Malgré son statut de Wag, elle a toujours voulu rester en retrait, à l’ombre de son footeux de mari, El Hadj Ousseynou Diouf. Aujourd’hui, face à «L’Obs», elle accepte de mettre un coup de projecteur sur elle, son vécu de première supportrice de son époux. C’est parti pour une séquence souvenirs. De la Coupe du monde 2002 aux matchs en club, Valérie Bishop nous décline sa feuille de match. A mi-temps, de petites incursions sur son côté jardin…
La Coupe d’Afrique des nations bat son plein actuellement. Epouse d’une ancienne gloire du football africain, El Hadj Ousseynou Diouf, vous avez certainement dû vivre des anecdotes durant les compétitions de grande envergure. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
Toute personne qui assiste à la Can ou à la Coupe du monde, ne peut qu’en garder de bons souvenirs. Ce sont des moments inoubliables et indescriptibles. Les joueurs qui descendent sur le terrain ont une pression, mais nous qui les accompagnons en avons une bien plus grande. Nous partons avec des appréhensions et c’est difficile de nous les enlever de la tête. Nous sommes constamment en train de nous demander si la personne pour qui nous sommes là se blesse ou ne fait pas bien les choses, ce qui allait se passer. Je touche du bois, El Hadj n’a jamais eu de graves blessures. A la moindre faute, quand il y a un tacle ou lorsqu’il se prend un carton ou un but est encaissé, la tension monte d’un cran. Même après le match, nous restons focus sur le match d’après. On se substituait à eux et on se mettait à jauger les performances ou gabarits des autres joueurs avec qui, ils devaient disputer ce match. Je l’ai vécu lors du Mondial 2002 en Corée. Dans tous les cas, c’est une très belle expérience. Malheureusement, pour les Coupes d’Afrique, je n’ai pas pu y aller , car c’est tombé à des périodes phares de ma vie. Soit je venais d’avoir mes enfants ou alors j’étais en plein déménagement. N’empêche, même de loin, le stress était toujours présent. Il y a aussi eu des moments où je me suis retrouvée dans les gradins de l’équipe adverse parce que j’étais en retard. Je n’osais même pas jubiler lorsque nous marquions un but. Une autre fois, je suis montée dans le bus des Celtics qui jouaient contre l’équipe de El Hadj. J’avais le maillot de l’équipe sur le dos, mais j’étais obligée de l’enlever et de faire semblant d’être avec eux. Sinon, je risquais de passer un mauvais quart d’heure. J’avais également eu la chance, lors de ce Mondial, d’être avec les épouses de Fadiga, de Tony Sylva, de Oumar Daf, de Mactar Ndiaye et de Bruno Metsu. Nous avons tissé des liens et sommes devenues une famille. Jusqu’à présent, nous avons gardé des contacts et nous nous voyons à l’occasion. Nos enfants se fréquentent et partent en vacances ensemble.
Quel a été votre souvenir le plus marquant dans ce Mondial ?
Il y a deux choses. La première, c’est que, avant de partir, j’étais persuadée que le sort de l’équipe allait être scellé au bout du premier match. Donc, je suis partie avec une valise. Dedans, il y avait 3 jeans et 3 tee-shirts. J’avais dit à El Hadj qu’on allait nous couvrir de honte et que nous allions rentrer avec pleins de buts encaissés. Il m’a répondu que je risquais d’être surprise. Honnêtement, j’avais peur d’y aller mais, au bout du compte, je n’avais plus rien à me mettre et j’ai dû aller faire du shopping. Finalement, j’ai eu tort devant El Hadj Diouf. L’autre souvenir qui m’a aussi marqué, c’est le décalage des cultures en Corée. Elles sont totalement différentes des nôtres. Ils mangent à des heures précises et assis par terre, sur leurs genoux. Le plus surprenant, c’est qu’ils servaient beaucoup de chiens et de chats. Du coup, on se nourrissait pratiquement que de fruits et de soupe. On est tous rentrés avec des kilos en moins.
Aviez-vous le droit d’avoir des quartiers libres avec vos époux durant la compétition ?
Contrairement à ce que l’on racontait dans les médias, ce n’est pas parce que nous accompagnions nos hommes que nous habitions le même hôtel. On ne se voyait qu’après les matchs. Il y avait une certaine rigueur et une discipline à respecter. Pas de virées et de sorties nocturnes. La seule fois où ils ont eu l’autorisation de dormir dans notre hôtel, c’est après la rencontre avec la Turquie. Après, c’était off, il n’y avait plus matchs, malheureusement. La fédération nous avait mises très à l’aise. Nous avions des téléphones pour appeler et des gens préposés à notre sécurité. Nos frais de voyage et d’hébergement étaient totalement à leurs charges.
Le fait d’avoir à leurs côtés leurs proches, a-t-il un impact sur le moral des joueurs ?
Oui, bien entendu. Cela leur fait beaucoup de bien. La preuve, à l’époque, El Hadj et moi n’étions pas mariés. Nous étions juste fiancés et il a énormément insisté pour que je vienne. J’étais réticente au départ en lui disant que c’était seulement les épouses qui étaient autorisées à partir. Il a insisté en me rappelant qu’il avait besoin de moi à ses côtés. Lorsque nous étions sur le point d’embarquer, tout le monde était en business sauf moi. El Hadj n’a pas du tout apprécié, il a carrément piqué une crise. J’ai essayé de le raisonner en vain. Je me rappelle que c’était le papa de Massata Diack (Lamine Diack ndlr) qui est intervenu pour calmer les choses. El Hadj n’a rien voulu entendre, il s’est même braqué en disant qu’il n’allait plus embarquer et a rendu son billet. Au final, M. Diack a tout bonnement payé la différence en surclassant mon billet et j’ai voyagé en business. C’est bien après que nous nous sommes mariés, en 2005, et nous avons eu notre fille en 2003. On va dire, qu’on a brûlé les étapes. De l’eau a coulé sous les ponts depuis 2002. On est en 2019 et il y a une nouvelle génération. Nous devons tous nous unir derrière eux et arrêter de les critiquer. Krépin Diatta a fait les frais d’une raillerie sur les réseaux sociaux, alors qu’il nous a marqué un beau but et a fait un bon match. Il faut qu’on s’arrête sur l’essentiel. Le jeune homme a fait des dons pour l’hôpital de sa région, mais on préfère s’avancer sur son physique. Après, on se demande pourquoi les joueurs sénégalais n’épousent ou ne sont en couple, pour la plupart, qu’avec des Blanches. C’est malheureux.
El Hadj, un homme très controversé, comment est-ce que vous vivez les critiques à son encontre ?
Au début, ce n’était pas du tout facile pour moi d’encaisser les critiques. Je m’énervais quand quelqu’un disait quelque chose qu’il ne fallait pas. Je le ramassais direct. A chaque fois que les journalistes écrivaient des articles qui le discréditaient, je cherchais leurs contacts pour m’en prendre à eux. Avec le temps, je me suis faite une carapace. Je ne regarde plus ce qui est écrit et je ne fais plus attention à ce qui se raconte. Même si on publie des photos de lui avec une femme, je ne m’arrête plus là-dessus. El Hadj est une personne connue, je n’y peux rien quand sa vie est épiée. Que je le veuille ou non, j’aurai toujours des surprises. A un moment donné, il faut juste se concentrer sur le plus important, nos enfants, et essayer de les protéger au maximum des messes-basses. Nous avons deux filles de 16 et 10 ans et beaucoup m’ont demandé pourquoi je n’en faisais pas d’autres. C’est un choix personnel, je préfère me consacrer à elles et à leur éducation.
Pour être une bonne épouse de footballeur, faut-il nécessairement aimer le foot ou connaître le langage du football ?
Pas forcément. Je connais beaucoup d’épouses de joueurs qui n’aiment pas le foot. Il y a des joueurs, dès qu’ils quittent le terrain, c’est fini. C’est juste un métier. Pour d’autres comme El Hadj Diouf, c’est une passion. Il mange, il dort, il vit foot, il en parle tout le temps. Dès le matin, c’est «Infosports», au moment de se coucher, c’est «Infosports». Du coup, je suis obligée de faire avec. J’ai la chance que mon grand-père était un fana du foot et je supporte toujours ses équipes, Saint-Etienne et Marseille. Grâce à lui, je me suis intéressée à ce sport et j’allais me faire signer des autographes, lorsque des stars du foot étaient de passage à Dakar. J’adore le foot.
El Hadj Diouf est-il aussi contestataire dans l’intimité ?
Une personne, tant qu’on ne la connaît pas, on ne peut pas la juger. El Hadj a un passé très difficile. Il s’est forgé une carapace à l’extérieur. Il n’est pas du tout comme ça avec les gens qui l’aiment. Il n’aime pas qu’on lui marche dessus, c’est tout juste ça. Il est du genre à rendre coups pour coups et il a un franc-parler cru. A la maison, c’est moi qui cris, qui râle tout le temps.
Est-ce un avantage ou plutôt un inconvénient d’être épouse de joueur ?
Ce n’est ni l’un, ni l’autre. A la maison, il devient juste un époux, un père. Pour moi, c’est pareil. Je ne ressens le statut de femme de joueur qu’à l’extérieur, parce que nous n’avons plus de vie privée. On a une certaine correction et une tenue à avoir. On fait attention à ne pas être en mauvaise posture. Tout s’apprend dans la vie, chacun doit savoir rester à sa place et ne pas dépasser ses limites. Je suis sur les réseaux sociaux, mais je sais qu’il y a des choses à ne pas dire ou poster. Il y a des débats qui m’énervent, mais je ne m’en mêle pas. J’aime aller à la plage et faire la fête avec mes amis, mais je fais attention à l’image que je renvoie pour ne pas qu’on me tombe dessus.
Récemment, dans une vidéo, on a entendu votre mari vous tresser des lauriers. Il est allé même jusqu’à dire qu’il ne pense pas prendre une seconde épouse…
Je ne peux pas dire qu’il ne le fera jamais. Un homme restera toujours un homme, de surcroit, c’est un Musulman, il en a droit à quatre. Qui vivra, verra. Mais je pense qu’il a déjà répondu à cette question. En tant qu’homme, la décision lui revient. Je ne peux que lui faire confiance. Comme il l’a si bien dit, «seuyal na ko, mougneul na ko».
Vous êtes prête à accepter une coépouse ?
Pour dire vrai, je n’ai pas grandi dans ça et ce n’est pas quelque chose que je connais. Je suis Catholique, je prie et je vais à l’Eglise. Dieu nous met toujours à l’épreuve et on ne peut pas toujours prévoir sa réaction. Dieu merci, pour le moment, il a dit qu’il n’en ressent pas le besoin. Même en rigolant, il ne m’a jamais parlé de prendre une seconde épouse.
On entend souvent dire que El Hadj est ruiné…
Qui a vu un joueur qui a grandi sans le sou, qui est devenu milliardaire à force de sueur et qui ne s’amuse pas ? Maintenant, c’est clair que notre train de vie est différent d’il y a 15 ans, mais on ne se plaint pas. On dort sous un toit. Nos enfants sont dans une bonne école. Je voyage quand je veux, mes enfants vont en vacances quand elles veulent. Je ne comprends pas pourquoi les gens s’attardent sur ce que l’on a ou pas. Ce ne sont pas eux qui paient nos factures à la fin du mois. Pourquoi les gens ne fourrent pas leur nez dans leur affaire ? C’est de la méchanceté gratuite. Dans la vie, tout le monde a eu des hauts et des bas.
Avez-vous des activités ?
Quand je suis revenue à Dakar, j’avais des projets mais par la suite, je me suis rendu compte que Dakar s’était complètement métamorphosé. Du coup, je me suis concentrée sur ma vie de femme et de mère, tout en ayant une porte ouverte dans le social. Avec une amie d’enfance, nous avons monté une association pour lutter contre la violence faite aux femmes. Nous prévoyons de présenter des conférences dans ce sens, dans la sous-région.
Parlez-nous un peu de vous et de vos origines…
Le nom Bishopp est irlandais et j’ai des racines des Îles des Antilles, de la Casamance et de la Guinée Conakry. Je suis née, j’ai grandi et fait mes humanités ici au Plateau. J’ai été mannequin pour la Sotiba et certains stylistes, malgré ma petite taille. Je suis de la même génération que les Khadija Sy, Coucou Sarr, Maguy Niang. Nous avons toutes la quarantaine et sommes restées très amies…
MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU
Avec L’obs