Plus de 700 personnes ont été tuées et 800 blessées ce jeudi dans un mouvement de foule à La Mecque. Deux millions de musulmans sont actuellement dans cette ville sainte pour faire leur pèlerinage. Alors que l’identification des victimes est toujours en cours, pour les proches des pèlerins africains, c’est l’angoisse qui domine.
Selon le dernier bilan fourni par la défense civile, 717 personnes ont péri et 863 ont été blessées dans la bousculade meurtrière qui s’est produite jeudi matin à Mina, près de La Mecque. L’identification des victimes n’est pas terminée. Pour l’heure, on sait qu’une centaine d’Iraniens figureraient parmi les morts. L’Algérie déplore également des victimes, tandis que des pèlerins turcs sont portés disparus. Jeudi soir, aucun Français n’avait été identifié parmi les victimes. Le gouvernement poursuivait ses vérifications. Environ 25 000 à 30 000 Français effectuent le pèlerinage chaque année. Un numéro vert a été mis en place : 01 43 17 56 46.
Plusieurs témoignages font état de Nigériens parmi les victimes du mouvement de foule. Selon Djamila, une Nigérienne jointe par RFI à La Mecque, « il y a beaucoup de Nigériens[parmi les victimes], mais pour le moment on ne peut pas dire combien de Nigériens sont morts,précise-t-elle. Presque chaque année, je viens avec des groupes de Nigériens ici à La Mecque. Ça fait mal de venir avec des gens et puis de rentrer sans eux, ça fait vraiment mal. Si un Nigérien est touché, c’est comme si tous les Nigériens étaient touchés. Faites que leur âme repose en paix. »
- Tabaski gâchée au Mali
En Afrique, d’où vient une partie des pèlerins, le drame a coïncidé avec la Tabaski [aussi appelé Aïd el-Kébir ou Aïd el-Adha, ndlr]. Une grande fête gâchée par la crainte d’une mauvaise nouvelle. A Bamako, au Mali, presque tout le monde a un proche là-bas. Premier réflexe, téléphoner, demander des nouvelles.
Les plus chanceux ont été rapidement rassurés.« J’ai une dizaine d’amis qui sont là-bas,raconte cet homme. Le frère de l’un d’eux les a appelés et il m’a appelé ensuite pour dire que tout allait bien là-bas. »
« C’est un oncle à moi qui doit avoir à peu près dans les 63 ans. Il se porte très bien, je viens de l’avoir au téléphone il y a une trentaine de minutes et voilà, ça va, se réjouit ce Malien. J’ai juste appelé pour prendre de ses nouvelles. Heureusement pour moi, quand j’ai appelé, il a décroché le téléphone et il a m’a dit que ça allait, qu’il y avait eu beaucoup de morts, mais que ça va. Dans la panique, il ne sait pas encore s’il y a des morts de son côté. Il est là-bas avec d’autres personnes et il n’avait pas encore de nouvelles. »
Pour les personnes qui restent sans nouvelles de leurs proches parce que le réseau passe mal ou parce que personne ne décroche, c’est évidemment l’inquiétude. C’est le cas de cette femme, qui ignore comment va son amie. « Aujourd’hui, je n’ai pas réussi à avoir de nouvelles et ça m’inquiète. Je vais redemander à son mari, je vais lui téléphoner et il va me dire que tout va bien inch’Allah… »
- Environ 10 000 pèlerins sénégalais
Près de 10 000 Sénégalais sont en ce moment à La Mecque pour participer au hadj. C’est le nombre de visas accordés aux pèlerins cette année par l’Arabie saoudite. En raison de la Tabaski, Dakar s’est vidée ce jeudi, les abords de la Grande Mosquée sont déserts. Mouhamad est en train de charger bagages et mouton pour aller dans sa famille, il est touché par ce drame. « Ça me touche parce que je suis musulman pratiquant, confie-t-il. C’est comme si j’étais directement impliqué. J’exhorte les organisateurs de mieux organiser cet événement parce que vraiment c’est désolant. Je suis de tout cœur avec les familles concernées. »
Quand la nouvelle de la bousculade est tombée, Amie a immédiatement cherché à obtenir des nouvelles de ces proches. « C’est vraiment regrettable, nous prions pour les blessés,affirme-t-elle. La première chose qu’on a eu à faire quand on a entendu la nouvelle, c’est entrer en contact avec les parents qui sont là-bas juste pour voir si tout se passait bien. »
Malgré la distance qui sépare Dakar de La Mecque, Fernandez a du mal à trouver ses mots. « C’est grave parce qu’il y a eu deux drames horribles. Que Dieu les bénisse… » Le 11 septembre dernier, une grue s’était effondrée sur la Grande Mosquée, tuant 111 personnes.
Radie pense avant tout à ses proches qui participent au pèlerinage. « J’étais abasourdi, je n’ai pas osé appeler qui que ce soit tout en souhaitant que ce soit bon, avoue-t-elle. J’avais trop, trop peur. Mais bon, on rend grâce à Dieu, chaque musulman souhaite mourir à La Mecque et je dirais que c’est une bénédiction pour eux. »
- Côte d’Ivoire : « Est-ce que c’est l’organisation qui a fait défaut ? »
En Côte d’Ivoire aussi les musulmans célèbrent la fête de l’Aïd el-Kebir. « J’ai beaucoup, beaucoup de peine pour nos frères et nos sœurs qui sont là-bas », se désole cet homme. « Ça a été un choc, mais je me suis dit que c’était la volonté de Dieu. Ce que le bon Dieu décide, on n’y peut rien », réagit, fataliste, cette femme. « Ça ne va pas nous empêcher d’aller à La Mecque,assure un autre Ivoirien. C’est notre foi, c’est le cinquième pilier de l’islam. »
Pour d’autres encore, c’est encore l’angoisse qui domine. « Ma femme est là-bas en ce moment. Je me sens très, très inquiet, je n’ai pas encore réussi à la joindre au téléphone,explique cet homme. En 1996, j’ai vu des bousculades à ce même endroit, mais depuis, il y a eu beaucoup d’améliorations, on a organisé de nouveaux accès pour aller au lieu de lapidation. »
Et certains se posent des questions sur la sécurité du lieu saint : « Est-ce que c’est l’indiscipline des pèlerins ? Est-ce que c’est l’organisation qui a fait défaut, interroge cet homme.Là, il faut faire des enquêtes et voir ce qui s’est passé exactement, en espérant qu’ils vont pouvoir en tirer des leçons et éviter que ça se reproduise à l’avenir. » « Je demande aux autorités saoudiennes de tout faire pour que ce genre de situation ne puisse se reproduire dans les années à venir. »
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