L’Afrique a été pendant longtemps tenue à l’écart dans la négociation climatique. Trop pauvre, pas assez pollueuse. Avec 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre pour 1,1 milliard d’habitants, elle n’est pas davantage au cœur du sujet aujourd’hui. Elle pourrait l’être demain : sans une aide spécifique, certains estiment que le continent africain pourrait polluer autant que la Chine à la fin du siècle.
Conclusion : il est devenu impossible de ne pas écouter l’Afrique. « Elle est le continent qui souffre le plus du dérèglement climatique. Répondre à cette souffrance est une question de justice et c’est une condition pour que la COP21 aboutisse à un accord sérieux », a averti le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, au premier jour de la conférence réunie depuis dimanche 29 novembre à Paris. La France en est convaincue. Le sommet des chefs d’Etat africains organisé ce mardi par François Hollande doit permettre de catalyser les bonnes volontés autour des attentes du continent.
Premiers concernés, les Etats sahéliens, où la dégradation environnementale est l’un des ingrédients des crises et des guerres qui alimentent l’exode de populations privées de terres capables de les nourrir. Mais l’Afrique n’est pas à Paris pour tendre la main et récolter quelques subsides. Si elle s’est battue pour ramener dans la négociation la question cruciale de l’adaptation au changement climatique, c’est de son avenir qu’elle veut parler – de son développement économique, tout juste amorcé ; des deux tiers de sa population, aussi, qui n’ont toujours pas accès à l’électricité.
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A l’exception de quelques pays pétroliers, la grande majorité du continent ne réclame pas de pouvoir continuer à brûler du pétrole et du charbon pour rattraper le niveau de vie des pays industrialisés. Les Africains sont prêts à faire le pari inverse en s’engageant vers des modèles économiques sobres en carbone.
L’Ethiopie, avec ses presque 100 millions d’habitants et ses 10 % de croissance, s’est fixé pour objectif de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre en 2030 qu’en 2010. Sa contribution est considérée comme l’une des plus ambitieuses parmi les 184 plans nationaux déposés en amont de la COP21.
Le Rwanda, les îles du Cap-Vert, le Maroc, le Kenya font aussi le choix d’un recours massif aux énergies renouvelables. L’Union africaine a adopté une « initiative » pour ces énergies, qui prévoit d’atteindre, d’ici à 2030, 300 gigawatts de capacités installées – soit le potentiel identifié pour tout le continent par l’Irena, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables. L’Union s’engage à donner, dans le même temps, un accès universel à l’électricité, notamment grâce au solaire.
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Les Africains ne se mentent pas. Sans la solidarité financière des pays industrialisés, ils ne pourront y arriver. Le plan de l’Union est estimé à 250 milliards de dollars. Trop cher ? Réponse : quel serait le coût, en termes d’émissions polluantes, d’un développement fondé sur les énergies fossiles, sur un continent dont la population va doubler d’ici à 2050 ?
Il y a deux bonnes raisons de satisfaire les attentes de l’Afrique. La première est morale. La seconde est qu’il y va de notre intérêt : l’Afrique apporte une partie de la solution à la crise climatique. L’ensemble correspond à ce que le premier ministre indien, Narendra Modi, appelle un nécessaire devoir de « justice climatique ».