envoyé en Algérie en 1958. En février dernier, il affirmait dans l’émission Le Gros Journal (Canal +): «Nous ne sommes pas isolés, nous ne demandons pas l’aumône. La France a été reconnaissante à notre égard», a-t-il estimé.

Un héritage militaire

Les tirailleurs sénégalais sont des soldats recrutés à partir de 1857 dans les anciens territoires français de l’Afrique subsaharienne. Le premier contingent de «tirailleurs» (de «tir» et «ailleurs»), ainsi appelé par raillerie parce que ratant souvent leur cible, était composé d’engagés du territoire du Sénégal. Mais les régions ayant fourni les plus gros contingents correspondraient pour les pays actuels au Mali, au Burkina Faso et à la Guinée.

Ils ont servi l’armée française dans ses pages les plus glorieuses: la libération de Toulon, le débarquement de Provence. Mais aussi dans des moments plus sombres, comme la répression du soulèvement du Constantinois en Algérie en mai 1945 ou la répression à Madagascar en 1947. Jusqu’à la dissolution des dernières unités de tirailleurs dans les années 1960, plus de 200.000 ont combattu lors de la Première guerre mondiale, 150.000 pour la Seconde, et au moins 60.000 en Indochine.

Aujourd’hui, il y a une volonté, particulièrement au Sénégal, de mettre en avant cet héritage militaire. Depuis 2004, il existe une «Journée du tirailleur», initié par l’ancien président Abdoulaye Wade (2000-2012), dont le père était également tirailleur.

AFP, AP, Reuters Agences

 

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